Dans le monde de la chronique d'album, il n'est pas rare de souligner que le cap du deuxième album est crucial pour un groupe. Cette vérité n'a jamais été aussi vraie que pour
Hell et son
Curse and Chapter. Séparé à la fin des années 80 après le suicide de David G. Halliday, son leader historique, cette formation issue de la NWOBHM semblait vouée à l'oubli. Cependant, sous l'impulsion d'un certain Andy Sneap, qui avait connu le groupe à l'époque,
Hell s'est reformé plus de 20 ans plus tard. Et de cette reformation naquit un premier album,
Human Remains, sorti en 2011, composé uniquement de titres présents sur les quelques démos sorties par le groupe il y a bien longtemps.
La question était donc de savoir si
Hell saurait sortir un deuxième album avec de nouvelles compositions qui tiendrait la route, malgré l'absence de son regretté leader. Soyons tous rassuré,
Curse and Chapter est l'album que nous étions en droit d'attendre.
Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec
Hell (personne n'est parfait), il s'agit d'un groupe souvent comparé à
Mercyful Fate pour son image très centrée sur un satanisme blasphématoire, comme l'indique la pochette. L'atmosphère que l'on retrouve ici est donc avant tout très sulfureuse. Les paroles traitent d'apocalypse, de démons ou (très souvent) critiquent vertement (mais de façon réfléchie) la religion. La musique jouée s’en ressent beaucoup et reflète ces sujets. Cependant et je l'ai déjà précisé dans ma chronique de
Human Remains,
Hell est un groupe doté d'une véritable personnalité. Alors qu’ils auraient pu jouer leur musique dans la plus pure tradition, les membres du groupe ont décidé d’agrémenter leur musique de nombreux éléments savamment dosés qui leur permettent de se distinguer dans un style maintes fois exploré.
Ces éléments, sous la forme de chœurs, de claviers et de divers effets sonores, s’ils sont toujours bien présents sur
Curse and Chapter, ne sont cependant plus omniprésents comme ils ont pu l’être sur
Human Remains. L’intro, à base de claviers et de samples de hurlements de terreur, cède la place à
The Age of Nefarious, un titre très direct, avec peu de fioritures, si ce n’est quelques claviers sur le pré-refrain ou sur le pont qui précède le solo. Le titre suivant, The Disposer Supreme, s’inscrit dans la même veine. L’album est globalement donc plus direct que son prédécesseur. Cependant, nous sommes loin d’un revirement de style puisque l’esprit de
Hell tel qu’il s’était révélé en 2011 est toujours bien présent, notamment par l’apport des compositions ou des textes de David G. Halliday (
Harbinger of Death,
Land of the Living Dead et
Deliver us From
Evil).
Curse and Chapter est au final plus varié que
Human Remains puisqu’au côté de titres très directs comme ceux cités plus hauts, on retrouve d’autres morceaux plus baroques comme Darkhangel. Cette dernière chanson assez extravagante, remplie à ras-bord de chœurs, de claviers, dans laquelle s’enchaînent plusieurs parties différentes dans une structure presque progressive contraste beaucoup avec la sobriété des deux titres qui l’entourent. De même,
Land of the Living Dead, à l’ambiance de série B d’horreur se détache de l’atmosphère globale de l’album par son côté moins sulfureux. Bref, vous l’aurez compris, sur cet album,
Hell joue la carte de la variété. Ce côté hétérogène plaira moins à certains que l’homogénéité du premier, plus fluide, où la plupart des titres se fondaient les uns dans les autres sans interruption. Beaucoup d’autres salueront l’effort de renouvellement du groupe, qui réussit même à apporter un peu de fraîcheur et de personnalité à un style que l’on croyait déjà connaître par cœur.
Bien sûr, on ne peut pas parler de la personnalité de
Hell sans mentionner son chanteur, David Bower, acteur de son état ayant fait ses armes dans des comédies musicales, qui s’approprie les textes et délivre une performance très théâtrale. Sa simple présence au sein du groupe donne une personnalité inimitable à la musique qu’ils nous proposent. Il n’y a qu’à écouter la façon passionnée dont il déclame son texte vers la sixième minute de Darkhangel, soutenu par des chœurs. La conviction qu’il place dans son chant rend chaque chanson plus vivante, plus prenante. Certes, sa tendance à en faire des tonnes pourra en dégoûter beaucoup, mais c’est la rançon de la prise de risques.
Hell exécute donc avec
Curse and Chapter un retour réussi. Non content de montrer que la formation est encore capable d’écrire de bons morceaux qui ne jurent pas avec les anciens tout en renouvelant relativement son approche musicale, le groupe prouve que sa résurrection n’était pas qu’un simple hasard ou un coup marketing, mais bel et bien l’œuvre d’artistes talentueux passionnés par leur musique. J’irais même jusqu’à dire que
Hell, grâce à son originalité, prouve qu’il est encore possible d’avoir une personnalité propre en jouant du Heavy traditionnel. Les jeunots devraient en prendre de la graine, tiens…
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