Cthulhu

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19/20
Nom du groupe Cryo Chamber Collaboration
Nom de l'album Cthulhu
Type Album
Date de parution 30 Septembre 2014
Labels Cryo Chamber
Style MusicalDark Ambient
Membres possèdant cet album4

Tracklist

1. Cthulhu 1:19:42
Total playing time 1:19:42

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Cryo Chamber Collaboration


Chronique @ Dotflac

22 Novembre 2014

Cthulhu, un hommage ambitieux assumé et transformé.

« Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn ».

Enchaînant tranquillement les (bonnes) sorties au rythme d'une par mois, Cryo Chamber marque son territoire un peu plus à chaque fois dans le paysage dark ambient. Le patron Simon Heath semble avoir le nez pour les projets prometteurs venant de tout horizons ; des sons infectés de Neizvestija sur fond de voyage touristique près de Karachay à la schyzophrénie paranoïde d'Aseptic Void, en passant par la croisière nordique aux frontières du réel de Mystified, les concepts et sonorités varient en suivant scrupuleusement le cahier des charges cinématographique de la maison.

Mais il semble que ce n'était pas assez. Comment aller plus loin ? En effectuant une collaboration à l'échelle d'un label quasi-entier, pardi. Ça tombe bien, c'est ce dont on va parler tout de suite.

La plus grande partie des artistes ayant publié chez Cryo Chamber a été mobilisée sur Cthulhu. Et contrairement à pas mal de spéculations, ce n'est pas un triskaideca-split album (paye ton mot) qui est paru, mais un unique mastodonte où les 13 participants (ou plutôt douze et demi, Sabled Sun et Atrium Carceri étant les deux egos artistiques de Heath) ont apporté leur propre vision de la créature incontournable de l'œuvre lovecraftienne. Comme chacun était libre d'implanter ses idées où bon lui semblait et de modifier celles des autres, la piste frôlant les 80 minutes ne se segmente pas en 13 morceaux distincts mais émerge bel et bien comme un travail équilibré où les influences cohabitent en symbiose, effaçant les différences pour un résultat dont la valeur dépasse la somme de ses parties.

Parfois pris à tort pour le Kraken à cause de sa tête de seiche, Cthulhu partage cependant le même habitat aquatique que son cousin scandinave, et serait enfermé dans la cité sous-marine de R'lyeh, dans le Pacifique, attendant sa libération au terme d'une conjonction stellaire favorable… Ce qui ne l'empêche pas d'investir inconsciemment l'esprit des Hommes, les emplissant d'un sentiment d'anxiété permanent. Et ces deux caractéristiques principales du Grand Ancien sont omniprésentes dans la composition éponyme de ce qui pourrait bien être la plus grosse collaboration dans le dark ambient.

Une réverbération contenue évoque la claustrophobie propre aux explorations abyssales tout au long de la piste, et des sons venus d'un autre monde ouvrent imperceptiblement un portail vers une dimension fantastique, où les puissances en jeu nous dépassent tout simplement. Des témoins interdits qui ne peuvent qu'espérer ne pas devenir des victimes collatérales.

Le ton est donné dès les premières minutes ; à peine a-t-on le temps de nous situer dans un vaisseau s'immergeant vers les profondeurs océaniques que les cris distants de Cthulhu transpercent la coque, comme un avertissement de ce qui nous attend si l'on décide de poursuivre notre voyage. Cette épopée se poursuit durant plus de 50 minutes, où les éléments sonores et les drones aquatiques se succèdent au rythme des courants marins nous déviant de notre cap, des créatures croisant notre route et de l'inexorable rapprochement de R'lyeh. Mais au-delà de la représentation concrète du milieu inquiétant où l'on évolue, Cryo Chamber dépeint aussi à travers des sons surréels et des atmosphères anxiogènes la bataille intérieure que l'on mène face à nos peurs les plus élémentaires : l'angoisse de l'enfermement, l'avancée vers l'inconnu, le doute sur l'issue des évènements, ou encore l'insécurité omniprésente… Comment ne pas s'interroger sur notre situation, où notre cocon de vie se résume à une bulle d'air piégée dans une enceinte métallique close, évoluant dans un environnement mortel à perte de sonar ? On ne peut pas lutter contre ces questions qui nous rongent, et ce n'est pas Cthulhu qui s'en plaindra.

Au terme de la 53ème minute, on atteint le paroxysme de la piste lorsque le monstre crée une tempête sous-marine impossible, où l'on est englouti dans un maelström avant de perdre tout repère, toute conscience, tout espoir. Notre réveil semble doux, bercé par de longues vagues aux petites amplitudes représentées par des notes de piano éparses et des drones éthérés, filtrés par les eaux calmes qui nous entourent. Mais cette vision de plénitude passagère n'était évidemment qu'un piège de Cthulhu, qui prend plaisir à nous suggérer ce qui nous apaise le plus afin de rendre le retour à la réalité encore plus insoutenable.

Nous n'avons jamais quitté notre submersible. Les courants aquatiques n'avaient rien de naturel, et ce n'est pas un feuillet de métal qui va y résister ; mais il n'est pas encore temps de s'abandonner à son sort, la bête souhaite profiter de nos dernières minutes pour amplifier et exagérer nos peurs afin de sucer ce qu'il nous reste d'essence vitale. Des nappes bruitées métalliques résonnent continuellement dans ce qu'il reste de notre vaisseau, avant que nos esprits ne soient investis par des cris indistincts ne pouvant venir que du Purgatoire. Un avant-goût de notre futur qui se rapproche aussi vite qu'il s'assombrit.

Ce travail gigantesque se termine comme il a commencé, avec l'appel menaçant de Cthulhu et ses sonorités caractéristiques, terminant un cycle et annonçant le commencement du suivant, tel le maillon d'une chaîne bien trop grande pour qu'on réalise qu'on en fait partie. Un peu comme le mythe de Cthulhu qui, créé pourtant dans les années 20 par Lovecraft, perdure et est réinterprété encore aujourd'hui dans la culture populaire et inspire de nombreux artistes dans leurs travaux.

Parmi eux, Cryo Chamber a assurément relevé le pari osé d'une collaboration colossale, qui aurait pu tourner au challenge trop ambitieux ou mal équilibré, mais s'est finalement mue en un projet cohérent illustrant fidèlement une des créatures les plus célèbres de la littérature fantastique classique.

« Dans sa demeure de R'lyeh, le défunt Cthulhu attend en rêvant ».

13 Commentaires

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Dotflac - 23 Novembre 2014: Je sais ce qu'il me reste à lire donc, merci ^^
edenswordrummer - 23 Novembre 2014: Pas de soucis :-)
keketomax - 22 Octobre 2015: De la balle ce truc, et très bien décrit dans ta chronique.
Dotflac - 22 Octobre 2015: Je te remercie !
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