La scène Black
Metal va mal : remplie de fillettes maquillées et enroulées dans du Spandex noir, aussi cloutés que les dents d'un adolescent, vénèrant des idoles puériles, cornues, parce que l'église, c'est pas assez dark. Les sept ames de Daäth
Shadow l'ont bien compris, et ne manient pas la langue de bois quand il s'agit de qualifier ce qu'ils apellent les "putes" de la scène Black
Metal.
Inutile de chercher des photos des membres. Il n'y en a aucune, tout au plus des silhouettes masquées par de longues capes noires. Ne cherchez pas de glorifications puériles à
Satan ou autres Grands Anciens, vous n'en trouverez pas. Non, la terre de prédilection de Daäth
Shadow, c'est bel et bien l'occultisme.
Pas de l'occultisme de bas étage, non, mais bel et bien une étude approfondie d'Aleister
Crowley et de ses textes, et des différents traités de Gnose venus du monde entier.
Daäth
Shadow soutient l'immoral. La guerre, la famine, le racisme, il se dresse en une seule incarnation de l'ennemi. ¨Les sept hommes de ce groupe ne manient pas la langue de bois, et dès lors qu'il s'agit de saisir les instruments pour jouer, croyez moi, ce n'est pas la qu'ils adoucissent leur franc-parler.
Daäth
Shadow est un groupe de Black
Metal trés peu orthodoxe, au croisement d'
Antaeus,
Aosoth et
Arkhon Infaustus. Leur art, intense de pulsions négatives, est terriblement bien maîtrisé. Les guitares sont ardentes, les riffs destructeurs, la distortion terriblement adaptée. La batterie martèle la cadence avec une précision époustouflante, alternant blast-beats et parties de jeux plus fines. La basse est, comme dans tout groupe de Black
Metal (exception faite de
Mord), totalement inaudible et noyée dans la masse. Et les voix... Ha, les voix ! Un trio composé de hurlements déchirants, de growls caverneux, et d'une voix déclamatoire, prononcant dans l'ombre ses aphorismes gnostiques.
Chose assez surprenante, le groupe a intercalé trois chansons totalement ambiantes dans son premier opus, la plus réussie étant "
Blood of Qayn" : ou comment djembés, didgeridoos, choeurs graves et samples tout droit sortis de l'électro (!) peuvent respirer le souffre et le sang. Ces trois chansons donnent envie de mettre de l'encens partout, à la limite d'aller chercher une jeune vierge pour la sacrifier sur l'autel de l'art noir.
Seul petit défaut, car il en faut bien un, concerne la redite : oui, ça tourne bien, mais pour ce qui est des morceaux violents, Daäth
Shadow devient vite assez répétitif.
En résumé, Daäth
Shadow nous sort un premier opus réellement impressionnant. Infiniment noir, sachant être à la fois violent et ritualiste, "
Crown for
Kings" est une petite perle noire. Pour compléter cette chronique,
Six, leader de groupe, nous disait que si le nom du groupe comportait onze lettres et sept membres, ce n'était pas par hasard... J'ai mené ma petite enquête en me procurant un livre sur la symbolique des chiffres, le résultat est effectivement éloquent, et tout à fait adapté à l'essence même de Daäth
Shadow.
"On va même jusqu'à voir dans ce nombre l'une des clés principales de l'occultisme noire. Il est mis en relation avec les mystères de la fécondité.
La femme mère à onze ouvertures, tandis que l'home n'en a que neuf. Le sperme est censé mettre onze jours pour parvenir à destination et féconder l'ovule maternel. L'enfant qui vient au monde recevra les onze forces divines par les onze ouvertures de sa mère. Dans cette tradition, le onze est pris dans un sens favorable, celui qui oriente vers l'idée de renouvellement des centres vitaux et de communication des forces vitales. Mais il est un sens contraire, plus généralement attesté, semble-t-il, en d'autres aires culturelles.
‘
S'ajoutant à la plénitude du dix, qui symbolise un cycle complet, le onze est le signe de l'excès, de la démesure, du débordement, dans quelque ordre que ce soit, incontinence, violence, outrance de jugement ; ce nombre annonce un conflit virtuel.
Son ambivalence réside en ceci que l'excès qu'il signifie peut-être envisagé, soit comme le début d'un renouvellement, soit comme une rupture ou un détérioration du dix, une faille dans l'univers. C'est en ce dernier sens que Saint Augustin pourra dire que le nombre onze est l'armoirie du péché
. Son action perturbatrice peut être conçue comme un dédoublement hypertrophique et déséquilibrant d'un des éléments constructifs de l'univers (se référer au 10) ; ce qui définit le désordre, la maladie, la faute."
(René Guénon, L'ésotérisme de Dante, Paris, 1925.)
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