Nouvelle figure d'un registre metal symphonique à chant féminin aujourd'hui surinvesti, ce discret quartet portugais entend pourtant et légitimement essaimer ses riffs et faire plus largement entendre sa voix. Aussi, dans ce dessein, peut-il compter sur l'expérience et les talents conjugués de ses membres, à savoir : Narciso Monteiro (Heylel) à la guitare et au chant ; João Amorim (ex-membre live de Névoa) ; à la basse ; Luís Moreira (In Vein, Lyfordeath, Nihility, ex-membre live de Sotz) derrière les fûts ; sans oublier l'empreinte vocale de Joana Carvalho, en qualité de frontwoman. En quoi cet énième groupe du genre serait-il à même de se différencier de ses homologues et quelles seraient ses armes pour nous retenir plus que ne l'ont fait ses pairs ?
Contrairement à moult formations de cet espace metal, volontiers investies dans un metal mélodico-symphonique opératique, progressif et/ou cinématique, le combo ibérique a, lui, opté pour un metal symphonique acide et progressif, à la coloration atmosphérique gothique et doom, laissant alors entrevoir de saisissants effets de contraste rythmique, atmosphérique et vocal, plaçant ainsi l'original message musical délivré à la confluence de
Draconian,
Flowing Tears,
Apocalyptica,
The Gathering,
Darkwell, Vetrar
Draugurinn et
Autumn,
C'est précisément dans un bain orchestral aux houleux remous que nous plonge son introductif et présent album studio, «
Conjurements » ; une galette de 8 pistes égrainées sur un ruban auditif de 38 minutes, signée chez le puissant label italien WormHoleDeath Records, dont les paroles ont été inspirées par quelques lignes de la littérature consacrée au Roi Salomon, prophète et roi d'Israël au Xe Siècle avant notre ère. Produit et enregistré par Narciso Monteiro aux Interstellar
Cloud Studios, l'opus jouit, en outre, d'une belle profondeur de champ acoustique. Embarquons sans plus attendre à bord de la goélette pour un voyage en eaux troubles...
Histoire de se démarquer de la concurrence, le collectif a fait la part belle aux amples plages instrumentales, ayant par là même misé quelques espoirs de l'emporter. Bien lui en a pris. Ainsi, disséminant ses riffs épais et ses choeurs samplés tout en octroyant une insoupçonnée et poignante gradation du corps orchestral, le ''draconien'' mid tempo progressif « Pseudomonarchia Daemonum » ne saurait être éludé. Et ce n'est ni le fringant legato du lead guitariste ni la qualité des enchaînements intra piste qui nous débouteront de ce complexe et tortueux mais grisant propos. On retiendra encore l'orientalisant mid tempo progressif « Solomon's
Arrival » tant pour ses hypnotiques sonorités indiennes, ses gimmicks guitaristiques libertaires et ses inaltérables et enveloppantes variations rythmiques.
Lorsqu'ils nous projettent sur des charbons ardents, nos compères disséminent une énergie aisément communicative. Ce qu'illustre, en premier lieu, « Immortality », entraînant et délicat mid/up tempo atmosphérique gothique au carrefour entre
Draconian,
The Gathering et
Autumn. Calé sur le schéma de la Belle et la Bête, les envolées semi-lyriques de la déesse faisant écho aux growls ombrageux de son comparse, suivant un infiltrant cheminement d'harmoniques, et recelant un entêtant refrain, l'élégant effort jouerait dans la catégorie des hits en puissance que l'on ne quittera qu'à regret. Dans cette dynamique, le chaland pourra se laisser tenter par l'aérien et énigmatique mid tempo « Let's Murder
Together » qui, dans la veine coalisée de
Darkwell et
Draconian, essaime ses couplets finement ciselés tout en cultivant un saisissant effet de contraste atmosphérique et oratoire.
Quand ils en viennent à nous immerger au cœur de leurs pièces en actes symphonico-progressives, nos acolytes ne se sont guère montrés plus malhabiles. Ce qu'atteste, d'une part, « The Grand Judgement », violoneuse fresque dans le sillage d'
Apocalyptica, livrant 6:31minutes d'une traversée se faisant tour à tour apaisante, ombrageuse, tourmentée, voire anxiogène. Impression plurielle renforcée par un duo mixte en voix de contrastes bien habité, les claires et déchirantes inflexions de la belle trouvant leur pendant dans les félines et caverneuses impulsions de son acolyte. Et la sauce prend, in fine. Dans cette mouvance, non sans rappeler
Flowing Tears, le polyrythmique, intrigant et ''brouillasseux'' «
Fragments », quant à lui, s'avère moins aisément lisible. Aussi, l'alerte cadence du convoi instrumental se voit-elle contrariée par un break aussi inattendu qu'étiré à mi-morceau. En dépit d'un vibrant solo de guitare en bout de course, l'opulent méfait peinera à convaincre de son efficacité.
D'autres espaces d'expression, en revanche, ne sauraient prétendre à une inconditionnelle adhésion. Ainsi, en dépit d'une poignante dynamique percussive, et en raison de ses nombreux chemins de traverse et de l'inopportune présence de growls, l'intrigant et brumeux «
Touched by the
Kiss of
Lucifer » peinera à nous rallier à sa cause. On ne restera pas moins déconcerté par l'intarissable linéarité des arpèges d'accords concédée par le rageur et obscur « Geradiel ». On n'y reviendra pas.
A l'issue de notre parcours, force est d'observer une œuvre à la fois démoniaque, énigmatique et pénétrante, plaçant le combo portugais loin des poncifs du metal symphonique à chant féminin. Si un réel potentiel technique se dessine déjà et qu'une heureuse combinaison de style s'offre à nous, les lignes mélodiques et vocales, elles, se devront de gagner encore en efficacité et en justesse, respectivement, pour espérer impacter plus largement un auditorat déjà sensibilisé aux travaux de leurs maîtres inspirateurs. Si la production d'ensemble s'avère de bonne facture, il faudra encore à nos acolytes annihiler tout bémol esthétique susceptible d'affadir l'attention du chaland. Bref, un troublant et délicat mais tâtonnant mouvement insufflé par le quartet portugais...
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