Ce groupe de hardcore originaire de Chicago a vu le jour en 2006, comme récréation pour les membres du groupe straight edge Few
And The Proud, un défouloir powerviolence âge tendre et tête de con, avec de grosses influences bien voyantes,
Slayer à l'époque de leur premier album "
Reality Approaches", ou
Entombed sur l'EP "
Blinded", et les deux LP suivants,
Isolation" en 2011, "
Rust" en 2015. Au fil du temps, le groupe a pris les choses plus au sérieux avec un death à la suédoise dopé au hardcore, avec quelques touches groove métal et même industrielles.
Leur quatrième album "
Posthuman" en 2018, chez
Metal Blade Records, a marqué un nouveau palier côté composition avec une teinte un peu plus industrielle, entérinée par un EP de remixes, "PSTHMN", où on trouve notamment la participation de Justin Broderick (
Godflesh). Dans le line up actuel, outre les membres fondateurs, le mastard tatoué James Pligge (chant), Christopher Mills (batterie) et Bo Lueders (guitare), sont arrivés en 2017 le bassiste Casey Soyk et le guitariste Nick Gauthier, actifs dans la composition depuis lors.
"
Common Suffering", leur deuxième LP chez
Metal Blade, est paru le 29 septembre 2023. Il a été produit par
Will Yip (
Code Orange, Cradle OF
Filth, Skrillex,…) et enregistré au Studio 4 (pennsylvannie) il y a près d'un an. On doit son artwork frappant au canadien Corran Brownlee ; l'œuvre existait auparavant et le batteur l'avait remarquée, après il en a parlé au groupe, puis a tenté sa chance directement avec l'artiste, bien lui en a pris...
Comme deuxième première impression, c'est une impression de puissance qui se dégage (avec quelques dents explosées au passage), appuyée par une production assez énorme de
Will Yip : si
Harm's Way a mis la pédale Heavy
Metal II au placard , il trouve en revanche un habillage sonore qui sied totalement à son nouveau style. A la fois très agressif et lourd, non sans une certaine chaleur, il met en valeur les guitares granitiques de Bo Lueders et Nick Gautier. Le son de basse est assez gras et bien présent, entre celui de Shane Embury de
Napalm Death et celui de notre Jean-Michel Labadie national, ce qui est manifeste sur le break plus
Gojira que nature de "
Denial", avec ses notes chaudes en contrepoint. Au chant, James Pligge est resté aussi rugueux que par le passé avec ses screams rauques à la limite du growl.
Harm's Way a gardé du hardcore un sens inné de la concision : une grande majorité des morceaux oscille autour des trois minutes, et "
Silent Wolf" et "Devour" descendent même en dessous. Pourquoi faire des jeux de jambes à la noix quand on peut gagner par KO ? Ce dernier et "
Sadist Guilt" offrent tout de même quelques accélérations, le minimum pour un groupe connu pour ses coups de speed ultraviolents à ses débuts.
La musique du quintette a certes baissé en rapidité et en violence, mais elle est d'une lourdeur abyssale, appuyant chacun de ses coups au foie. C'est un album d'une noirceur opaque, dans lequel il n'est pas aisé de s'immerger, qui n'a rien à envier au dernier
Norma Jean "All
Hail", qui se posait là dans le genre. Heureusement, on bénéficie à mi-chemin d'une percée de lumière féminine, avec le chant planant et envoûtant de Kristina Esfandiari (alias
King Woman). A la fin du disque, le groupe renoue avec le coté planant -lourd mais planant- , cette fois le chant clair est celui du guitariste Nick Gauthier, et se perd en arpèges de son crunch. C'est une facette qui lui réussit bien, et qui évite l'overdose de riffs trop monocordes vissés au bas du manche.
S'il n'y a aucune baisse d'intensité, le dernier tiers de l'album, et notamment le morceau "
Heaven's Call", est un petit cran en dessous en termes d'inspiration. Cependant c'est la partie où l'ambiance indus est la plus présente (la boîte à rythme à la
Godflesh sur "
Terrorizer" et la fin de "Cyanide"). La tendance amorcée sur l'album "
Posthuman" se confirme ici, et dans chaque morceau, dans beaucoup de riffs où trainent quelques dissonances grinçantes, et avec des rythmiques heurtées.
Depuis cinq ans,
Harm's Way semble être sorti de la fougue de l'adolescence et le confirme avec cet opus aussi sombre que mature. Un palier franchi qui correspond aussi à un changement de style complet, à cheval entre
Norma Jean,
Fear Factory,
Godflesh et
The Ocean, et qui s'ouvre à d'autres horizons, tout en gardant intacte sa gigantesque force de frappe.
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