Rien nous ne nous avait préparés à voir débouler cette fraîche énergie tout droit venue de la capitale roumaine sur une scène metal mélodique à chant féminin fort prisée. En effet, si elle se produit depuis près de trois ans en Roumanie, cette jeune troupe se montre encore discrète hors des frontières de sa terre natale. Dans la lignée atmosphérique de ses compatriotes de
Magica avec une rythmique dans la veine de
Lacuna Coil, For My Sins, groupe créé à Bucarest en 2013, aurait déjà une petite fan base eu égard à leurs premières gammes distillées ça et là à l'échelle locale. Ainsi, poussée par ce vent favorable, la formation a-t-elle témoigné d'un brin d'inspiration pour accoucher de « Coming to Get You », Ep auto-produit où se succèdent six titres d'une durée similaire sur un ruban auditif de vingt-six minutes. On y découvre une œuvre frénétique, voire incandescente, parfois complexe, un tantinet déroutante, ayant bénéficié d'une qualité d'enregistrement acceptable, d'un mixage convenable signés Marius Costache, ayant également mastérisé le skeud au Studio 148. Mais, pénétrons plutôt dans l'antre de la bête pour voir ce qu'elle recèle...
Le plus souvent, c'est dans une atmosphère magmatique que se déroule le voyage, avec quelques virages inattendus à la clé. Ainsi, le titre éponyme de l'opus, « Coming to Get You », d'obédience heavy mélodique, dissémine un riffing massif et rocailleux étreignant une virulente et nerveuse rythmique. Les enchaînements couplets/refrains s'opèrent sans sourciller mais la permanente platitude de la ligne mélodique desservira bien des plans techniques, pourtant de bon aloi. Un petit solo de guitare à l'alerte délié signé Silviu Bercus s'extirpe cependant de ces mornes plaines mais la sauce ne prend pas. Pour sa part, la sirène, de ses puissantes inflexions, fait ce qui est en son pouvoir pour chauffer l'ambiance mais ne parviendra pas davantage à sauver le navire d'un inexorable naufrage. Dans cette mouvance, un poil plus accessible, l'offensif « Wasted », d'inspiration heavy rock distribue ses riffs assassins et une épaisse rythmique au fil des fulminantes frasques oratoires de la déesse. Un solo de guitare au picking éprouvé s'offre et les gammes dispensées par une basse en furie retiennent l'attention, non sans rappeler
Magica. La superposition de la ligne de chant ajoute à la ferveur de l'instant, restant calée dans les médiums, avec quelques redoutables montées en puissance en substance. Un break opportun permet au frondeur convoi instrumental de repartir de plus belle. Dommage toutefois que le tracé mélodique s'avère aussi sobre de bout en bout. Enfin, plus inspiré, le colérique « Not Tonight », piste heavy mélodique déployant des riffs détruisant tout sur leur passage, laisse convoler librement une sirène muée en féroce tigresse bien en phase avec les éléments. On ne pourra passer outre un joli solo de guitare ni une agréable et sulfureuse ambiance intégrée à cette profusion de vivifiantes vibes. Au final, l'exercice s'avère convaincant.
Le combo a aussi opté pour des effets de contraste, avec lesquels il ne se montre pas le plus à son aise. Ainsi, quelques doux arpèges à la guitare acoustique et une déesse muée en vénéneuse séductrice nous attirent tout de go sur le déchirant et contrasté «
Drowning ». Sans crier gare, on ne tarde pas à entrer dans un chaudron bouillonnant où flambent conjointement des riffs acides savamment distillés par Marius Iacob et une inaltérable et sèche frappe octroyée par
Adrian Gheorghiu. Ce faisant, on évolue sur des chemins de traverse peu sécurisants, sous l'impulsion de quelques accélérations alternant à de soudains ralentissements. Pour leur part, les inflexions de la belle gagnent en intensité mais au prix de quelques faussetés et d'imprécisions dans les placements. Une quasi absence d'unité mélodique, peu propice à une adhésion systématique, enfonce définitivement le clou.
Le collectif s aussi ralenti son débit rythmique pour un rendu techniquement habile mais à l'assise mélodique encore balbutiante. Des riffs agressifs et corpulents ainsi qu'une vrombissante ligne de basse nous assaillent sans ménagement sur « For My Sins », fouettant mid tempo metal mélodique dans le sillage d'un
Lacuna Coil de la première heure. On appréciera les chatoyantes envolées calées dans les médiums de Laura Bratu, bien qu'elles suivent un tracé mélodique au final assez linéaire, sur les couplets comme sur les refrains. Moment propice au headbang certes, mais on n'a pas la tête dans les étoiles, et surtout, on se situe un cran en-dessous du modèle identificatoire.
Lorsqu'il touche aux moments les plus feutrés, le groupe nous mène sur une mer limpide propice à un bain prolongé. Aussi, un joli picking à la guitare acoustique accompagnant une délicate Laura tempère pour un temps les ardeurs du combo sur « Heartbeat ». On comprend dès lors que l'instant posé prend le visage d'une soyeuse ballade, révélant une interprète touchante par ses fines modulations et romantique à ses heures. Un moment tamisé à la douce lumière mélodique, aux accords bien amenés, un tantinet à fleur de peau, apte à éveiller d'authentiques plaisirs, que l'on se plaira à (re)parcourir du pavillon.
On ressort de l'écoute de la menue rondelle interpelé par la qualité des phases techniques, habilement mises en relief par une péréquation de l'espace sonore entre instrumentistes, certes bien inspirées mais qui peinent à nous toucher réellement, les pâles lignes mélodiques de certains morceaux pouvant aspirer vers le fond les plus téméraires. Quelques irrégularités de forme qu'il leur faudra gommer s'ils veulent se hisser parmi les valeurs montantes d'un registre metal convoité et parfois bien habité depuis deux décennies déjà. On ira donc y jeter une oreille attentive, pour le plaisir de la découverte, avec même quelques bonnes surprises à la clé, puis on passera à autre chose, en attendant une offre plus substantielle et avec d'impondérables ajustements harmoniques de la part du combo roumain. La balle est désormais dans leur camp...
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