Le mystérieux Vilkacis, seul maître de l’entité
Ars Diavoli, s’était déjà fait remarquer en 2008 avec une première oeuvre intitulée
Pro Nihilo Esse. Bien accueilli par les amateurs de black metal dépressif, ce premier album errait dans les chapelles désaffectées des
Xasthur,
Burzum et autres
Krohm à la recherche d’une lame de rasoir salvatrice. Deux ans plus tard, alors que
Pro Nihilo Esse n’a pas encore fini de tourner, notre homme revient avec un nouvel album :
Clausura
Le millésime 2010 reprend les même ingrédients que le premier opus : longues phrases saturées, lancinantes et répétées, ponctuées d’accélérations désespérées. Si
Pro Nihilo Esse, dans sa froideur morbide, était fortement teinté black scandinave,
Clausura, tout en gardant une bonne touche "burzumienne", s’en éloigne quelque peu et nous emporte vers un marécage nauséabond dans lequel, sous l’effet de matières en putréfaction, la température ambiante grimpe de quelques degrés (de -10 à -5, ça reste raisonnable !). Ce même marécage d’âmes perdues où l’on peut croiser un
Forgotten Tomb ou un
Sentimen Beltza. Les riffs morbides de l’un et l’ambiance mélancolique à fleur de peau de l’autre se retrouvent emprisonnés dans des couches de guitares avec un son massif (bien plus que sur le disque précédent),tranchant, au milieu duquel la mélodie recherche vainement une ouverture.
Ca démarre avec un "Subito Vazio" au riff accrocheur plutôt inattendu chez
Ars Diavoli mais qui nous rappelle bien que Vilkacis n’est pas un amuseur avant d’enchaîner sur un "Retrato" déchiré et déchirant. En fait, il est difficile ici de mettre en avant un morceau plus qu’un autre. Les titres s’imbriquent les uns aux autres et forment un tout cohérent. Sur un tel disque, ce n’est pas la technique ou la virtuosité qui priment mais la capacité du créateur à entraîner l’auditeur dans son cauchemar. De ce point de vue
Clausura est tout à fait réussi, au même titre que son prédécesseur. Même si on sent un essoufflement sur "Para Lá do Silênzio" et "Ausente", Vilkacis fait preuve d’assez d’inventivité pour éviter de sombrer dans l’ennui en alternant passages plus ambiants et hantés par quelques notes désespérées avec des parties à la fois pesantes et rythmées. D’ailleurs, il faut souligner qu’un réel effort est fourni pour briser la linéarité du propos sans pour autant renier une certaine monotonie inhérente au style pratiqué. Par exemple sur le titre "Vertigem" mêlant spleen à la
Totalselfhatred et concassage bruitiste ou sur le beau "Momento Inerte", à travers lequel on imagine facilement un individu se précipiter de rage contre les murs de sa cellule capitonnée avant de sombrer dans la pire des dépressions.
Image qui rappelle un certain
Silencer (SWE).
Clausura propose un black metal écorché et dépressif de bonne facture et sans grande surprise, mais qui démontre une nouvelle fois que
Ars Diavoli est un digne représentant du genre. Toutes celles et ceux qui se montrent sensibles aux œuvres des groupes cités tout au long de cette modeste chronique risquent fort d'adhérer à la désespérance de ce one-man band portugais. En revanche les amateurs de riffs en cascade et de solos guitaristiques à cent à l'heure peuvent tranquillement passer leur chemin... si ce n'est pas déjà fait.
Chro de bonne facture, ce disque méritait d'en avoir une, vu le potentiel que j'avais détecté sur Pro Nihilo Esse.
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