La scène metal française compte de plus en plus de groupe à tendance progressive, et c'est une très bonne chose qui me ravit. Parmi tout ce beau monde ce développent des combos dans chaque sous-genre, et c'est aujourd'hui le côté le plus sombre qui va m'intéresser, avec le groupe In Myst, en provenance d'Amiens. Le quatuor a sorti en automne dernier son premier full-lenght, qui a été précédé d'une petite démo, quelques années auparavant. Ce qui m'a d'abord frappé à propos de ce groupe, c'est un étrange manque de publicité. Je sais bien que le disque est une auto-production, avec comme souvent peu de moyens, mais il règne tout de même comme un secret autour des membres d'In Myst ; les photos d'eux sont rares, on trouve très peu d'extraits sur le net …
Pourtant c'est un groupe qui a des choses à dire, enfin surtout une musique à faire entendre. Derrière les références à
Opeth vite identifiées se cachent des compositions originales et captivantes. L'opus dure quarante-cinq minutes, pour neuf titres dont une introduction et un interlude – un plan idéal pour être sûr de ne pas ennuyer l'auditeur. Autre détail, qui lui se charge d'attirer l'auditeur : la pochette. Celle-ci est très belle, ce qui prouve que l'on peut faire de bonnes choses sans être chez un gros label. Du côté du line-up, nous avons affaire à un quatuor composé de deux guitariste, d'un batteur, et d'un bassiste. Et le chant dans tout ça ? me diriez-vous. Et bien il est partagé entre le batteur et un des guitariste, avec un peu plus de la moitié en growlé, l'autre en clair.
Chronoform débute donc avec l'introduction, nommée
Fall of the
Vanguard, qui impose tout de suite l'ambiance pour l'album. Les quelques accords de guitares, ponctués de cris growlés lointains nous préparent aux pires tourments, qui arrivent avec History (Of Violence). Ce titre est particulièrement marqué par l'ambivalence chant clair-growlé, qui se caractérise aussi par une alternance entre parties calmes et plus metal. On commence directement par le côté sombre, qui cède rapidement sa place au côté clair. Certains passages de cette première chanson sont très atmosphériques, ce qui donne une plus large palette d'émotions encore.
Le chant est bon, sans grandes difficultés pour l'instant. Du côté des guitares, on sent vite qu'elles vont être l'une des choses les plus intéressantes de l'album ; les musiciens ont du talent, et savent partager au mieux les émotions des compositions (comme il sied bien au metal progressif). Du côté de la production, il n'y a pas grand chose à dire ; c'est correct (très bien pour une autoproduction), on se rapproche des productions habituelles. La basse reste malheureusement peu audible, mais comme ils sont loin d'être les seuls à commettre cette erreur, on peut facilement les pardonner.
Du côté des autres morceaux de l'album, on peut observer avec plaisir une qualité constante, bien que tous ne se ressemblent pas, loin de là. Si la veine progressive est, elle, toujours là, le ton peut changer radicalement entre deux titres, voire au sein d'un même titre. Prenons par exemple le démentiel In the Early
Fall : le refrain est plutôt reposant, presque doux, par rapport à certains passages très speeds (quels guitaristes !), ou encore au passages instrumental, carrément épique, où les guitares offrent des superbes mélodies. Après tout ça arrive
Dawn Walk, une partie beaucoup plus calme de l'album, plus atmosphérique, qui peut servir d'intermède presque relaxant au milieu de toute cette folie.
On en vient à
Colossus, peut-être un des meilleurs titres de
Chronoform, avec une très bonne performance du (des) chanteur(s). Le chant growlé se fait encore plus sombre, un brin moins violent, mais tout aussi expressif. On est aspiré dans une avalanche tourmentée, avec une batterie dévastatrice, est une basse assommante. On croit ensuite pouvoir se calmer les oreilles lors d'un petit passage calme et délicat, mais non, tout repart de plus belle, avec une fois de plus des magnifiques mélodies à la guitare.
Le dernier titre,
Seven (Billion), lui, dure un peu plus longtemps que les autres, mais ne se raccroche pas pour autant à la musique progressive traditionnelle. Et encore, les guitares se font remarquer, et délivrent des séries de notes à une vitesse proprement hallucinante. Puis tout se détend, et nous sommes enveloppés par des lignes de chant clair fort agréables. Le morceau se termine sur un long moment tout en douceur afin de nous remettre de nos émotions.
Cependant, malgré toute la bonne volonté du groupe et les idées originales, quelques défauts pointent le bout de leur nez au bout de deux ou trois écoutes. Composer un album avec des proportions à peu près égales de chant clair et growlé est un vrai défi, et on ne peut reprocher au groupe de l'avoir tenté. Mais il manque tout de même d'une certaine cohérence, pare exemple entre les parties plus sombres et violentes, et les passages atmosphériques, qui sonnent beaucoup plus joyeux. On pourrait aussi dire que c'est un manque de naturel entre les parties les plus extrêmes du disque. On parle dans ce cas-là du naturel des compositions les plus récentes d'
Opeth, qui parvient à alterner avec une grâce incroyable des émotions qui sembleraient contradictoires. Néanmoins, In Myst n'en est qu'à ses débuts, on ne peut pas être parfait du premier coup, et tout le monde ne s'appelle pas Mikael Åkerfeldt.
Finalement, malgré toutes les difficultés qu'est supposé rencontrer un jeune groupe, In Myst s'en sort avec honneur. J'apprécie particulièrement les petites prises de risque, principalement en ce qui concerne le chant, qui peut rebuter une partie du public. Les Amiénois réussissent ainsi plusieurs défis qui peuvent bien faire la différence. Comme dans tout groupe débutant il reste des défauts à corriger, une technique à améliorer, mais surtout une expérience à s'approprier. C'est dans leurs cordes.
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