La scène black française se porte bien. C'est l'une des plus productives et des plus recherchées en ce moment, que l'on parle de
Spektr, de
Blut Aus Nord, de
Deathspell Omega ou de groupes plus classiques comme Mütiilation. Ou, en creusant un peu, de groupes (enfin, c'est plutôt un one man band) beaucoup moins connus comme Terragon.
Le groupe se place dans un genre indéniablement black, teinté de tempos et de voix plus doom. La première chose qui frappe dans ce disque, c'est l'écrasante omniprésence des synthétiseurs, répandus en nappes ambiantes vaguement symphoniques (mais on ne qualifiera pas ainsi le résultat final, cependant, puisque c'est avant tout l'atmosphère qui est recherchée et pas la puissance du symphonique). L'utilisation qui en est faite est assez proche de ce que
Lunar Aurora avait fait sur le génial Zycklus, avec un résultat très différent cependant, la production mettant bien plus en avant ces parties ambiantes que Zycklus, qui préférait noyer ses sons planants dans un mur de guitares crasse. Mais l'esprit de composition de ces parties est tout de même proche dans les deux groupes, bien que le résultat soit plus propre et plus posé. Peut-être moins directement chargé d'émotion, aussi.
A vrai dire, il n'y a pas que la mise en avant des claviers qui surprend dans la production. Les guitares sont sourdes, rythmiques, grasses, discrètes, et ne couvrent pas tout le disque, loin de là, contrairement à ce qu'on pourrait attendre d'un disque de black classique. Elles laissent souvent les claviers s'xprimer seuls. Quand à la batterie, eh bien elle aussi est très en avant, accompagnant de temps en temps les claviers sans l'apport des guitares. Son jeu n'a rien de monstrueusement technique, lent et posé, sans blasts, laissant la double pédale travailler tout son soul pendant que toms et cymbales résonnent pesamment, régulièrement, d'une manière espacée. Prestation simple qui se trouve être à mes yeux l'un des principaux tours de force de ce disque: parfaitement adaptée au tempo et à l'ambiance, la batterie sait tirer le meilleur de ses parties pourtant dénuées de moment de bravoure.
Les morceaux sont de longueur très variables, allant de deux minutes trente à dix-huit minutes bien trempées, profitant de ses titres longs pour frôler la limite du progressif (du moins, aussi progressif que peut l'être un balck atmosphérique lent). Ainsi, l'âme noire utilise un rythme central récurrent et répétitif (ceci n'est pas une critique), mais se permet trois breaks aux claviers seuls, différents l'un de l'autre, une partie plus frénétique (pratiquement la seule de l'album), un passage peuplée de sonorités d'orgue, un des rares sons clairs de grattes de tout le disque, pour dix-huit minutes pas ennuyantes pour un sou. on retiendra du disque tout particulièrement ce titre et le très bon Christ Impuni.
Tous les textes sont en français et l'initiative est louable. l'intérgation de la langue de Molière n'est pas un problème, elle est bien faite. le petit problème, c'est que les textes en questions ne sont pas particulièrement évolués.Bon, bien sûr, je n'attendais pas du
Deathspell Omega, mais tout de même, on aurait gagné à avoir des paroles moins primaires. C'est un peu dommage.
Puisqu'on est dans les reproches, citons nos amies les guitares. Bon, c'est loin d'être mauvais, ça rentre bien dans l'esprit du disque, mais quelques passages à la gratte plus clairs (tiens, sur l'Âme Noire et Crhist Impuni, justement) montrent qu'une plus forte présence de ces sonorités un peu rêveuses et nostalgiques auraient pu faire une alternance salutaire avec les claviers pour l'atmosphère mystico/planante de ce disque. Parce qu'à force, on se lasse un peu desdits claviers, même si Manylaethurius sait en tirer des sons variés. Leur omniprésence continuelle finit par lasser, et c'est un peu dommage. On salue donc avec beaucoup de plaisir ces incursions de guitares ou ces sonorités industrielles qui surgissent dans le tout dernier titres et viennent plus franchement changer la donne.
Donc, ce
Chapitre I est une galette d'ambiance réussie mais qui n'atteint pas la perfection. Disposant de matériaux sonores des plus intéressants et variés, la focalisation sur les claviers finit par nuir un peu au disque bien que ce soit la marque de fabrique indispensable de Terragon. Et le léger manque de consistances au niveau paroles déçoit légèrement (bon, j'avoue être tout de suite plus exigeant envers un groupe qui utilise le français, Terragon n'est pas plus mauvais que nombre d'autres formations chantant en anglais, mais on était en droit d'espérer plus avant pour un groupe qui fait déjà la démarche de s'intéresser à notre belle langue). Reste un disque très agréable à écouter, et qui pourra régulièrement "égayer" vos soirées de ses sonorités planantes si vous appréciez le black atmosphérique.
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