Montpelier, Vermont,
2012.
Chalice se forme autour de John, Josh, Matt et la frontwoman Hagthorn, tous férus d’histoire ancienne et de légendes arthuriennes, passionnés de nature, de rites païens et de magie, mais aussi enclins à la sorcellerie et aux ténèbres qu’ils entendent bien restaurer. Pour ce faire, la flamme des grands anciens du heavy qui sévissaient dans les années 70 et 80 doit être ravivée, ces piliers du temple, fondateurs de l’édifice metal, les Black Sab,
Deep Purple et Maiden. Une quête déjà entreprise par de nombreux groupes, dont on peut au moins citer l’album
Head of
Death (
2012) du groupe de heavy US,
Natur, avec lequel
Chalice semble partager l’optique et l’état d’esprit.
Juin 2014 débarque donc la première, et à ce jour la seule démo du groupe, un CDr auto-produit et religieusement scellé dans un emballage cartonné de belle tenue, dont la face affiche l’emblème de la formation : un calice cultuel orné d’un pentagramme, et dans lequel plonge une dague qui forme une croix renversée. Car oui, le groupe ne cache pas son mépris des mœurs chrétiennes, et ce gobelet qui leur est d’ordinaire associé, revêt ici un sens plus ésotérique, non pas pour recueillir le sang du Christ (quoique...), mais bien pour symboliser l’aspect féminin et réceptif de la nature, une sorte d’utérus duquel jaillit l’inspiration.
D’une durée de 31 minutes pour quatre morceaux, cette démo à la production claire et puissante, peut presque prétendre au statut d’album tant elle regorge de maitrise, d’inspiration et de maturité. D’obédience heavy doom aux forts accents épiques,
Chalice, puisqu’elle est sobrement intitulée du nom du groupe, semble divisée en deux parties. La première propose un heavy structurellement classique, mais au contenu musical diablement efficace. C’est la partie la plus immédiate, faite d’un Witchfynder couillu et d’un Gaudete plus moyenâgeux. Des morceaux qui se fredonnent et qui ont tout d’un hymne, en plus de posséder des lyrics puissants.
Witchfynder évoque la chasse aux sorcières menée par le grand inquisiteur Matthew Hopkins au 17ème siècle, et dont l’iconographie du célèbre film avec Vincent Price (
Witchfinder General, 1968) sert efficacement de support. "Witchfynder General, this is your funeral", scande Hagthorn avec force et conviction, car oui, nous sommes ici dans une symétrie inversée, où ce sont les inquisiteurs qui sont promis à la torture et au bûcher,
Chalice prenant bien sûr le parti des sorcières. Sur ce premier titre, le chant de Hagthorn est assez particulier, mais délivré avec rage et ardeur, accompagné de cris et de vocalises perchées. Un chant habité et vindicatif porté par les palm muting nerveux de
Joshua Cooper et la basse très ronde de Matt, jusqu’au solo, mortel et dans la plus pure tradition NWOBHM. Un morceau entrainant aux forts effluves
Black Sabbath.
Gaudete est d’inspiration différente, bien que là encore,
Chalice s’attache à détourner un élément appartenant à la liturgie chrétienne pour en faire une ode au malin. Le gaudete, ce chant grégorien censé ouvrir la messe durant l’Avent, et qui sous l’impulsion du groupe va plutôt glorifier l’adversaire du Christ. Encore une fois, une symétrie inversée. Le chant de Hagthorn, tout en chœur, et au feeling médiéval et folklorique imparable, est doux, mélodieux et conduit magistralement le morceau jusqu’au solo sympathique en twin guitares.
La seconde partie, dramatique et narrative, est composée de deux longues pièces épiques, sur lesquelles
Chalice exprime ses influences doom.
Merlin’s
Lament, qui s’attache à la célèbre légende arthurienne, est ancré dans un heavy doom imagé qui nous transporte immédiatement au cœur de Brocéliande. Les multiples breaks, liés par un lead entrainant qui fleure bon la magie, découpent efficacement le morceau en actes théâtraux et procure un souffle épique de folie. De la douce mélodie cérémonielle et médiévale en intro jusqu’au solo héroïque d’une beauté sidérante, amené par une montée en puissance des frappes sèches de John Elwert, on a le sentiment d’assister à un rite mystique entièrement dédié à Mère Nature. La basse et le superbe lead cultuel qui conduit tout le morceau servent d’assise au chant de Hagthorn qui à la sortie d’un break typiquement sabbathien se fait de plus en plus dur, suppléé qu’il est par des chœurs qui peuvent évoquer le Shame on the
Night d’un
Dio (Holy
Driver, 1983), aussi bien que l’invincible
Stargazer de
Rainbow (
Rising, 1976), l’œuvre de Ronnie restant l’une des références absolues du groupe.
Raise your
Chalice boucle prodigieusement la démo. Son intro en fade in, son riff de guitare épais doublé d’une ligne mélodique menant à une superbe accélération en palm muting, typée
Deep Purple (genre
Highway Star), faite d’un mid jouissif et du chant à coller le frisson de Hagthorn, puis... bing ! Une ligne de basse façon
Steve Harris (à 04:03), suivie d’un fabuleux solo maidenien en diable, exécuté ici par Jay Ekis dont c’est l’unique apport au sein de la démo, et constituant sans doute l'un des meilleurs passages de ces 31 minutes d'ensorcellement sonore. Un morceau terrible, voué à la magie, aux rites et aux dieux, mixant habilement le meilleur d’un Black Sab (époque Paranoid), la période Mark II bénie de Purple, les twin guitares de la Vierge de Fer, et se clôturant sur un astucieux fade out habité d’un très beau solo, quasi floydien, qui éclipse progressivement les autres instruments balayés par le vent.
Cette première démo, pour l’instant sans suite, obtint un joli succès, certes confidentiel, mais suffisamment solide pour parvenir jusqu’aux oreilles de différents labels européens qui la rééditèrent rapidement en vinyle (les grecs de Alone Records), puis en tape (les anglais de
War On All Fronts). Fort de son intégrité, son purisme et sa force évocatrice,
Chalice transporte et séduit, mais reste aussi référentiel tout en mixant habilement ses influences, faites de heavy traditionnel, de heavy doom et de NWOBHM, mâtinées, et c’est bien là que réside son identité, d’une couleur médiévale occulte et païenne, savoureusement épique.
Raise your
Chalice !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire