Liste des groupes Black Metal Kvltist Catechesis

Bon, les gars, on va pas se la refaire. L’histoire du black metal, on connaît, et je ne vais pas vous reconter une énième fois en détails les faits et gestes de cette horde d’affreux jojos norvégiens qui, au début des années 90, sacrément remontés contre le dogme chrétien et le climat maussade scandinave, s’amusent à cramer des églises comme d’autres se plaisent à faire griller des merguez les dimanches aprem chez Dédé.
Ouais, ils sont méchants les blackeux, et par conséquent, symboliquement, ils choisissent de vénérer une Entité encore plus méchante, j’ai nommé Satan, Lucifer, Belzébuth, Mephisto, bref, j’en passe et des meilleurs. Et donc, pour rendre hommage à leur Grand Cornu préféré, nos amis blackeux s’évertuent à éructer la musique la plus blasphématoire, noire, crue, bestiale, sale et dérangeante possible.

Voilà, en quelques lignes, je viens de vous présenter Kvltist comme j’aurais pu vous présenter des centaines d’autres groupes de black. Car oui, vous l’aurez deviné, Kvltist évolue dans le black metal, le vrai, le pur, le dur et le sans fioriture, celui qui se proclame ouvertement sataniste et qui injecte dans sa musique une bonne dose de spiritualité malsaine et noire: il n’y a qu’à jeter un oeil sur l’artwork et le titre de la première réalisation de ce duo allemand, Catechesis, pour s'en rendre compte.


Et pour le coup, comme on peut s’y attendre, la musique est salement dissonante, se partageant entre couches de guitares abrasives qui copulent en un magma déchirant et tordu, et accès de violence sporadiques avec un rythme plus marqué pour nous soumettre plus rapidement à la Bête (MZI sait blaster, le bougre !). La basse est bien mise en avant, ajoutant un aspect crasseux et abyssal aux compositions de Kvltist, et les Allemands utilisent habilement toute la palette du bon petit blackeux: arpèges lamentés qui s’étiolent, larsens sifflants, cordes grinçantes et désaccordées, nombreuses triturations disharmoniques maladives et inquiétantes, guitares traînantes, sales et poisseuses qui vomissent des notes moribondes, chœurs religieux et percussions tribales (l’intro de l’impressionnant Oblation) et alternance de vocaux graves et criards, la voix principale, assurée par Amon Xul, étant particulièrement glaireuse et sépulcrale pour du black.

Par moments, on croirait presque avoir affaire à un bon black orthodoxe des familles (le début de Devotion avec ces guitares hypnotiques dont l’intensité va crescendo, ou les premières secondes de Eucharisty of Death Divine avec ces arpèges sulfureux et morbides), mais les Allemands sont déjà passés de l’autre côté et sonnent bien plus dérangeants et extrémistes dans leur annihilation de la lumière que n’importe quel groupe de black lambda : Kvltist étouffe tout espoir dans un tapis de guitares aigres et décomposées qui nous affolent et nous perdent dans un océan de négativité, annihilant tous nos repères, car si quelques fragments de mélodie subsistent (le jeu de guitare est particulièrement chiadé et maléfique), ils sont rapidement engloutis par la cacophonie bruitiste et grinçante du duo qui, à ce titre, crée une musique vraiment diabolique.

A l’instar de groupes comme Portal ou Imperial Triumphant, les six cordes semblent tisser un chaos sonore confus, crachant une myriade de notes qui s’amalgament furieusement et comme au hasard, sans souci de cohérence ni de mélodie apparent. Mais le tout est savamment travaillé, les différentes couches de guitares se superposant en des strates dissonantes pour créer le climat le plus dérangeant possible (Eucharisty of Death Divine, Doxologia Eosphorosa et ses premières notes particulièrement éprouvantes qui vous font hérisser le poil comme le crissement d’une craie sur un tableau noir), et le duo nous emmène sur de véritables montagnes russes, alternant plans déstructurés et nauséeux et petites mélodies insidieuses qui vous possèdent sans même que vous vous en rendiez compte.

La voix de Amon Xul préside à cette cérémonie infernale, domptant les éléments rebelles sous le joug de ces imprécations puissantes et impérieuses, et la section rythmique, impeccable de maîtrise, fait danser cette pluie de notes désordonnées en une cohorte docile, qui vient s’insinuer dans notre cerveau, partant à l’assaut de notre raison qui s’effiloche au fur et à mesure que les notes se désagrègent dans l’air vicié de ce cloaque insalubre.


Pour conclure, cet album est une véritable réussite dans un style black particulièrement malade et disharmonique, empruntant intelligemment aux courants true, orthodoxes et brutal pour nous servir un art dissonant et en apparence déstructuré, tout ça pour mieux infléchir notre volonté et nous rendre plus vulnérables à Ses sombres promesses.

Ces 43 minutes sont assez difficiles à s’enfiler d’une traite si vous n’êtes pas initiés à ce genre particulièrement noir, car il y a rarement d’apaisement, les arpèges fondus étant souillés par une volonté impure manifeste, et les ralentissements de tempo sonnant comme de fausses et insidieuses accalmies où l’haleine fétide des ténèbres se fait de plus en plus méphitique ; néanmoins, avec ce Catechesis, qui n’est en plus que leur première réalisation, Kvltist parvient à créer une messe noire de 43 minutes particulièrement cohérente, habitée et hermétique, et que les amateurs apprécieront à sa juste valeur. En cette époque troublée de disette spirituelle et morale, il serait peut-être temps de commencer à retourner à l'Eglise, qu'en dites-vous?