Il fut une époque où j'écoutais pas mal de Goregrind. Ca ne dura qu'un moment, mais je faisais mon régal de groupes tous plus extrêmes les uns que les autres, y compris les plus inaudibles ou ceux frôlant le ridicule, du type
Lymphatic Phlegm ou
Libido Airbag. C'était drôle, c'était le bon temps. Et puis je suis passé à d'autres choses, revenant au Grindcore plus classique, au Death
Metal et au
Sludge, jetant parfois une oreille nostalgique à un Zombie
Apocalypse ou un Hacked up for Barbecue.
Et puis il y a peu je découvris
Bile. Divine surprise. Voilà qui me rappellait mes anciens émois, ce mélange typique de graisse, de brutalité, de simplicité, de samples et de vocaux über-gutturaux qui m'enchantaient tant. Car oui,
Bile représente le haut du panier au sein de ce sous-genre si répétitif. Tout y est parfait, des alternances de tempo rapides et lents, au son de guitare boueux, gratifiant l'auditeur de riffs curieusement dansants, de passages massifs, de voix grasseyantes, et d'un humour de sale gosse corrosif, bête et méchant.
Venus de Hollande, sans grande surprise d'ailleurs, les lurons de
Bile n'inventent absolument rien au sein du style, ils ne font qu'en suivre au pied de la lettre les normes les plus étroitement conventionnelles. C'est dans l'exécution que réside tout l'intérêt de
Camp Blood, qui bénéficie par ailleurs d'une esthétique parfaite. Entièrement dédié au fameux assassin de
Crystal Lake, l'album distille au long de treize titres une ambiance de slasher putride qui n'exclut pas les réjouissants passages, comme ce rythme binaire de
Resurrected qui donne envie de danser comme un dégénéré complètement bourré un début d'après-midi à l'
Extreme Obscene. Savamment agencés, les titres alternent les changements de tempo et les rythmes, faisant outrageusement usage des poncifs de composition les plus éculés. Les breaks sont d'un prévisible affligeant, le même riff se joue à deux vitesses différentes, les vocaux intestinaux surnagent au milieu d'une bouillon de graisse, en somme,
Bile ne fait rien d'autre qui ne firent avant les classiques du genre. Mais il le fait avec une maestria digne d'envie. La technique est ici basique, exemplifiée par une batterie ne connaissant que deux tempos, un D-beat bancal et un blast poussif. Là où les bataves sont réellement très forts, c'est qu'ils semblent à tout moment sur le point de tomber dans l'approximation, mais réussissent toujours à se rétablir au dernier moment et à rester carrés, comme sur l'enchaînement de riffs de Dredging the
Lake. C'est avec nonchalance et avec un sens certain des arrangements, basiques mais efficaces, que les trois Voorhees passent d'un titre à l'autre, maintenant en permanence un solide sens du groove qui fait que l'on note à peine que l'on passe d'un titre à l'autre. C'est là que réside la principale force du groupe, puisqu'ils proposent en somme un panorama musical de qualité constante, sans moment faible tout au long de l'album.
Alors certes, passés les trois premiers titres il est facile de perdre un peu l'attention, et d'avoir du mal à distinguer les chansons qui ne pêchent pas par excès de variété. C'est le principal défaut du style dans son ensemble.
Camp Blood compense par la magie qui s'opère et qui fait qu'on se remet régulièrement l'album, découvrant au fur et à mesure quelques gemmes perdues au milieu de ce magma musical, comme
Deranged Facial
Stabbings.
Camp Blood se conclut par The
Final Chapter, faisant honneur à un des meilleurs Friday 13th, titre tirant plus vers une pure ambiance de slasher, grâce à ses samples et ses orchestrations typiques du film de genre. Cerise sur le gâteau, les samples sont d'ailleurs judicieusement placés, moins présents que chez d'autres groupes du même style, contribuant beaucoup à l'ambiance décadente et maligne qui se dégage de l'ensemble de l'album.
Avoir réussi l'exploit de réaliser une œuvre qui se distingue au sein du Goregrind, sans jamais prendre de risque et sans jamais faire preuve d'originalité, est un véritable achèvement pour
Bile. Ce premier, et unique album de
Bile, qui a depuis changé de nom pour s'appeller
Skullhog et faire un Death
Metal beaucoup moins intéressant et maîtrisé, est donc une référence absolue. Chassant sur les terres de
Mortician sans jamais tomber dans les mêmes excès,
Bile démontre une maestria carnassière et grindeuse du plus bel effet. A écouter absolument pour tous ceux qui aiment mélanger musique extrême, slashers brutaux et esthétique sanguinolente. Du Goregrind classe pour heabdanger comme un goret en descendant quelques bières. Votre petite sœur va adorer.
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