S'il est des formations soucieuses de se laisser le temps nécessaire pour voir leur projet gagner en maturité compositionnelle avant de se (re)lancer dans l'arène, ce talentueux quintet hellénique originaire d'Athènes serait assurément du nombre. En effet, créé en 2006, ce n'est que trois ans plus tard qu'il nous gratifiera d'un premier et magistral album full length, dénommé «
Silent Scream », suivi, en
2012, du sémillant EP «
Killing My Dreams ». Il faudra alors patienter deux ans supplémentaires avant nous octroyer son second et truculent opus de longue durée «
Someplace Better ». Puis, suite à une longue traversée du désert, pas moins de neuf ans sépareront le troisième et présent méfait «
Bring Out Your Dead » de son prédécesseur ; une galette signée, tous comme ses devancières, chez le puissant label allemand
Massacre Records, où se dispatchent dix pistes sur un ruban auditif de 43 optimales minutes. Quels seraient alors les arguments techniques et esthétiques de nos cinq belligérants pour espérer les asseoir plus encore parmi les valeurs confirmées du metal gothique à chant féminin ?
A nouveau emmené par Christianna – chanteuse aux puissantes et chatoyantes inflexions, à mi-chemin entre Cristina Scabbia (
Lacuna Coil) et Maxi Nil (
Jaded Star) –, les guitaristes Johnny
Zero et Nid, le bassiste FXF, sans oublier Ilias Laitsman, derrière les fûts, s'il continue d'évoluer dans un rock'n'metal gothique mélodique à la cadence le plus souvent mesurée, mâtiné de clapotis synthétiques de son cru, le combo ne s'y est pas réduit exclusivement ; ce dernier y a agrégé une empreinte heavy et exploré des horizons pop-rock atmosphérique gothique, histoire d'élargir le champ des possibles stylistiques. Si l'influence de
Lacuna Coil ne saurait là encore être démentie, le collectif a veillé à apposer son sceau hellénique sur la majeure partie des arpèges nourrissant ce set de partitions. Mais là n'est pas l'unique effort consenti par nos acolytes pour tenter de nous rallier à leur cause.
Co-produit par le groupe lui-même et par Mark
Adrian, guitariste/batteur expérimenté (Soulfree, ex-
Bob Katsionis) et producteur (
Meden Agan,
Enemy Of Reality...), et mastérisé par Nasos Nomikos, ingénieur du son et propriétaire des studios Vu Productions, le propos jouit d'une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation, et surtout d'une belle profondeur de champ acoustique, tout en n'accusant pas l'ombre d'une sonorité résiduelle. Une manière habile de signifier sa détermination à en découdre, et ce, dans un registre metal aujourd'hui encore en proie à une féroce concurrence. Embarquement immédiat pour une croisière en eaux égéennes, que l'on espère ponctuée d'îlots enchanteurs...
A l'instar de ses aînés, ce message musical dissémine ces séries d'accords qui longtemps vous resteront gravées en mémoire après y avoir plongé le tympan. A commencer par ses passages les plus incisifs. Ainsi, on ne mettra qu'une poignée de secondes pour se voir happé par le refrain catchy jaillissant des entrailles de l'entraînant « Blink of an Eye », dont la troublante atmosphère comme les puissants et métronomiques coups de boutoir assénés nous rappelleront ceux de «
Dark Adrenaline », sixième album full length de
Lacuna Coil. Dans cette mouvance, s'il se plaît à nous bringuebaler, le pulsionnel «
Eternity » laisse également entrevoir un break opportun sur fond de "siréniennes" modulations. Ne se calant pas moins sur une sente mélodique apte à nous happer sans avoir à forcer le trait, ce passage heavy mélodique se voit parallèlement souligné par les corrosives oscillations de la belle. Et la sauce prend sans tarder, là encore.
Dans une énergie rock gothique mélodique, d'autres plages pourront non moins aspirer le pavillon du chaland d'un battement de cils. Ainsi, on ne saurait éluder l'engageant « As the Flower Withers » ; tant la fibre pop-rock gothique inséminée dans l'infiltrant cheminement d'harmoniques que ses riffs crochetés sont des armes d'une efficacité redoutable. Difficile également de se soustraire au luminescent paysage de notes dont se nourrit « Raid the
Universe ». Recelant un entêtant et ''floydien'' riffing ainsi qu'un refrain, certes, convenu mais des plus efficaces, et mis en habits de lumière par les hypnotiques patines de la déesse, ce hit en puissance ne se quittera qu'à regret.
Dans cette dynamique, non sans renvoyer aux vibes de leurs premières amours, certains passages pourront à leur tour se jouer de toute tentative de résistance à leur assimilation. Ce qu'atteste, d'une part, le fringant mid tempo «
Crossing Over » qui, au regard de ses grisantes perles de pluie organiques et de son énergie aisément communicative nous ramène au temps de «
Silent Scream ». On retiendra non moins l'enivrant « This Time » qui, non sans nous rappeler l'une ou l'autre série de notes du précédent méfait, « Somebetter Place », délivre des couplets finement ciselés et des plus impactants tout en déversant des rampes synthétiques typées électro-pop mid-90s. Mais le magicien aurait encore d'autres tours dans sa manche, et des meilleurs...
Quand elle ralentit un tantinet le rythme de ses frappes, la troupe trouve à nouveau matière à nous retenir plus que de raison. Ce que prouve déjà le félin «
Far Away », au regard de son refrain immersif à souhait, là encore, mis en exergue par les ensorcelantes impulsions de la sirène. C'est, par ailleurs, cheveux au vent que l'on parcourra « Blue Seasons », frissonnant et ''lacunacoilesque'' mid tempo syncopé. Recelant de brèves mais opportunes montées en régime du corps instrumental ainsi qu'une mélodicité toute de fines nuances cousue, le tubesque manifeste poussera assurément à une remise du couvert sitôt l'ultime mesure envolée.
Lorsqu'ils en viennent à feutrer leurs ambiances, nos compères se muent alors en de véritables bourreaux des cœurs en bataille, nous livrant par là même leurs mots bleus les plus sensibles. Ce qu'illustre, en premier lieu, «
Buried Alive », ballade romantique jusqu'au bout des ongles et aux airs d'un slow qui emballe ; glissant le long d'une radieuse rivière mélodique sur laquelle se greffent les magnétiques volutes de la maîtresse de cérémonie, instillé d'un bref mais poignant solo de guitare et se chargeant en émotion au fil de sa progression, l'instant privilégié comblera assurément les attentes de l'aficionado de moments intimistes. D'une sensibilité à fleur de peau, « Brand New Me », pour sa part, se pose telle une ballade pop-rock atmosphérique pétrie d'élégance ; investie d'un fin picking à la guitare acoustique et disséminant de délicats et touchants arpèges, la tendre aubade ne ratera pas davantage sa cible.
Résultat des courses : la traversée proposée par l'équipage égéen fut ponctuée de terres d'abondance, que l'on réinvestirait volontiers dès la chute finale de l'opus. Varié sur les plans atmosphérique et rythmique, témoignant d'une technicité instrumentale et vocale éprouvée, et de la féconde inspiration mélodique de ses auteurs, sans omettre une ingénierie du son plutôt soignée, cet inespéré arrivage renseigne sur la couleur des intentions de nos cinq pirates. Puisant ses sources dans un passé magnifié tout en imprimant d'inédites et truculentes sonorités à son message musical, la formation athénienne démontre ainsi sa capacité à renouveler ses gammes sans avoir tourné le dos à ses fondamentaux. Aussi, à l'aune de cette prégnante rondelle, et fort d'une signature artistique aisément identifiable, le combo peut-il désormais conforter sa position parmi les valeurs confirmées de cet espace metal. Bref, un retour sur des chapeaux de roue pour le quintet hellénique...
Note : 16,5/20
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