Back from the past …
Remember …
Certains éléments marquent plus une époque, un tournant, une carrière que d’autres. Dans la très prolifique vie artistique ayant transité de près ou de loin avec l’entité brésilienne
Angra, certains projets se sont transformés en mine d’or pendant que d’autres sont restés très confidentiels.
Le split d’
Angra amenant à
Shaman créa une hydre à deux têtes qui, pendant un temps, rassasia tout le monde avec un nombre doublé de sorties mais toujours une qualité très largement en dessus de la moyenne ("
Ritual" et "
Reason" pour
Shaman, "
Rebirth", "
Temple of Shadows" et "
Aurora Consurgens" pour
Angra) mais de nouveaux splits virent le jour et tout devint encore plus confus.
André Matos parti en solo,
Kiko Loureiro tenta également l’expérience avec élégance et succès, Edu Falashi créa son projet avec
Almah et tous émergèrent assez facilement, de par leur notoriété, sur le continent européen et américain pour continuer leur bonhomme de chemin en solo et/ou avec son groupe respectif. Tous sauf Rafaël
Bittencourt qui, avec son projet sobrement intitulé
Bittencourt Project, resta injustement à quai suite à un premier opus très intéressant mais ayant souffert d’une promotion proprement atroce.
Fondé dans une grande discrétion, pour ne pas dire intimité, autour d’amis et musiciens de la scène locale (Felipe Andreoli, Marcell Cardoso à la batterie, Fernando Nunes ayant collaboré avec
Kiko Loureiro, que l’on retrouve aussi sur un titre, Ricardo Confessori également…), Rafa a probablement été plombé par un label (
Voice Music) qui n’a opéré ni promotion ni distribution en dehors du territoire brésilien et japonais, rendant l’album quasiment introuvable dans une grosse partie du monde (ou à des prix exubérants en import).
Une déception en soi puisque Rafa a écrit un album ambitieux, loin d’être parfait mais n’étant pas un simple disque de guitariste et possédant une véritable ambiance. Comme nous le savions déjà (Rafa prenant souvent le rôle du chant dans les concerts d’
Angra lors des bœufs par exemple), le brésilien possède une voix particulière, rocailleuse mais pleine de feeling, et l’entendre sur un album entier fut une première qui mériterait qu’elle se reproduise, avec une expérience accumulée et un spectre vocal sensiblement élargi. "Dedicate my Soul" lance les hostilités sur un bon gros riff reconnaissable par sa patte si unique, moins virtuose que Kiko mais plus auriverde, plus teintée de folklore. La voix du ‘sieur est agréable et puissante, quelques notes de claviers apportent une douceur supplémentaire afin de mettre sur un pied un heavy progressif créatif et très organique. La batterie et les percussions sont complètement naturelles, les soli auraient pu venir d’
Angra et une multitude de détails enchantent déjà l’oreille.
On pourra regretter un certain manque de variété sur un disque complet (Rafa travaillant rarement seul d’habitude) et une légère redondance vers le milieu de l’album mais "Brainworms – I" est de toute façon plus intéressant que beaucoup de sorties similaires dans le genre. On ne recherche ni la technique excessive d’un
Angra, ni sa flamboyance mais une certaine pureté d’expression, une authenticité qui fera défauts quelques mois plus tard au bien terne "Aqua" de la déesse de feu.
"
Torment of
Fate" passionne par son introduction héritée des fêtes foraines pour poser ensuite un riff simple mais terriblement addictif, accompagné de quelques effets électroniques savamment dosés. On sent également, dans certains aspects, un côté 80s dans la manière de faire sonner les mélodies. "The Underworld" par exemple, plus hard rock, surprend positivement dans la musicalité relativement dépouillée mais pourtant structuré de façon assez progressive dans les multiples changements de rythmes et les ambiances parfois orageuses, notamment vocalement où Rafa sait se montrer plus sombre et rauque parfois. Il en va de même pour l’introduction tout en douceur de "Holding back the
Fire" qui monte progressivement en intensité dans une ambiance très éthérée mais bizarrement 80s, très nostalgique et à fleur de peau. Dommage que le titre en soi paraisse trop long et répétitif sur la fin.
"Brainworms – I" n’avait peut-être pas les épaules suffisamment larges pour supporter un succès international mais on a quand même la désagréable sensation que le monde ne lui a pas laissé sa chance. Certes, "The
Dark Side of Love" tire en longueur et n’est pas indispensable (ça aurait pu être un bonus sympathique, tout au plus) mais rien que le riff d’ouverture "Comendo Melancia", surpuissant et alambiqué dans la veine de ce que le guitariste proposa sur "
Aurora Consurgens" (il est à l’origine du fameux solo de "The Course of Nature", par exemple), il est impossible de ne pas imaginer qu’une suite à cet album ("Brainworms – II" ?) aurait pu permettre au projet de devenir viable sur le long terme. On ajoute même une reprise de Madredeus pour un "Oh Pastor" diablement puissant et très solennel, passant excellemment bien le cap du heavy metal.
Au final, Rafael
Bittencourt se fait plaisir et ça se sent mais il est dommage qu’il n’ait pas vraiment eu sa chance, en comparaison de ses collègues. Peut-être n’était-ce pas véritablement ce qu’il recherchait mais cela hypothèque surtout les chances de voir une suite à ce projet solo, surtout après maintenant six ans et un nouveau
Angra qui se profile à l’horizon. Néanmoins, il n’est jamais trop tard pour (re)découvrir cette belle réussite d’un guitariste sympathique et humble qui, on l’espère, nous fera encore rêver longtemps…
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