Oui, je sais, j’ai été une pute sur ma chronique du dernier
Khold. Faut dire que le black mid tempo ultra basique et minimaliste sauce norvégienne, quand ce n’est pas agrémenté d’une pointe de personnalité ou de folie, ça va une fois de temps et temps pour écluser quelques bière entre potes, mais sur plusieurs albums et sans aucune évolution, ça lasse vite. Et puis, faut aussi reconnaître que ça reste quand même pas ce qu’il y a de plus recherché ni raffiné musicalement parlant, hein...
Alors pourquoi s’attaquer à
Sarke me demanderez-vous ? Car, il faut bien le dire, sur le papier, ce groupe souffre de ce même syndrome dénoncé ci-dessus : black (avec un peu de thrash) old school mid tempo norvégien qui sort en moyenne un album tous les deux ans, avec Nocturno Culto au chant et Thomas Berglie à la basse, autant dire que ça ne fleure pas vraiment l’originalité ni la prise de risque. Et a priori, ma chronique pourrait presque s’arrêter là. Sauf que…
Sauf que
Sarke, ben, croyez-moi ou non, mais ça le fait grave. Comment l’expliquer ? Difficile à dire. Le tout alterne comme d’habitude entre morceaux bien rythmés et couillus à l’influence thrash marquée dans les riffs, et autres titres plus lents, froids et rampants, l’ensemble sonnant a priori assez basique et bas du front.
D’ailleurs, les deux premiers titres sont plutôt conventionnels dans le style, du
Sarke pur jus qui ne dépaysera personne. Le son est au poil, écrasant de puissance, avec une basse parfaitement audible, et ces riffs gras et saccadés que l’on croit avoir déjà entendus mille fois, pour des morceaux courts et efficaces allant à l’essentiel. Jusque-là, rien de nouveau me direz-vous.
Ceci dit, il se dégage de ce
Bogefod une sorte d’ambiance réellement malsaine et poisseuse, à l’instar d’un titre comme
13 Candles sur le premier album du groupe : les harmoniques black et ce blast sur le refrain de Taken, ainsi que ce solo très loin d’être virtuose mais hurlant de feeling, la progression du morceau ultra logique et prévisible mais irrésistible, qui, mine de rien nous balance une petite mandale du haut de ses à peine 3,20 minutes… Et puis, sur
Blood of Men, ce groove implacable et ce refrain simple à en mourir mais impossible à ne pas scander, avec la voix éraillée et dégueulasse de Nocturno Culto, ces petites notes de guitares vicelardes qui éclaboussent de leurs souillures insidieuses ce riff un peu trop scolaire et mécanique...
Non, il n’y a pas à dire,
Sarke possède définitivement ce petit quelque chose en plus, cette aura noire et palpable qui n’était distillée que de manière parcimonieuse et inégale sur les opus précédents et qui semble ici entièrement envelopper ces neufs compositions de sa chape de plomb. Si la musique du groupe peut paraître ultra conventionnelle lors d’une écoute distraite, on se rend rapidement compte que le combo norvégien possède une âme, une vraie, dégageant une noirceur qui suinte par tous les pores de ces 35 minutes charbonneuses, notamment par l’apport de chorus fantomatiques de guitares et de ces claviers hantés (le refrain hypnotique de The Wickeds Transient
Sleep, au couplet par ailleurs ultra classique, l’excellent
Burn, extrêmement froid et désincarné, se fendant de petits arpèges à vous geler l’âme, les dissonances sur
Evil Heir, la lourdeur mécanique presque indus de
Sunken…).
Et d’ailleurs, une fois n’est pas coutume, on peut réellement parler d’évolution sur
Bogefod : c’est peut-être le concept qui veut ça (l'histoire de Torolv
Bogefod, revenant de parmi les morts pour se venger, tirée de la fameuse saga nordique du Eyrbyggja, brrrrrrrrr !), mais on retrouve sur cette galette des incursions plus fréquentes de la guitare acoustique et une atmosphère indéniablement plus travaillée : Barrow of Torlov nous surprend agréablement, avec ce début acoustique de toute beauté qui instaure une ambiance nostalgique et brumeuse. Le titre enchaîne sur un metal très doom, lent et rampant, presque funèbre dans ces accords mortuaires plaqués avec une tristesse et un dégoût palpables.
Et que dire de Dawning, titre entièrement acoustique tout en retenue et en sensibilité, mêlant les cordes de la guitare, du violon et du piano, et interprété par une Beate Amundsen à la voix angélique ? Une bouffée d’oxygène bienvenue dans un charnier particulièrement asphyxiant.
Alors certes, non,
Bogefod n’est pas parfait et en premier lieu, on pourra reprocher une certaine redondance dans les riffs - évoluant quelque part entre black minimaliste, thrash et death old school - ainsi que des compos parfois un peu simplistes et répétitives. Ensuite, même si elle constitue un apport indéniable de personnalité, il faut bien reconnaître que la voix de Nocturno Culto n’est pas assez variée, évoluant toujours dans ce même registre éraillé et glaireux sans aucune variation, et finissant par lasser. Néanmoins, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas remarquer que cet opus semble plus travaillé que les précédents (il n’y a qu’à comparer la superbe pochette signée Terje Johnsen avec celle des autres opus…), parvenant à imposer une ambiance à la fois nostalgique, triste et morbide qui manquait parfois sur les réalisations antérieures. Finalement, on peut affirmer sans trop de risques que ce
Bogefod est le meilleur album de la troupe norvégienne depuis
Vorunah. Et par la même occasion, qu’il me réconcilie provisoirement avec le black mid tempo ultra basique et minimaliste sauce norvégienne. Allez
Khold, sans rancune, espérons que la prochaine fois, ce sera ton tour…
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