Dire que l’amateurisme est aujourd’hui le grand retour perdant de l’essor du téléchargement et de la banalisation de la musique est un fait avéré qu’il faut analyser avec des pincettes.
Certainement que, entre la multiplication de la copie privée, la généralisation du « home studio » permettant à chacun d’enregistrer un album dans son coin pour se voir offrir une part du gâteau, ainsi que la frilosité de plus en plus manifeste des labels de promouvoir les jeunes artistes, même de grand talent, ont fait que l’amateurisme est devenu plus manifeste qu’il y a vingt ans.
La facilité technique pour produire un disque (en bien ou en mal) fait qu’il n’est désormais plus insurmontable de proposer un produit fini sans moyens financiers considérables comme c’était le cas il y a quelques années. Les logiciels aidant, le graphisme d’un artwork et le pressage d’un album n’est pas non plus une tare difficile à surmonter de nos jours. C’est grâce à cela que, parfois, des albums frôlant le génie sortent en toute innocence et dans un anonymat frisant le scandale. Revers de la médaille, nous nous retrouvons parfois avec des galettes dont la qualité douteuse aurait mieux fait de rester dans la cave miteuse de leurs géniteurs.
C’est un peu à tout cela que l’on pense lorsque l’on écoute ce second disque des russes de Ram-Page, intitulé "Blooming
Rust". Le black/thrash joué par les musiciens est effectivement ce que l’on peut trouver de plus amateur dans le genre, entre les vocaux ridiculement vociférés sans une once d’agressivité ou de noirceur (ceux qui aiment critiquer
Peste Noire risquent de s’amuser quelques minutes), des riffs tellement anecdotiques que leur existence même parait comme un exploit, lorsque ce ne sont pas de simples gammes en clair qui n’instaurent à aucun moment une quelconque ambiance. Il en va de même pour les parties de batterie, très rock dans l’âme, minimaliste et à la sonorité d’une médiocrité sans égale. Du point de vue de la production, l’album ne semble pas réellement masterisé, le manque de moyen y jouant probablement, ce qui empêche manifestement de pouvoir se plonger un tant soit peu dans la musique des russes.
Difficile également de juger ce disque ne dépassant pas les vingt-cinq minutes, et d’une inconsistance tellement forte que l’on semble être parcouru par du vide tout au long de son écoute. Il devient presque impossible de ressortir quoique ce soit des compositions. Il y a ce chant écorché, certes, ponctué par des riffs n’en étant pas réellement, ainsi qu’une base rythmique aussi anémique qu’une huitre luttant pour s’extirper de sa coquille. Il est même assez rare que je renonce si facilement à trouver de la qualité dans un disque, mais il n’y a ici rien qui puisse donner ni espoir ni satisfaction dans le rendu final. La jeunesse expliquant peut-être ceci, le fond et la forme sont de toute façon trop faibles pour espérer quoique ce soit dans un futur proche. Techniquement, artistiquement et professionnellement, Ram-Page n’a simplement rien à offrir aujourd’hui, dans un monde surpeuplé de groupes luttant, parfois vainement malgré une qualité manifeste, pour sortir la tête. Tout est à revoir mais, comme il est bon de le dire, l’espoir fait vivre…
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