En 1998, la mère de toutes les abominations forniqua avec les démons du death, du doom, du gothique et de l'indus. De ce rapport iconoclaste fut conçu le rejeton le plus monstrueux et terrifiant que le monde n'ait jamais connu:
The Project Hate MCMXCIX. Entité habitée par le chaos et la destruction, hybride mi-humain mi-mécanique, les suédois blasphémateurs livrent ici leur 8ème album (sorti chez Sesaon of
Mist), deux ans après «
The Lustrate Process », un opus sentant bon les bacchanales démoniaques et le sang mélangé à la rouille. Né de l'imagination de Jörgen Sandström, ex hurleur du groupe légendaire de death metal Grave (on se souvient tous du marteau piqueur « Into the Grave »), et de
Lord K. Philipson (
Dark funeral) la formation propose un assemblage de brutalité, de beauté et de domination diabolique.
Et quoi de nouveau sous le soleil rouge de 2011? Rien de moins qu'un jeu de chaise musicale. En effet, la belle Jonna Enckle, voix cristalline du groupe, s'en est allé entamer une carrière solo. Alors qui peut remplacer la succube perverse dont les râles érotiques poussaient à la jouissance suprême? Eh bien le choix s'est porté sur Ruby Roque (chanteuse de
Witchbreed) qui, grâce à sa puissance vocale et ses intonations haut perchées, rend les parties sur lesquelles elle intervient beaucoup plus agressives et nerveuses. On regrettera cependant l'absence de Enckle qui proposait un timbre remarquablement lyrique et sensuel, elle qui était la muse ensanglantée derrière la chape de plombs. Mais la nouvelle s'en tire plutôt bien malgré un manque évident de mélodicité sur certains passages.
La nouvelle prêtresse n'est pas la seule à sacrifier de jeunes vierges sur l'autel du démon
Pazuzu, en cela elle est aidée par le growl monstrueux et caverneux de Jörgen Sandström. Décidément ce mec sait y faire avec son organe... vocale. De cette dualité naît des sentiments aussi variés et confus que l'admiration, l'oppression et la domination. On se sent acculer face à la technique vocale des interprètes. Leurs voix se meuvent au gré de changements de rythmes incessants et autres atmosphères ébouriffantes, sachant se faire les plus justes possibles quand il le faut. Et comme à son habitude l'expérience musicale de nombreux guests étoffe des compositions décidément longues et complexes (seulement deux titres en dessous de 10 minutes). On retrouve ici Christian Älvestam (
Miseration), Mike Wead (
King Diamond) qui place des solos courts mais intelligent ici et là; mais également Leif Edling (
Candlemass) et Jocke Widfeldt (
Vicious Art).
Ainsi, pénétrer dans le monde de ce « Bleeding The New
Apocalypse » c'est être certain de renouveler l'expérience d'innombrables fois. Il est improbable de saisir le doux parfum de cet album en une seule écoute. A de maintes occasions on aura l'envie périssable de décrocher son wagon pour pouvoir respirer, c'est là le problème des titres à tiroirs. On a aussi le sentiment que les suédois se sont reposés sur leurs acquis en gardant toujours leur même ligne directrice. Aucune véritable prise de risque par rapport à leurs anciens opus, juste une continuité dans ce qu'ils ont crée. Mais ce serait vétiller tant
Lord K. Philipson a réalisé un véritable travail d'orfèvre, la superposition de riffs incisifs et puissants aux multiples trouvailles sonores est un véritable délice mielleux pour nos conduits auditifs. Parties electro-symphoniques, nappes de claviers évangéliques, beats techno-industriels (le break dément de «
Summoning Majestic War »), parties uniquement à la basse (et quelle basse!), la bête se laisse petit à petit dompter et révèle son potentiel explosif, nous laissant ainsi son corps en offrande. Pour finir, parlons du mixage réalisé par l'increvable Dan
Swanö qui a réussi à capter l'essence même du son The Project
Hate dans un mix parfait et malsain.
« Bleeding The New
Apocalypse (Cum Vitriciis In Manibus Armis) » est un immanquable pour tout fan de metal un tant soit peu ouvert d'esprit. Le groupe développe un univers fascinant, difficile d'accès, au terme de six morceaux apocalyptiques. De la buse dégingandée à l'humain putride, personne n'est épargné par ce récital macabre. Soit l'on aime, soit l'on déteste. Il faudra choisir, la fin est proche.
Beaucoup de bon dans cet album, mais pour mon compte j'ai perdu la jouissance -n'ayons pas peur des mots avec une musique aussi puissante- du contraste des chants Ange/Démon de "l'époque Jonna". De plus, leur politique, depuis leur dernier album, de ne plus faire de vrai disque (téléchargement payant uniquement, ni CD ni LP) aura sonné pour moi comme la fin d'une période grandiose, se terminant par un Lustrate Process de toute beauté !
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