Quand l’anticonformisme devient une forme de conformisme à elle-seule…
C’est une idée et un constat que j’avais déjà évoqué lors de la sortie du premier opus de TesseracT, attendu par une foule avide comme le messie, et qui ressort encore une fois en pleine figure face à la promotion de Bakerteam Records sur son nouveau poulin : Terrorway.
« Vous n’aurez jamais entendu cela jusqu’à maintenant ».
Et pourtant…
Les échos de
Strapping Young Lad,
Fear Factory ou
Sybreed sont toujours aussi étincelants dans l’obscurité, tout autant que le succès de jeunes artistes talentueux et inspirés comme
Protest the Hero ou
Xerath qui, eux, influencent clairement la musique de demain. Dans ce sillage, des dizaines de groupes se confondent, se fourvoient jour après jour en tentant de trouver la sainte formule magique si difficile à obtenir dans le metal extrême moderne, appelé désormais sans justification expérimental.
Ce mélange inlassablement répétés de riffs flirtant dangereusement avec la polyrythmie (à quoi ressembleraient cette scène sans
Meshuggah ? Un titre comme "
Ruins" aurait-il pu exister sur cet album ?), de voix écorchées et déchirées ne livrant que très rarement du chant clair, cette double pédale mécanique et intraitable plus froide encore qu’une boite à rythme pour la simple raison qu’elle est cruellement humaine. Et pour terminer, une ambiance apocalyptique qui ne fait désormais plus frissonner personne.
Les italiens de Terrorway utilisent sans la réinventer une formule foncièrement éculée, toujours séduisante mais parfois diablement ennuyante par une linéarité qui lasse désormais plus qu’elle fascine ou hypnotise. Certes, comme souvent dans le style, la production est monstrueusement puissante et fracassante, réussissant à détruire les neurones de l’auditeur à grands coups de riffs saccadés et d’hurlements gutturaux mais la relative platitude de l’ensemble dessert finalement cet album sobrement intitulé "Blackwaters". On apercevra inévitablement quelques pépites, notamment l’impressionnante "The Inascapable Plot", furieusement technique et diaboliquement violente, puisant justement son inspiration autant dans le mathcore que dans le death metal, évoquant même parfois les contrées dévastées d’un
Red Harvest avec la poésie macabre d’un
Xerath cependant inégalable. Le chant d’Anselmo Mascia n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de Richard Thomson, très réussi dans son genre mais encore en recherche de sa propre identité, de sa propre noirceur et de sa propre incarnation de la fin des temps.
Sans jamais rater clairement sa cible, Terrorway sombre pourtant dans une certaine facilité, bien que l’indulgence qu’un premier opus nécessite rassure sur l’évolution possible (et probable) qui existe concernant les italiens. "Wretched", par exemple, ouvre l’album de manière bancale, attendue, tellement qu’un auditeur agacé ou pressé ne prendra pas forcément le temps nécessaire d’écouter le reste, déjà insatisfait et visionnaire d’une écoute banale et désormais traditionnelle à venir. Pourtant très technique, le solo d’Ivan Fois n’impressionne pas vraiment, trop ancré dans les stéréotypes de ses influences.
Il faut également noter des compositions relativement longues qui auraient soient gagné à être raccourcies pour plus d’impact ou alors au contraire allongées pour y incorporer des plages plus aériennes et planantes afin de poser un climat plus oppressant et cinématographique comme sur le long "
Ruins" ou encore "Renawal" qui joue des arpèges pour instaurer une ambiance complètement différente, plus malsaine et dérangeante. Les riffs, le chant plus vomitif et l’ensemble plus dérangé offre à Terrorway un semblant de personnalité, bien que la forme reste encore très (et trop) proche des groupes cités jusqu'ici. Groupes qui apparaissent comme plus qu’envahissants sur des compositions comme l’interminable "A Crused Race" qui enchaine les clichés les uns après les autres. Non pas que ce soit mauvais, mais simplement tellement déjà entendu, et souvent en mieux…
C’est aujourd’hui le problème majeur de ce "Blackwaters" ; un manque évident de personnalité qui ne peut objectivement pas permettre plus à Terrorway qu’une place de troisième zone dans la hiérarchie actuelle du metal moderne à tendance mathcore ou apocalyptique (c’est beau les étiquettes, encore et toujours). Le gros du travail se fera sur la future identité des italiens plutôt que sur le son ou la technique, domaines dans lesquels ils excellent déjà. Il faudra néanmoins confectionner une âme à cette aura technique, lui insuffler un souffle créatif et épique lui permettant de se dégager d’influences omniprésentes. Le cap du second album sera indispensable pour cette étape. Il faudra, avec curiosité mais fermeté, se jeter dans la bataille pour savoir s’ils feront partis des élus. Les places sont peu nombreuses….
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