Comme le profère avec aplomb le faucheur dans l'œuvre littéraire de Terry Pratchett, la moisson n'attend pas. Surtout si les blés commencent à noircir, significatif d'une récolte perdue. Mais aucune inquiétude n'est à prévoir à l'aune de ce 2ème album de Green Lung.
Formé à Londres en 2017 et comprenant dans ses rands Joseph
Ghast (basse), Scott Black (guitares), Matt Wiseman (batterie), Tom
Templar (voix) et John Wright (orgue), ce groupe va être plutôt productif en proposant l'EP "
Free the Witch" en 2018, le 1er album "
Woodland Rites" en 2019, tout en tournant de manière assez intensive.
S'imbriquant dans la mouvante stoner-doom sabbathienne pourtant fort encombrée, le groupe réussit tout de même à se faire repérer par quelques labels spécialisés comme Kozmik Artifactz ou encore
Svart Records. Ceci principalement grâce à ses qualités d'interprétation et de composition. Au point même de voir "
Woodland Rites" occuper la 1ère place du top annuel du site web collectif Doomcharts.
Fidèles à
Svart Records, voici les Londoniens prêt à moissonner les appréciations positives avec ce "
Black Harvest", sorti fin octobre 2021.
D'emblée, sur une nappe synthétique, la voix nasillarde et charmeuse de Tom
Templar déclame un psaume envoutant sur "The Harrowing", résonnant comme une invitation à s'immerger dans leur univers musical. Et, comme une évidence, elle réveille les belles forces telluriques symbolisées par l'orgue de Wright et la guitare de Black en milieu de morceau. Le décor est planté et les 9 titres suivants vont décliner avec brio toutes les facettes de la musique de Green Lung.
Sur "
Old Golds Final", les riffs, joués en harmonie par le trio basse-guitare-orgue déploient une puissance communicatrice. La voix n'a plus qu'à poser ses lignes recherchées, embellies par l'apport de chœurs efficaces. Même constat pour "
Reapers Scythe", morceau plein d'une énergie débordante et doté d'un solo de guitare court et efficace (sacré guitariste ce Scott Black). Dans ce registre stoner-doom impétueux, "
Leaders of the Blind" fait aussi la part belle à l'orgue sur lequel plane l'ombre de Jon
Lord (son comme virtuosité).
Green Lung apprécie aussi le folk, que ce soit dans sa thématique générale que dans l'apport de touches discrètes comme sur le superbe "
Graveyard Sun". Truffé d'influences diverses des grands groupes des années 70 (
Led Zeppelin,
Black Sabbath, Queen,
Deep Purple), ce titre n'en demeure pas moins très original de part la richesse des lignes vocales, sa recherche instrumentale et sa qualité d'interprétation.
Les mecs de Green Lung jouer, composer et se diversifier. La quelque peu énervée ballade gospel "
Born To a
Dying World", placée en clôture d'album, est un exemple de la volonté d'ouverture du groupe à labourer d'autres terres sans se dénaturer. Le résultat est une franche réussite, qui donne envie de remettre tout de suite l'album sur la platine.
Comme souvent sur la scène actuelle, l'ombre du groupe de Tony
Iommi plane sur la musique de Green Lung. Mais, loin d'apparaître comme un vulgaire calque improductif, ce groupe retrouve l'essence originelle du combo de Birmingham et la modèle à sa sauce. Écoutez la massive et dantesque "Doomsayer" ou encore la percutante "
Upon the Altar" (et son solo de guitare jouissif) pour vous en convaincre. Je n'en ai pas parlé avant mais le travail du couple basse-batterie est efficient au possible tout le long de cet album.
Il faut absolument souligner le travail d'enregistrement (
Wayne Adams) et de mastering (John Davis) qui confère à chaque instrument une place de choix et un son adéquat. Et pour magnifier le tout, le travail de Richard Wells sur l'artwork poursuit cette imagerie folk, évocation d'un monde ancien et dangereux (la présence des 4 cavaliers de l'Enfer sur les vitraux).
Pour être vraiment sincère, ça fait très longtemps que je n'avais pas été ainsi sous le charme d'un album. Avec ce "
Black Harvest", Green Lung prouve qu'il est toujours possible de créer des chefs d'œuvre qui feront date et sauront charmer les générations actuelles et futures. Dans cet actuel marasme social, écologique intellectuel et culturel, de telles bouffées d'oxygène font un bien fou. Souhaitons alors que la leur soit inhalée par le plus grand nombre.
Merci pour la chronique, ça a l'air vraiment bien. J'ai trouvé une vidéo bien perchée du single "Graveyard Sun", sinon...
J'ai découvert cet album un peu par hasard sur Youtube et je partage ton enthousiasme. Il est excellent.
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