Une fois n’est pas coutume, je vais commencer ma chronique par une petite question : quels points communs y a-t-il entre le black metal et le cancer ? Vous séchez ? Ou plutôt, vous vous demandez la pertinence de la question dans une chronique sur SoM?
C’est que
Black Fucking Cancer, groupe de black metal californien totalement inconnu formé en 2009 à San José, et qui sort ici son premier full length sous l’égide d’
Osmose Productions mérite bien qu’on se la pose.
Outre l’affiliation évidente entre le patronyme du combo et la maladie, on pourrait avancer que les deux entités sont néfastes et destructrices et évoquent la dépression, la souffrance et la mort.
Et voilà qui est bien résumer la musique des Américains: le trio emmené par Thrull au chant et à la guitare nous balance un black metal sans concession, à la fois violent, froid et rapide, et empreint d’une aura destructrice et haineuse palpable.
Le début de A Sigil of
Burning Flesh nous plonge directement dans un bain de souffre, rappelant beaucoup
Destroyer 666 avec ce riff black thrash ultra simple mais bougrement efficace : rien de bien original, mais un bon black thrash ravageur et blasphématoire des familles. Les guitares sont très précises et tranchantes, la voix de Thrull est particulièrement marquante, très grave et possédée, et la batterie tenue par J. est impeccable, enchaînant blasts, roulements tonitruants et mid puissants bien headbangants. On a aussi le droit à quelques ralentissements plus sombres et dissonants sur lesquels la musique se fait plus sourde et angoissante, flirtant allègrement avec le côté le plus noir et orthodoxe d’un art black metal parfaitement maîtrisé.
Lors de ces parties plus insidieuses et délétères, on sent indéniablement le spectre maudit et décharné de
Mayhem flotter, de même lorsque le groupe décide de montrer son visage le plus hideux et inhumain (le début de
Acid Ocean rappelant beaucoup You Must
Fall, avec ces dissonances bourdonnantes et ce martelage impitoyable de la batterie, le true black haineux et impitoyable de
Exit Wounds que l’on croirait droit sorti de
Chimera). Le côté régressif et la sauvagerie inouïe du groupe vient parfois même flirter avec l’extrémisme de certains groupuscules innommables de la scène américaine,
Black Witchery en tête, dans ce dégoût et ce rejet total d’une humanité pourrie jusqu’à l’os que le groupe semble condamner à une extermination violente et radicale (SinnRitualVoid, Wall of Corpses, au titre plus qu’explicite).
Black Fucking Cancer parvient donc à souffler un tourbillon de violence et de noirceur d’une intensité rare et d’un équilibre idéal entre les miasmes méphitiques d’un true black glacial et les velléités d’un black thrash irrésistiblement jouissif.
Si l’on fait abstraction du manque total d’originalité, voilà qui sur le papier paraît fort prometteur, pourtant, la horde de San Jose ne parvient pas à éviter tous les écueils inhérents à un premier full length: l’album éponyme est beaucoup trop long pour un style musical qui se doit d’aller à l’essentiel, et avec au compteur presque une heure de musique, les seulement sept morceaux de cette galette auraient largement gagnés à être expurgés de quelques minutes inutiles.
Car quand les Américains essayent d’instaurer une ambiance presque religieuse, évoluant en une sorte de metal lent et malsain qui flirte avec l’ambiant, on s‘ennuie ferme (la loooongue fin d’
Acid Ocean qui n’apporte pas grand-chose et qui pire, casse le rythme du morceau, l’intro bruitiste interminable de SinnRitualVoid, à base de larsens et de dissonances, totalement dispensable) ; les mêmes riffs tournent trop longtemps et s’épuisent, et la noirceur hypnotique voulue par le combo se mue trop rapidement en un enchaînement de notes stériles redondant voire carrément chiant.
En définitive,
Black Fucking Cancer est un groupe au potentiel de destruction et de blasphème énorme, qui excelle lorsqu’il évolue dans un metal rapide, tranchant et chaotique, grâce à des riffs chirurgicaux, des blasts rapides et implacables et des vocaux proprement démoniaques ; il doit néanmoins maintenant apprendre à évoluer dans un style plus concis et à limiter ses penchants ambiant à l’essentiel s’il ne veut pas casser la dynamique de ses morceaux, par ailleurs phénoménale, le groupe étant extrêmement carré et performant lorsqu’il s’agit de balancer un black metal haineux, étouffant et ravageur.
Heureusement pour nous, il semblerait que le cancer soit encore guérissable. Terriblement cruel et vorace, l’éparpillement de ses métastases ambiant l’empêche de former un conglomérat compact et de lancer une attaque frontale dévastatrice et létale. Ceci dit, si nous laissons cette gangrène proliférer sur un second album et concentrer son venin en un noyau plus purement direct et destructeur, le prochain choc risquerait bien d’être fatal. Vous voilà prévenus…
Il n'en reste pas moins que ce groupe a un putain de potentiel, et que je n'avais pas entendu un tel concentré de haine, de noirceur et de violence si bien maîtrisé depuis bien longtemps.
A suivre de très près en ce qui me concerne...
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