Encore un ixième groupe metal symphonique à chant féminin à entrer dans l'arène, sans doute voué comme nombre de ses pairs à une disparition prématurée me direz-vous, et vous auriez raison, à quelques nuances près toutefois ! C'est sur une idée originale du compositeur, pluri-instrumentiste et vocaliste Pier Lando Baldinelli que naît ce trio italien originaire de Monfalcone en 2019 ; un groupe dont le nom renvoie à la ville d' Aquilée, l'une des cités les plus florissantes de l'
Empire Romain, fondée en 181 avant notre ère. Le projet lui-même est dédié non seulement aux origines de la ville mais aussi à la mise en exergue de la mythologie et de la beauté perdue de la culture latine. Etat de fait qui n'a pas été sans effet à la fois sur les bases stylistiques et l'évolution musicale de cette verte mais talentueuse formation.
Aussi, brossant plusieurs événements marquants inhérents à ce pan de l'Histoire, c'est au cœur d'un metal mélodico-symphonique épique, opératique, cinématique et death que nous conduisent le maître d'oeuvre et ses acolytes, à savoir : la soprano au limpide grain de voix Cae Lys et le guitariste Alessio Tolloi. Un projet à la féconde inspiration mélodique, où s'harmonisent, entre autres, les empreintes de
Nightwish,
Xandria,
Epica,
Delain,
Dark Sarah,
Tristania, et Sergio Leone, comme sur le bref mais impressionnant interlude « Back to the Bridge ». Ce dont témoigne leur premier et présent album full length, «
Beyond the Elysian Fields », une galette aussi éclectique, pulsionnelle que romanesque, où ne se dispatchent pas moins de 14 pistes sur un ruban auditif de 45 optimales minutes.
Intégralement conçu, délicatement écrit et finement arrangé par Pier Lando Baldinelli, le luxuriant et solaire opus a été produit, mixé et mastérisé par un certain Fredrik Nordström, fondateur et guitariste du groupe heavy metal suédois
Dream Evil, connu pour avoir produit nombre d'albums d'
Arch Enemy,
Dark Tranquillity,
Hammerfall,
Soilwork,
Septicflesh, parmi tant d'autres. En découle un enregistrement de fort bonne facture, un mixage bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation et des finitions passées au peigne fin. Mais entrons sans plus attendre dans le vaisseau amiral en quête de pépites intimement enfouies dans ses cales...
A l'image de ses passages les plus vivifiants, le combo italien marque ses premiers points, et non des moindres. Ainsi, passée la brève, cinématique et dispensable entame instrumentale, « 573 A.U.C. », à la lumière de l'opératique «
Aeterna », un ''nightwishien'' effort aux nombreuses variations rythmiques et encensé par les saisissantes envolées lyriques de la sirène aux faux airs de Simone Simons (
Epica), nos acolytes nous assènent tout de go leurs cinglants coups de boutoir et leurs riffs acérés. On ne saurait davantage éluder ni l'entêtant refrain jaillissant des entrailles du ''delainien'' et tubesque up tempo « Flight of the Eagle », ni les délicats arpèges d'accords inondant l'entraînant «
Mother Earth Time » tout comme l'opératique « A Day Before the
Wolf ».
C'est dans une même énergie mais dans un climat plus obscur que se glissent d'autres espaces d'expression. A commencer par «
Morpheus Valley », un tumultueux mid/up tempo death symphonique où les claires impulsions de la belle s'unissent aux growls caverneux d'une bête acariâtre. A la fois chevaleresque, empreint de noirceur et un brin anxiogène, le ''tristanien'' « Mediolanum Swamps », lui, n'a de cesse de nous bringuebaler tout en s'égrainant sur un magnétique sillon mélodique, comme pour mieux nous retenir.
Plus obscur encore et nous entraînant sur quelques chemins de traverse, pourtant doté d'une inaltérable énergie, le gorgonesque «
XIII » peinera davantage à nous assigner à résidence.
Quand le convoi orchestral ralentit en tantinet la cadence, la troupe trouve là encore les clés pour nous happer. Ce qu'illustre, d'une part, «
Bridges to Liberty » et « Aquae Sextiae », théâtraux et ''xandriens'' mid tempi aux riffs massifs, tous deux calés sur une sente mélodique des plus enveloppantes, sur laquelle se greffent les cristallines inflexions de la déesse. Et, dans un cas comme dans l'autre, la sauce prend sans tarder. D'autre part, c'est d'un battement de cils que les grisantes séries d'accords émanant du rayonnant mid tempo «
Legacy of Memories » aspireront le tympan. Un hit en puissance d'une redoutable efficacité, à mi-chemin entre
Dark Sarah et
Epica, où les angéliques modulations de la princesse font mouche où qu'elles se meuvent.
Dans un souci d'élargissement de son spectre atmosphérique, le collectif transalpin est allé jusqu'à nous plonger dans une ambiance digne d'un conte des Mille et Une Nuits. Et ce, à l'image de l'orientalisant mid tempo « Alessandria », une chatoyante offrande mélodico-symphonique aux relents death, à la jonction entre
Draconian et
Epica, où d'insoupçonnées montées en régime du corps orchestral se font jour au moment où des growls en tapinois s'invitent à la danse.
Enfin, s'ils n'y ont guère placé tous leurs espoirs de séduction pour tenter de l'emporter, nos compères nous ont certes livré de rares moments intimistes mais d'une confondante fluidité mélodique et des plus ensorcelants. Ainsi, la petite larme perlera assurément sur la joue de l'aficionado de caressantes pièces opératiques sous l'impact des vibes enchanteresses générées par «
Beyond the Elysian Fields », une ballade a-rythmique classique, au confluent de
Nightwish et Verdi. A la fois violoneux et aux sensibles gammes au piano, mis en habits de soie par les soufflantes modulations de la maîtresse de cérémonie, l'instant privilégié ne se quittera qu'avec l'indicible espoir d'y revenir, histoire de plonger à nouveau dans cet océan de félicité.
Pour son premier essai, le combo italien nous adresse un propos aussi épique et romanesque que solaire et enivrant, jouissant d'une ingénierie du son de bon aloi, d'arrangements instrumentaux aux petits oignons et n'accusant pas l'ombre d'une zone de remplissage susceptible d'en atténuer l'impact. Varié sur les plans atmosphérique, rythmique et vocal, le luxuriant manifeste témoigne également d'une certaine élégance mélodique et d'une finesse d'écriture transpirant la féconde inspiration de ses auteurs.
En dépit de ses qualités esthétiques et techniques, la fastueuse et altière galette ne saurait cependant nous faire oublier la patte de leurs maîtres inspirateurs et rares sont les prises de risques consenties par la troupe. Néanmoins, eu égard au confort auditif procuré et à la force de la charge émotionnelle qu'il véhicule, le fringant méfait poussera assurément à une remise du couvert sitôt l'ultime portée envolée. Selon votre humble serviteur, à l'aune de son premier essai, il se pourrait bien que l'on soit aux prémisses d'une aventure au long cours pour la formation transalpine. L'avenir seul nous le dira...
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