Guitariste émérite et vocaliste français de talent,
Pat o'may sort ici un huitième opus bien ficelé où transparaissent de concert une empreinte celtique, un zeste de metal et un coup de pinceau rock progressif. On détient là la quintessence du metal celtique, avec un poil de maturité supplémentaire depuis son dernier album 'Celtic
Wings' pourtant déjà de bonne facture. On le doit aussi à la qualité des conditions de production. Enregistrée en centre Bretagne au Tianpark Studio par Jannick Reichert, cette généreuse galette de onze pistes a été mastérisée dans les studios d'Abbey
Road à Londres, rien de moins.
Pour réaliser ce qui pourrait être l'album le plus personnel de sa carrière, le guitariste s'est entouré de l'imposant New Symphony Orchestra de Sofia, sous la direction de Petko Dimitrov. De plus, il a fait appel à la patte de velours du bassiste Jonathan Noyce (
Gary Moore, Archive), à la baguette magique du batteur Christophe Rossini (Ev, Merzin) et à l'experte dextérité du claviériste et guitariste James Wood (
Excalibur) pour confectionner cette toile de maître.
Les ambiances sont diversifiées, les rythmiques bien calibrées, les parties orchestrales symphoniques en parfaite symbiose avec les instrumentistes du groupe et les soli de guitare, confondants de finesse et de brio. La partie vocale, quant à elle, n'est pas en reste, loin s'en faut. Le timbre particulier de Pat oscille entre inflexions en demie-teinte et puissance délicatement ciselée, l'exercice s'avérant bien rôdé et difficile à prendre en défaut. Habitées, pénétrantes, les notes distillées tout le long s'infiltrent dans nos pavillons alanguis sans se faire prier. De fait, elles sont aptes à provoquer en nous d'authentiques plaisirs.
Parmi les pièces maîtresses de l'opus, on ne peut passer à côté de la majesté de l'entame "On the Moor". Une profonde introduction instrumentale d'obédience celtique se pare d'une impulsion vocale mélodieuse et tapie derrière la flamboyance progressive qui s'amorce à mi-morceau. Là, le mustang rythmique s'emballe et nous transporte au galop sur les chemins de traverse sous l'épaisse toison arboricole de la forêt de Brocéliande. Comme pour parachever cette fresque instrumentale, d'ondoyantes envolées violoneuses nous invitent au voyage au pays de l'éveil de nos sens. Dès lors, on se situe à la croisée des chemins entre les paysages musicaux envoûtants de
Nightwish, la puissance orchestrale d'Alan Parsons et les lignes mélodiques faussement éthérées d'un Pink Floyd des 70'. On observe bien cette triple empreinte stylistique sur le progressif "
Never Turn Back". A la lueur d'un filet de voix fluide et soft, l'ombre de Phil
Carmen n'est pas loin non plus. Sur les refrains catchy, les notes vocales claquent harmonieusement autant que le touching du solo de guitare se fait fondant sur l'espace qui lui est réservé.
Pour apprécier pleinement les subtilités du jeu de guitare de Pat, on se tournera vers l'ambiance irlandaise de "Mickael's Calling". Sur une base rythmique syncopée, une guitare acoustique mélodieuse passe rapidement le relais à un beau solo de guitare électrique, au délié bien organisé et méticuleux, à la manière de Neal Schon (ex-
Journey). Dans cette lignée atmosphérique, sur l'entraînant "My Mate", le toucher de guitare se pare de ses plus beaux atours, notamment dans les soli, et ce, non sans évoquer quelques accords dispensés par Larry Carlton. La progressivité du titre se fait à la fois rythmiquement et sur le plan vocal. Ce dernier évolue à partir d'une voix délicate jusqu'à la délivrance de quelques poussées oralisées écorchées vives. A la manière d'un cycle de vie, le morceau finit comme il a commencé, dans une douce torpeur.
L'album joue aussi sur les contrastes de climat orchestral. On oscille entre des pistes fringantes et d'autres plus nuancées. En effet, on remarquera d'une part, le tortueux et déchirant "No Religion", où la voix de l'interprète s'assombrit avant de se déployer en un ouragan éraillé, le tout au beau milieu d'un jeu de guitare trépidant, infatigable et implacable. On observera aussi, dans cette mouvance, l'incisif "
The Beast" ou encore le rugueux "We Can Dance". Tout aussi accrocheuses, les notes de guitare de l'invitant "Break
Out", nous conduisent à un chant éminemment puissant et apte à fluidifier la ligne mélodique des refrains, sans perdre de vue la rythmique impactante de ce titre. Et cela, sans oublier, au passage, les habiles serpents de notes de guitares qui se lovent en creux dans nos tympans, comme pour mieux nous retenir. A l'autre bout du continuum, se terre l'atmosphérique "Little Big
Horn", au son caressant d'une guitare en slide et sous l'égide d'une profonde et douce orchestration. Comme par enchantement, on croirait se retrouver projeté au coeur des espaces immaculés des grandes plaines américaines. Le temps semble soudain s'être arrêté.
Pour le reste, pas de mauvaise surprise, ni de baisse du niveau d'inspiration du maître. On retiendra notamment les beaux arpèges de guitare, les contrastes saisissants entre break et reprise, la qualité de la coloration harmonique contenue dans les refrains, les notes orientales en fin de piste pour l'intarissable "The Quest". Enfin, au début de l'outro "Stand in the Light", quelques sonorités virevoltantes et envoûtantes d'inspiration indienne nous conduisent, non sans surprise, vers un morceau résolument frétillant et aux guitares mordantes. Pour ne pas alourdir le propos, mais aussi pour laisser le plaisir de la découverte, nous abrégerons là l'analyse.
Assurément, il s'agit d'un voyage épique et propice à l'évasion de l'âme qui nous attend en ces terres séculairement indomptées de l'espace breton. Faisant corps avec les forces telluriques ayant alimenté tant de mythes et de légendes, elles s'imposent à nous, comme pour mieux solliciter notre humilité. Aussi, le pouvoir d'attraction des enchaînements et des suites de notes émanant des entrailles des compositions est réel. Quasiment hypnotique, la profondeur de certaines touches traditionnelles nous transporte dans un tourbillon de sonorités susceptibles de capter nos émotions les plus intimes.
On a donc là un album personnel jusqu'au bout des ongles et qui pourra impacter un public rock et metal encore un peu clairsemé, pour peu qu'il soit sensible aux subtilités techniques d'un jeu de guitare complexe et bien inspiré. Plusieurs écoutes peuvent s'avérer nécessaires pour apprécier à sa juste mesure cet opus aux arrangements convaincants et aux nuances pouvant échapper à la lumière d'un seul passage. Cet album s'inscrira alors durablement dans les mémoires. Telle serait l'une de ses vocations. On ne peut que la louer.
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