Depuis quelques années qu'il existe, on commence à le savoir : le metal est un genre propice aux expérimentations matérielles. D'
Apocalyptica et sa formation originelle à quatre violoncelles, à
Van Canto qui n'utilise qu'une batterie en plus du chant, plusieurs groupes ont déjà tenté de se passer de la guitare, qui est pourtant l'instrument à la base du heavy metal. Le succès a été important pour ces deux groupes, en particulier pour le premier des deux, qui est devenu un phénomène mondial, et on comprend que cette quête d'originalité ait fait des émules.
In Legend est une formation allemande, fondée par Bastian Emig, batteur et choriste chez
Van Canto (comme par hasard), qui joue maintenant du piano tout en s'occupant du chant. La basse est tenue par un certain Daniel Wicke (décrit comme "Bass
Cyclone" dans le livret), et Dennis Otto est le "Drumming
Tornado". Et la guitare me demanderez-vous naïvement ? Et bien le principe, c'est qu'il n'y en a pas ! Le but justement est de remplacer la guitare par un piano, sur lequel on joue de manière beaucoup plus vive et forte.
In Legend se décrit comme jouant du "
Hand Hammered Piano
Craft", tout un programme …
Le groupe, formé en 2009, a sorti ses premiers travaux sous la forme d'un EP en 2010, puis très rapidement un album full-lenght a vu le jour, sous le nom très inspiré de
Ballads 'n' Bullets ; et c'est de celui-ci dont il est question aujourd'hui.
À l'écoute du premier titre de l'opus,
Heaven Inside, le constat est sans appel : c'est du bon.
Plus précisément, il y a une très grande dynamique dans ce morceau, ainsi que dans ceux qui suivront, grâce à ce piano au son si grave et si puissant. Le son est excellent, retranscrivant évidemment parfaitement le piano, qui est au centre de toutes les attentions, et donne un mélange bouillant très vivant. Si la construction du morceau est très classique, d'un autre côté le groupe tient aussi à ne pas jouer tout le temps sur la lourdeur, en témoigne un subtil passage instrumental tout en douceur sur ledit morceau.
Dans sa globalité, ce
Ballads 'n' Bullets ne propose pas beaucoup de variétés, si ce n'est le remplacement de la guitare par le piano. En effet, l'album, d'une durée de presque une heure tout de même pour quatorze titres, ne fait que proposer un certain nombre de fois des morceaux à la structure très proche, de trois-quatre minutes, en alternant justement les "ballads" et les "bullets". C'est d'ailleurs quasiment le seul reproche que l'on peut faire : du coup certains morceaux ont tendance à se ressembler entre eux, un comble pour un groupe à la recherche d'originalité. Il serait sûrement judicieux de chercher à varier les schémas, varier les tempi à l'intérieur des compositions, faire plus de breaks …
Mais d'un autre côté il faut prendre en compte le fait qu'il s'agit ici d'un premier album (qui sort quand même chez SPV/Steamhammer) et qui a pour but de présenter le concept, sans pousser encore trop loin des expérimentations qui auraient pour effet de rebuter une partie du public.
Si on passe outre la structure très commune des compositions, il y a tout de même un très bon moment à passer, pour peu que l'on ne se prenne pas trop la tête. Les morceaux sont donc pour la plupart catchy, à l'instar du single
Pandemonium et son refrain instantanément mémorisable, de
Vortex et ses effets électro, ou de Heya sur un tempo plus speed. Sur ces titres c'est clairement l'efficacité qui est privilégiée, et ça marche, notamment grâce au sonorités graves et tranchantes du piano. Quelques morceaux se démarquent grâce à des petites trouvailles : un duo chant masculin/féminin sur Stardust, grâce à l'excellente collaboration avec Inga Scharf de
Van Canto. A Hanging Matter se fait encore plus dissonant, et donne un aspect plus sombre et tourmenté, qui sied bien à la musique du combo.
Assurément le meilleur moment de cet opus, avec un petit côté Muse aussi bien dans la voix que dans la partition de piano.
Mais évidemment,
In Legend ne se contente pas que de ces titres entraînants et puissants pour la plupart, et s'essaye aussi volontiers à l'exercice de la ballade. Le résultat est plutôt plaisant, même si l'originalité n'est pas vraiment présente. Pour une ballade, remplacer les guitares par un piano, on savait le faire avant. On retiendra un At Her Side assez sucré malgré une magnifique envolée plus rythmée, ou encore l'instrumental Yue, très délicat, et ramenant un peu de fraîcheur en milieu d'album.
Pour le coup, les Allemands d'
In Legend ont largement réussi leur pari : il est tout-à-fait possible de créer un heavy metal puissant et addictif en se basant quasi-exclusivement sur le piano. Bastian Emig a su exploiter au mieux l'instrument pour rendre la musique dynamique, en la différenciant d'un groupe à guitares. Les résultats sont concluants pour ce premier essai, mais la prochaine fois il sera nécessaire de chercher à varier les plaisirs ...
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