Il y a vingt ans jour pour jour, le 1er décembre 1993, s’éteignait sur le lit d’un hôpital de
New York des suites d’une terrible maladie un talentueux chanteur américain de hard rock/heavy metal auquel il convient en ce triste jour anniversaire de rendre une ultime révérence et de souligner une partie de l’œuvre. Hommage.
Né le 12 mai 1959 à
New York City, Raymond Arthur Gillen dit Ray Gillen se passionne dès son plus jeune âge pour la musique décibellisée en prêtant ses cordes vocales à de nombreux combos amateurs du New Jersey où il réside tels les dénommés Quest, F-66,
Savage,
Vendetta ou encore le new-yorkais
Harlot. Vouant une passion sans limites pour ses confrères de légende que sont les
Robert Plant (
Led Zeppelin), Paul Rodgers (
Free,
Bad Company) ou encore Steve Marriott (
Humble Pie) dont il rêve de suivre les glorieuses destinées, Ray plonge dans le grand bain en 1985 en rejoignant
Rondinelli, groupe formé autour de l’ex batteur de
Rainbow Bobby
Rondinelli et comprenant également le futur
White Lion James Lomenzo à la basse. Enregistrant la démo «
Wardance » la même année mais qui restera dans les placards jusqu’en 1996, Gillen se voit offrir courant 1986 le job de rêve de remplacer
Glenn Hughes dans
Black Sabbath en pleine tournée américaine du
Seventh Star tour suite à l’indisponibilité de ce dernier causée par une bagarre l’ayant blessé au visage et à la gorge.
Début 1987,
Black Sabbath retourne en Angleterre pour y finir d’écrire et enregistrer l’album «
The Eternal Idol » avec Ray, qui suite à des tensions internes finira par quitter le groupe et se faire remplacer par le dénommé
Tony Martin qui posera son chant sur la version finale du disque. Resté en Angleterre et après avoir rejoint pour une courte durée le combo
Blue Murder formé par
John Sykes (ex
Tygers Of Pan Tang,
Thin Lizzy,
Whitesnake) et comprenant également le regretté
Cozy Powell (ex
Rainbow,
MSG,
Whitesnake) aux fûts, Ray Gillen décide de retourner aux USA pour y monter son propre groupe,
Badlands, et conjurer le sort. Recrutant pour l’occasion l’ex
Ozzy Osbourne Jake E. Lee à la guitare également animé par le souhait de monter son propre projet, l’ex
Steeler Greg Chaisson à la basse et son ancien collègue de
Black Sabbath Eric Singer derrière le drumkit, Ray dégotte un deal avec la filiale d’
Atlantic Titanium Records qui sort le 11 mai 1989 un premier album éponyme coproduit avec Paul O’Neill (
Savatage).
Disque que l’on aura écouté solennellement en ce jour de mémoire, «
Badlands » entre dans l’arène via l’efficace « High Wire », pièce de hard rock teinté de blues au tempo décéléré qui épuré et puisant indéniablement ses influences dans les 70’s s’avère être mis en valeur tant par les vocaux aigus et chaleureux de Ray rappelant à la fois
Robert Plant et
David Coverdale que par le riffing lourd et suintant le rock n’ roll du guitariste sino-américain
Jake E. Lee. Dans une veine similaire trahissant le core véritablement rock n’ roll du quartette, il conviendra d’apprécier le rugueux « Dancing on the Edge » et son refrain indélébile, titre superbe et lancinant garni comme d’autres d’un solo abrasif signé Lee qui assurément sait privilégier le feeling et l’émotion à une démonstrativité instrumentale stérile. Premier single de l’opus, l’excellent « Dreams in the
Dark » parvient à distiller une fois de plus ce groove délicieusement bluesy s’avérant être la marque de fabrique véritable d’un combo à la démarche artistique personnelle et originale, visiblement imperméable au diktat des tendances de l’époque voyant une grande partie des groupes à foulards user et abuser d’un cahier des charges MTV et KNAC 105.5 finalement mortifère pour le genre qui nous anime avec tant de passion. Liberté et indépendance d’esprit également abordées pour l’anecdote dans le thème de la rutilante «
Hard Driver » ; road song hyper efficace provoquant irrémédiablement le désir de tout plaquer et de prendre dangereusement la route pour un destin tragique mais libre à la
Easy Rider (« The engine screams for murder, […] The wheels are on fire but it’s alright, alright.. »).
Officiant ouvertement donc dans un hard rock rustique au core bluesy miraculeusement exhumé de la décennie 70,
Badlands présente également le paradoxe enrichissant de faire aussi dans l’élégance et le raffinement sur ce premier opus éponyme, comme peut en témoigner notamment la courte et subtile instrumentale acoustique «
Jade’s Song » introductive de la magnifique «
Winter’s Call » ; classieuse complainte se transformant rapidement en une énième invective hard rock de haute volée empreinte d’un léger psychédélisme de laquelle transpire encore et toujours ce fameux grain roots jouissif et authentique. Au chapitre des nombreux grands moments de «
Badlands », soulignons et louons les mérites de l’hymne «
Streets Cry Freedom » ; mid tempo solennel et feutré marqué par un changement de rythme donnant naissance à un final entêtant si bien du point de vue du riffing lourd et dégoulinant de rock n’ roll de
Jake E. Lee que des invectives vocales du grand Ray Gillen parti beaucoup trop tôt rejoindre ses confrères
Jim Morrison, Marc Bolan, Bon Scott ou encore Freddie Mercury pour ne citer qu’eux. Se complaignant aussi avec une certaine nonchalance dans les affres du tempo ralenti mystique et salvateur, relevons l’ultra bluesy et primitif au sens noble du terme « Rumblin’ Train » voyant Gillen partager avec l’auditeur l’étendue de son talent vocal en sublimant le titre d’un timbre plus grave qu’à l’accoutumée, mais également l’ultime et grave « Seasons » ; dernière expression enivrée et enivrante d’un disque authentique marqué à jamais du sceau de la classe et de la tradition rock n’ roll immaculée.
Premier full length du supergroupe fruit de la brève mais fertile collaboration entre Ray Gillen et
Jake E. Lee tous deux liés par l’histoire du mythique
Black Sabbath, l’éponyme «
Badlands » constitue une démarche authentiquement rock n’ roll faisant avec brio fi des conventions et modes de l’époque pour distiller avec les tripes un hard bluesy dignement hérité des 70’s. Remarquablement inspiré et animé d’une âme propre constituant la signature des grands, ce premier opus racé qui atteindra une 57ème place au Billboard 200 s’avère être également une œuvre variée sachant osciller habilement entre un hard rock essentiel au sens premier du terme et des moments plus subtils et solennels. Surtout, un disque duquel raisonneront à jamais les vocaux du classieux et regretté Ray Gillen, p’tit gars de groupes de bars de la côte est étant parvenu à entrer dans la Légende immortelle du rock n’ roll et résidant aujourd’hui en son Panthéon sacré. Ne l’oublions pas.
In memoriam
1959 – 1993
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