La renommé impérissable, né de l’engouement d’un auditoire admiratif pour un artiste géniale ou encore la gratitude éternelle sont des notions illusoires. En matière de musique elles se basent sur des jugements tout à fait subjectifs dans lesquels interagissent des concepts aussi indéfinis que le ressentis, le vécu, ou encore, par exemple, le temps qui passe.
Autrefois nul doute que des noms tels que celui de Gregg
Giuffria ou
David Glen Eisley éveillaient l’intérêt attentif d’un public insatiable. Mais aujourd’hui qui se souvient encore de la singulière destiné lointaine de ces américains ? Leur histoire commune démarre en 1984 lorsque Gregg
Giuffria, claviériste d’
Angel de 1975 à 1981, fonde le groupe qu’il baptisera de son propre patronyme. Leur premier album,
Giuffria (1984), connaitra même un relatif succès qui permettra au groupe de se produire en première partie de
Deep Purple, puis de
Foreigner avant d’assumer, seule, une tournée japonaise. Le second album, Silk and Steel (1986) marquera, quant à lui, le début du déclin de la formation. En effet, les dissensions liées au désaccord concernant certaines décisions prises par un label un peu trop interventionniste et les diverses déclarations de ces musiciens agacés, provoqueront l’échec de l’entreprise.
Pourtant, loin de se démoraliser,
David Glen Eisley et Gregg
Giuffria poursuivront, un temps encore, leur collaboration. Composant la maquette d’un troisième effort, provisoirement appelé Pleasure
Palace, ils finiront par signer un contrat avec un tout jeune label, Simmons Records dont le principal mandataire et décideur n’est autre que l’illustre
Gene Simmons (
Kiss). Le caractère hégémonique de l’artiste dogmatique est une légende qui trouvera sa genèse dans certains actes assumés, certaines paroles proférés ou certaines décisions professionnelles discutables dans lesquelles le sentimentalisme n’a pas sa place. Il ne dérogera pas à sa réputation. Tout d’abord il commencera par rebaptiser
Giuffria qui désormais se nommera
House Of Lords, comme pour prendre pleine possession de cette créature en faisant sa création personnelle. Il poursuivra son œuvre de modification en repositionnant l’expression musicale de sa chose la faisant évoluer d’un
Hard-FM empreint de clavier omniprésent à un
Hard mélodique à l’esprit Rock très prononcé. Pour finir il exigera, et obtiendra, le départ du chanteur
David Glen Eisley remplacé par
James Christian (Ex-Jasper Wrath, Ex-
Eyes).
Cette éviction pourtant n’affaiblira en rien la conviction d’un
David Glen Eisley confiant. Songeons que l’artiste a tant foi en lui, et en son futur projet, qu’il vient de refuser de succéder à
Ian Gillan au sein de
Deep Purple (poste qui sera repris par
Joe Lynn Turner sur le très injustement controversé
Slaves and Masters(1990)). Pour donner vie à ses nouvelles aspirations, le chanteur va s’adjoindre les services du batteur Keni Richards (Ex-
Autograph), du guitariste
Earl Slick, connus pour avoir accompagné David Bowie ou encore, par exemple, pour avoir participé à l’album posthume de John Lennon, Milk and Honey/Double fantasy, et de F. Kirik
Alley à la basse. Le groupe se baptise
Dirty White Boy et leur premier effort, qui se nomme
Bad Reputation, sort en 1990.
Epuré de ces claviers suaves présents en tous lieux et en chaque instant au cœur d’un
Giuffria mélodique,
Dirty White Boy préfère, d’emblée, privilégier l’efficacité de la simplicité voix/guitare sur cet œuvre. Et dès l’entame d’un excellent
Bad Reputation la démarche est une formidable réussite. Mettant admirablement en exergue les chants superbes d’un David Glen à la voix chaude et habitée, les riffs incisifs d’un
Hard Rock à l’esprit Bluesy/Southern/Country Rock, s’exprime déjà remarquablement sur ce titre.
Cette atmosphère très folklorique du sud des états unis, relativement marquée sur l’ensemble de cette œuvre, lui offre une teinte authentique très particulière. Si les délices de cette originalité musicale sont présentes en filigrane sur nombre de titres exemplaires (Let Spend Momma’s
Money et ses pianos symptomatiques, ou encore, par exemple, Soul Of A
Loaded Gun,
Dead Cat
Alley,
Hammer On My
Heart et leurs guitares aux mélodies parfois typiquement traditionnelles), c’est dans un exceptionnel
Lazy Crazy qu’elle est la plus délectable. Ce titre est, selon votre humble serviteur, le meilleur de l’album. Après un court préambule acoustique blues/country, il démarre sous les augures d’un riff redoutable qui transperce l’air, déchirant nos incertitudes pour laisser place à un plaisir immédiat, avant que des airs aux résonnances sudistes ne viennent délicieusement nous séduire.
Si ces climats distinctifs, issus des musiques traditionnelles de l’Amérique profonde, sont splendides, ils ne peuvent, à eux seules, expliquer les louanges méritées dont ce
Bad Reputation devrait être couvert. Pour ça il nous faut, en effet, encore une fois, souligner les qualités exceptionnelles de ces musiciens émérites.
Bad Reputation est donc une œuvre superbe qui met en évidence les somptueux talents d’artistes dont les travaux mélodiques sont ici représentatifs d’une certaine perfection rarement atteinte. Le plaisir qui en découle demeure, même autant de temps après, indéfectible. Preuve, s’il en fallait encore, que ce disque immuable serait digne d’une postérité qu’il n’atteindra, sans doute, jamais. Quelle cruelle infortune.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire