Bad Company

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17/20
Nom du groupe Bad Company
Nom de l'album Bad Company
Type Album
Date de parution 1974
Style MusicalHard Rock
Membres possèdant cet album109

Tracklist

1.
 Can't Get Enough
 04:17
2.
 Rock Steady
 03:47
3.
 Ready for Love
 05:02
4.
 Don't Let Me Down
 04:21
5.
 Bad Company
 04:51
6.
 The Way I Choose
 05:06
7.
 Movin' on
 03:24
8.
 Seagull
 04:03

Durée totale : 34:51

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Bad Company


Chronique @ ZazPanzer

23 Fevrier 2011

«La simplicité est la sophistication suprême» (Léonard de Vinci)

Nous sommes en l’an de grâce 1973. La construction du périphérique parisien s’achève enfin. Les français, moustachus, sobrement vêtus de «pattes d’eph’» contrebalancées de T-shirts bleu électrique à pois orange, y circulent sans limitation de vitesse en DS [Tu les sens les coussins d'huile ?], en Simca 1100 ou en Peugeot 304, cigarettes américaines au bec. Les autoradios de ces bolides n’étant pour la plupart pas encore équipés de lecteurs cassettes, les rockers foncent rejoindre leurs salons pour s’y passer les derniers imports vinyles, «Billion Dollar Babies», «Tyranny and Mutation», ou «Dark Side of the Moon». Putain, la vie est belle.

Mais plus pour longtemps. En fin d’année, le premier choc pétrolier met fin aux Trente Glorieuses. Brigitte Bardot renonce à sa carrière cinématographique, et la légende Free s’éteint elle aussi après l’ultime sursaut «Heartbreaker», enregistré sans le génie Paul Kossoff, rongé par son addiction au Mandrax. C’est le début de la merde dans laquelle nous nageons encore aujourd’hui.

Paul Rodgers et Simon Kirke, respectivement chanteur et batteur de Free, ne se laissent pourtant pas démonter, et entreprennent aussitôt de recruter des musiciens en vue d’un nouveau projet. Leur choix se porte sur le guitariste Mick Ralphs (ex- Mott The Hoople) et le bassiste Raymond «Boz» Burell (ex- King Crimson). Outre ces deux pointures, le groupe s’adjoint les services du légendaire manager Peter Grant (Led Zeppelin). Un all-stars-band vient de naître, immédiatement signé sur Swan Song Records, label indépendant créé par Led Zep, dirigé par Pete Grant, et distribué par Atlantic.

Ce groupe portera le nom de «Bad Company», en hommage au film de Robert Benton sorti en 1972 [et judicieusement traduit en français par «Les Rebelles viennent de l’Enfer» (soupir)] …

Après une petite tournée ayant permis au combo de faire connaissance, les quatre musiciens se rendent à Headley Grange, dans le sud de l’Angleterre. Cet ancien hospice reconverti en studio est déjà mythique, les compositions des Led Zep III et IV y ayant vu le jour. Y ont aussi enregistré Genesis ou Fleetwood Mac pour ne citer qu’eux. Bad Company s’y installe en novembre 1973 et commence à travailler.

Se pose alors la question de l’orientation musicale. Les gars sont malgré leur jeune âge des musiciens expérimentés possédant un solide bagage technique, donc basiquement capables de tout. Yes et Genesis viennent de connaître un succès phénoménal avec les complexes «Tales From Topographic Oceans» et «Selling England By The Pound». 1973 est définitivement l’année du Progressif. Et contre toute attente, Bad Co va opter pour une musique sobre, dépouillée, un véritable retour aux sources du Rock et du Blues.

Pari hasardeux, donc, que les jeunes prodiges décident de tenter, car outre une mode musicale portée sur le Rock Progressif qui explose littéralement, le Minimalisme est un courant artistique controversé et périlleux; et si certains artistes, que ce soit dans la musique, la peinture ou l’écriture ont réussi des coups de maître, nombreux sont ceux qui sous prétexte d’épurer leur art sont tombés dans le piège de la facilité.

Il n’est pas rare de se demander dans des expositions d’Art Contemporain comment telle œuvre a pu atterrir dans la galerie, alors qu’un gosse de Maternelle pourrait aisément en être l’auteur. Faire gicler de la peinture sur un collage soi-disant Pop-Art Vintage réalisé à la va-vite entre deux verres d’absinthe bon marché pour se donner l’illusion d’être Artiste, voilà à quoi se résume parfois le «travail» des jeunes peintres du XXI° siècle… Et pourtant, certains [moi, souvent] sont touchés…

Des écrivains tels que Bernard Werber ou Paulo Coelho se complaisent dans une médiocrité littéraire affligeante sous couvert de développer une écriture qui se voudrait simple mais profonde, mais vendent leurs feuilles de chou à l’échelle internationale… Leurs lecteurs sont-ils tous des simples d’esprit ?

Dans un registre plus métallique, «Nevermind» et «Never Mind The Bollocks» sont-ils des chefs d’œuvre ou des bouses absolues ???

Bref, ce qui est simple est-il forcément mauvais ? La Colombe de Picasso ou les Nus Bleus de Matisse tendent évidemment à nous prouver le contraire.

«La simplicité n'est pas un but dans l'art, mais on arrive à la simplicité malgré soi en s'approchant du sens réel des choses» écrivait le sculpteur Constantin Brancusi. Et il est effectivement essentiel de distinguer les œuvres simplistes, basiques, de celles devenues simples, évidentes, après un cheminement, une réflexion, un parcours ayant permis d’atteindre le cœur de ce que l’on désirait obtenir. Dans ces œuvres, la simplicité n’est forcément qu’apparente. Après six années passées au sein d’un des plus grands groupes de l’époque, on peut supposer que Paul Rodgers savait où il allait. Dire le Rock en quelques notes, n’en garder que l’essentiel, en gommer le superflu, c’est l’exercice ardu auquel s’est donc livré Bad Company à Headley Grange… Le résultat est époustouflant.

Dès le «One, two, one, two, three» de Paul Rodgers, le son brut, sans fioriture, brillamment autoproduit par le combo [cette caisse claire !] nous transporte dans la salle de répétition. Spectateurs privilégiés et stupéfaits, nous imaginons le tapis ’70s installé sous la batterie de Simon, le Marshall un peu crado de Mick, la poussière sur les potards, les gnons sur la grille, l’ampli Ampeg de Boz d’où sort forcément un jack «cordon de téléphone» à la Brian May, le sous-pull de Paul et ses mimiques, son pied de micro tenu en diagonale…

Et on écoute, on en prend plein les oreilles… Paul, un gamin de 25 piges, reconnu dans le circuit depuis 1968, pose sa voix sublime dont la profondeur n’a rien à envier à Joe Cocker, sur des riffs qui rentrent immédiatement en tête pour ne plus en ressortir. Mick nous livre sans sourciller de formidables soli, simples et précis, dont les fil conducteurs sont des mélodies, et non des concours de vitesse ou des camouflages d’incompétence derrière des notes distordues au vibrato. Simon assure un rythme binaire peu spectaculaire, mais diablement efficace, dans lequel on notera un jeu de charleston assez particulier. Quant au regretté Boz, il fait son boulot avec une classe rarissime, portant l’ensemble du groupe avec des lignes de basse mélodiques, mises en valeur par l’excellente production de cet album.

Malgré cet entourage de qualité, c’est évidemment Paul Rodgers qui nous assomme de son talent de la première à la dernière note de ce chef d’œuvre, sur lequel on peut distinguer trois morceaux vraiment Rock, «Can’t Get Enough», «Rock Steady» et «Movin’ On», et quatre chansons plus mélancoliques aux accents bluesy, l’album s’achevant sur une ballade acoustique, un poil moins réussie que le reste de l’album à mon humble avis.

Mes préférences personnelles vont aux morceaux aux ambiances plus contrastées, dont Free avait déjà percé le secret, qui nous plongent à la fois dans la peine et l’espoir comme ce «Don’t Let Me Down», sur lequel apparaissent deux choristes gospel qui magnifient l’organe de Paul, la guitare de Mick étant elle aussi relevée par la courte mais lumineuse intervention d’un saxophone. Je citerai aussi «Ready For Love», sur laquelle Paul nous gratifie d’un bel intermède au piano soutenu par la basse de Boz, alors que Mick accentue discrètement sa rythmique à l’orgue, tout en finesse. Tout semble si naturel au sens premier du terme qu’on sent qu’il n’aurait pu en être autrement.

Les deux points culminants de ces trente-cinq minutes de bonheur sont certainement le morceau éponyme, sur lequel planent le danger et le mystère, véritable communion des quatre instruments qui s’entrecroisent pour mieux nous envouter, et la poignante ballade «The Way I Choose», caractérisée par une émotion indescriptible et rarement égalée…

Les insomniaques, les couche-tard et autres oiseaux de nuit ont souvent un point commun : se vautrer sur leurs canapés les yeux égarés et la bouche entrouverte devant «Chasse et Pêche» en attendant la venue ou le retour hypothétique du sommeil. C’est à ces heures tardives, dans ces moments de solitude et de repli dans son monde intérieur que «The Way I Choose» peut être appréciée à sa juste valeur, au casque de préférence, et en ayant pris soin de couper la télé, la vision d’un épagneul breton à l’arrêt dans une forêt picarde étant déconseillée pour se forger une image mentale appropriée à cette merveille.

Le vinyle sort le 26 Juin 1974. Il se classera à la première place des charts US, et atteindra la troisième au Royaume Uni.

Nous n’avons plus que nos yeux pour pleurer cette époque magnifique où les musiciens pouvaient gagner leur vie sans se prostituer, cette époque bénie où Jean-Claude et Pierrot pouvaient trousser les jupes de Miou-Miou sous les applaudissements des français, cette époque grandiose où une vie meilleure paraissait possible.

36 Commentaires

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kiss33 - 07 Mai 2013: bon alors zaz cette fois j'ai écouté l'album en entier dans l'ensemble jsuis tombé sous le charme après je préfère largement les morceaux les plus (hard ?) rock que tu cites mais le reste est aussi très sympa à écouter encore merci de ta chro :)
samolice - 17 Janvier 2016:

Superbe. Merci Zaz. C'est juste une merveille ce disque!
Les compositions sont sublimes, les musiciens parfaits et Rodgers sublime le tout. Le seul souci, c'est de devoir me lever tous les quart d'heure pour changer la face du lp. Et de recommencer encore et encore...

Sinon, tu as quoi contre les espagnols bretons, c'est un sacré mélange :-)

samolice - 17 Janvier 2016: Putain, y'en a un qui a quand même réussi à mettre 4 à ce skeud. Sans commentaire...
angus107 - 13 Fevrier 2023:

Vous prenez une pincée de rock, un soupçon de blues et vous pimentez de ballades et vous obtenez la recette pour concocter un excellent 1er album.

Je ne connais pas la discographie de Free et je ne connais pas tout Bad Company, mais il faut bien admettre que Paul Rodgers a toujours bien su s'entourer en matière de musiciens.

Pour preuve avec The Firm ou il y avait quand meme Jimmy Page, Chris Slade et Tony Franklin à ses cotés, excusez du peu.

17/20

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