Nouvel entrant dans le si couru registre metal symphonique à chant féminin, et conscient des enjeux et des risques courus à se lancer tout de go dans l'arène, ce jeune quintet mexicain s'est précisément laissé le temps de faire mûrir ses vertes ébauches et de peaufiner sa production d'ensemble. Aussi, fondé en 2015, le combo latino-américain n'accouchera-t-il finalement de son premier bébé, «
Azteca's Revenge », que quatre longues années plus tard ; une auto-production au tirage modeste de ses 150 copies, où 9 pistes dispensées en espagnol s'égrainent sur un ruban auditif de 41 minutes. Une version anglaise de ce set de partitions sera néanmoins disponible en 2021, avec un titre supplémentaire à la clé ; la structure des morceaux comme les arrangements de cette dernière étant la copie conforme de ceux de son aînée, le champ de cette analyse se limitera à la version originale.
Avant de poursuivre, quelques présentations s'imposent. Ainsi, à bord du navire, nous accueillent : Ameyali Escobar, mezzo-soprano aux chatoyantes inflexions, proches de celles d'une certaine
Tarja à ses débuts ; Salvador Yeo (Crüz De Füego), à la lead guitare ; César Marmolejo, à la guitare rythmique ; Manolo Becerra, à la basse ; Deeunir García (La Cruz de Tijuana), à la batterie. De cette étroite collaboration émane un propos rock'n'metal mélodico-symphonique aux touches heavy et progressif, dans le sillage de
Nightwish,
Stream Of Passion,
Abrasantia,
Boudika, Elessär,
Escapist,
Azteca's Revenge et consorts. Par ailleurs, si l'artwork de la pochette s'avère minimaliste, cette dernière n'affichant guère plus que les cinq membres alignés et de face, ce premier essai laisse dores et déjà entrevoir un enregistrement de bonne facture ainsi qu'une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation. Mais embarquons plutôt à bord du cargo en quête de quelques pépites enfouies dans sa cale...
C'est sur une cadence tempérée que s'effectue la majeure partie de la traversée, non sans quelques gemmes essaimées çà et là sur notre route. Aussi ne mettra-t-on qu'une poignée de secondes pour se voir happé par l'infiltrant cheminement d'harmoniques dont se pare « No Llores Más ». Pourvu de riffs crochetés et s'écoulant le long d'une radieuse rivière mélodique, ce rayonnant mid/up tempo dans la lignée d'
Abrasantia jouit également d'un vibrant solo de guitare, mais aussi des poignantes envolées lyriques de la sirène. Dans cette énergie, doté d'enchaînements intra piste ultra sécurisés, d'un fin legato à la lead guitare, sans oublier les ensorcelantes oscillations de la déesse, le ''nightwishien'' mid tempo « Humano
Imperial » n'aura pas davantage tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense. Et comment ne pas se sentir porté par les vibes enchanteresses jaillissant des entrailles de l'engageant « Amigo » ? Eu égard à son refrain immersif à souhait que les hypnotiques impulsions de la diva se chargent de magnifier, ce mid tempo dans la veine d'
Escapist se jouera à son tour de toute tentative de résistance à son assimilation. Mais la troupe aurait bien d'autres arguments encore pour tenter de nous rallier à sa cause...
Quand les lumières se font tamisées, toute tension s'évanouira d'un coup d'un seul, nos acolytes se muant dès lors en de réels bourreaux des cœurs en bataille. Ce qu'illustre, en premier lieu, « Libertad », savoureuse ballade aux airs d'un slow qui emballe et pourvue de sensibles gammes au piano, que n'auraient nullement reniée ni
Boudika ni Elessär. Toute de fines nuances mélodiques cousue, imprégnée de suaves senteurs latino et encensée par les limpides volutes de la maîtresse de cérémonie, la tendre aubade poussera l'amateur du genre à une remise en selle en fin de parcours. Non sans rappeler
Stream Of Passion, avec un zeste d'
Abrasantia eu égard à ses hispanisants harmoniques, « En Tus Brazos », quant à elle, se pose telle une ballade atmosphérique d'une charge émotionnelle difficile à contenir. Et ce ne sont ni la fluidité des séries de notes échafaudées par le lead guitariste ni les angéliques patines de la princesse qui nous débouteront davantage de ce moment de pure jouissance auditive, loin s'en faut. Dénuée d'espace percussif au profit d'une instrumentation plus sobre, la version acoustique de ce titre n'en offre pas moins une alternative empreinte d'authenticité, apte à recueillir l'adhésion du chaland.
Une fois n'est pas coutume dans ce registre, les plages instrumentales dispensées s'avèrent aussi essentielles que substantielles, nos compères y trouvant d'ailleurs là matière à nous retenir, un peu malgré nous, et ce, de trois manières différentes. A commencer par le titre éponyme de l'opus qui, avec ses quelques six minutes à la fois épiques, solaires et tortueuses, abonde en péripéties. Mis en exergue par les sémillants arpèges d'accords déversés par le lead guitariste, délivrant une basse délicieusement vrombissante, dynamisé par de virulents coups de boutoir, et octroyant d'insoupçonnées et grisantes variations rythmiques, l'endiablé et néanmoins fringant mid/up tempo «
Azteca's Revenge » laissera assurément quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le tympan. On retiendra également l'élégant mid tempo « Gracias a Ti » à la lumière de son sémillant sweeping ; une pluie de notes guitaristiques parfaitement coordonnées et des plus magnétiques que l'on croirait échappées du manche de Santana. Enfin, plus tamisé encore, « Por los Que Murieron en Vano » prend, lui, des airs d'une ballade romantique jusqu'au bout des ongles. Glissant le long d'une enveloppante sente mélodique, et mis en habits de soie par le fin toucher du guitariste virtuose près de 5:30 minutes durant, cet instant privilégié fera plier l'échine à plus d'une âme rétive au moment même où il ravira le pavillon de l'aficionado de moments intimistes.
Pour son galop d'essai, le quintet mexicain s'en sort avec les honneurs, celui-ci trouvant sans mal les clés pour nous retenir de bout en bout de la galette. Diversifié sur les plans atmosphérique et rythmique, n'accusant pas l'ombre d'une zone de remplissage, bénéficiant d'une ingénierie du son plutôt soignée et d'une technicité guitaristique et oratoire difficile à prendre en défaut, le rayonnant méfait renseigne sur les sérieuses intentions d'en découdre de la part du combo latino-américain. Même si l'ombre de ses maîtres inspirateurs plane encore sur nombre de ses portées, s'il manque d'un brin de tonicité, et si les prises de risques sont pour le moment peau de chagrin, tant la finesse et le charisme des lignes mélodiques que la vibrante touche latina inscrites dans les gênes de leur premier enfant sauront compenser ces carences. Bref, une première esquisse aussi solaire que chatoyante et empreinte de délicatesse, apte à propulser le groupe parmi les sérieux espoirs de ce registre metal. Dans l'attente à peine voilée d'un second effort de même acabit...
Note : 14,5/20
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