Andy
Marshall aime décidément le changement. On ne comprend pas trop la multiplicité de ses projets. Déjà «
Askival » n’avait pas pu dépasser le seuil d’«
Eternity ». Il s’est attaqué ensuite à celui d’«
Arsaidh » qui n’a pas attendu plus d’un an pour prendre ensuite le nom de «
Saor » ; soit tout juste après la sortie du premier volume, «
Roots ». «
Saor » signifie « liberté » en gaélique. On saisit bien que l’auteur attache des convictions particulièrement prononcées à cette idée de liberté. Le terme est mis en pratique par l’écossais. Il s’évade aussi bien dans ses divers travaux, plus ou moins éphémères, que dans sa musique, et son inspiration provient aussi bien de quelques légendes du pagan metal des îles britanniques que de la nature en elle-même. L’ancien a beau s’être changé en liberté entre temps, «
Aura », second album officiel du dernier projet en date d’Andy
Marshall, ressemble à «
Roots ». Une plante, un peuple, a besoin de ses racines, mais aussi d’être à l’air libre, la tête haute, pour exister.
On avait pu décrire le disque «
Roots » comme du «
Winterfylleth » en mode contemplatif. Il en sera de même pour l’album suivant, bien que l’on ait un autre groupe à déceler, un peu plus occidental cette fois. Sur «
Children of the
Mist », on retrouve un metal celtique proche de celui proposé par «
Waylander ». Et cela après une petite entame très aérienne, une brume épaisse semblant couvrir d’anciens vestiges désagrégés par l’érosion. On retrouve ces riffs bien armés, cette fine ambiance rafraichissante, qui nous avaient séduit sur l’album précédent. Le titre est parfois entrecoupé de chœurs et de riffs pagan particulièrement vigoureux. On ne s
Aura trop quoi dire du chant, qui nous parait ici aboyé, provenant de l’arrière-plan, bestial et inintelligible, impropre de figurer dans un domaine black ou death. Quelques tâches de noirceur dans un milieu aux mille couleurs, resplendissant de tous feux en milieu de piste.
«
Aura » se compose de longs morceaux. Mais pour échapper à tout effet de redondance, malgré la grande constance musical, Andy
Marshall entrecoupe ses compositions de périodes. Celles-ci peuvent être durables ou à l’inverse brèves. L’entame est toujours un passage volontiers cajoleur, attachant, comme le démontre celui, ravissant, de «
The Awakening ». Cette douce brise, ce folk convivial et acoustique, précède une véritable tempête. On a beau ici se retrouver au comble de la puissance, s’en est pas moins rafraichissant, surtout lors de l’intervention des chœurs. Nous avons affaire dans cet opus à une musique parfois extrêmement dense, loin d’être aussi posée qu’attendu. L’exemple de l’éponyme «
Aura » est très révélateur, s’identifiant à l’élément du vent, se stimulant en lui-même, et soufflant selon ses envies, sans trop que l’on parvienne à anticiper ses changements de vitesse. Nous avons donc des instants percutants, forts, au milieu d’autres beaucoup plus détendus, voire vaporeux.
«
Farewell » est moins sujet à la détente. Hormis ses débuts atmosphériques et progressifs, c’est bien à une vague quasi-ininterrompue que nous nous attaquons, et c’est aussi principalement là que l’on identifie clairement l’influence de «
Winterfylleth » dans les riffs concassés et dans les longues phases d’accélération. Même si «
Farewell » joue sur une dualité entre doom death et black pagan, « Pillars of the
Earth » fera une démonstration bien plus subtile et éloquente, incluant une fibre tribale en provenance d’Irlande, un jeu physique et élaboré, mais aussi un pur moment jazzy interloquant en milieu de piste. Andy
Marshall produit pour ce dernier un morceau ravageur, alliant la force et la conviction. Il créé un véritable tour de fort dans ce cas, ne retenant pas ses coups. Une grande plénitude s’associe avec un jeu particulièrement rude et costaud. L’union des contraires créé un ensemble harmonieux en proie à notre admiration.
«
Arsaidh » est devenu «
Saor ». Ce qui était lié à la terre a suivi un chemin ascensionnel, transcendantal, pour ainsi se libérer. Pourtant, rien ne permet d’identifier une distinction nette entre «
Roots » et «
Aura ». Il faut reconnaître que les deux albums suivent un prolongement, qu’«
Aura » est une suite logique et continue de «
Roots ». On observe des traits identiques sur les deux pièces, sinon que l’auteur semble avoir encore gagné en maturité musicale. Il est cette fois capable de composer des titres longs qui captent entièrement notre attention, et cela sans trop produire d’interférences. Andy
Marshall, aidé par quelques invités, notamment par son confrère américain Austin Lunn derrière les fûts («
Panopticon »), tient avec cet «
Aura », l’une de ses meilleures productions à ce jour. De quoi nous faire espérer une poursuite de «
Saor », afin qu’elle puisse monter encore plus haut vers le ciel, à l’abri de la brume et des nuages. A moins, bien sûr, que l’écossais ne conçoive pas de nouveau projet d’ici là.
15/20
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