S'agissant d'un art chanté, le choix délicat de la langue est toujours une question cruciale à laquelle l'artiste doit, assez rapidement, se confronter. Concernant plus particulièrement la musique, et certains des genres qui nous occupent ici, d'aucuns, défenseurs acharnés armés d'arguments non dépourvu de pertinence, auront beau s'évertuer à crier leur amour immodéré pour l'Espagnol, le Croate, le Français ou que sais-je encore, l'Anglais demeure la norme. La fluidité de ce langage, sa rondeur, et, soyons franc, l'habitude séculaire que nous avons de l'entendre, en fait, en effet, l'expression orale la plus "naturelle". Parmi certains de ces autres moyens d'expressions, quelques-uns, plus gutturaux, apportent pourtant une spécificité intéressante dès lors qu'ils seront utilisés à bon escient. Comment, en effet, ne pas songer à
Rammstein et à l'usage de l'Allemand qui accentue encore l'aspect mécanique, froid et industriel de sa musique. Si ce choix est donc tout à fait approprié dans ce cas-là, il est en d'autres où, bien évidemment, il le sera nettement moins. Prenons par exemple le cas d'
Ohrenfeindt, groupe fondé en
1994, qui lui aussi aura, depuis sa genèse, en de nombreux albums, décidé de s'exprimer dans la langue de Goethe. Un choix donc éminemment périlleux.
Si l'on excepte
Auf die Ohren!!!, album enregistré en public et sortis en 2009,
Auf die Fresse Ist Umsonst, est donc le sixième opus que nous offre, en cette année 2013, ce trio originaire d'Hambourg.
Musicalement force est de constater qu'
Ohrenfeindt, sans aucunement faire trembler l'édifice d'un
Hard Rock Bluesy d'obédience australienne (AC/DC et consorts) auquel tant et tant se seront essayé avec plus ou moins de fortune, et de talent, y démontre quelques belles qualités.
Vocalement, en dehors de ce particularisme linguistique déjà évoqué, il faudra aussi reconnaître que Chris Laut maîtrise parfaitement toutes les arcanes d'un genre dans lequel il est plutôt à l'aise. Il nous propose, en effet, une interprétation souvent attachante dans laquelle sa voix tantôt aigue, tantôt légèrement plus grave, mais toujours délicieusement écorchée, brumeuse et voilée, excellent.
Afin d'illustrer la bonne impression née de l'écoute de ce disque, parlons du bon Alles oder Nichts aux déroulement classique mais convaincant, de l'instrumental Prinzessin ou encore d'Egal. Mais aussi des séduisants Rock'n'Roll Sexgoetin, Prokrastinations Blues et Heim qui, quant à eux, nous proposent quelques atours Blues qui, bien que très académiques et pas véritablement nouveaux, sont formidablement bienvenus.
Tout est donc réuni ici pour faire de ce disque une véritable réussite. Non, pas vraiment.
L'association de cette langue si particulière et de ces airs sera parfois de nature à freiner nos élans les plus enthousiastes. La combinaison semble parfois ne pas fonctionner écorchant nos oreilles, certes, peu coutumières mais pourtant bienveillantes. Et puis il nous faudra aussi, et surtout, souligner le fait que l'inspiration et l'efficacité seront quelques fois discutables. Pour ne pas dire médiocre. Citons le très enjoué Jetzt oder Nie, dont, petite apartés, certains passages nous évoquent subrepticement certains autres du Clansman des Britanniques d'Iron Maiden, qu'un joli solo ne parviendra pas à sauver du naufrage, un Koeningin der Nacht sans surprise ou encore, par exemple, Durch die Nacht et Ruf Mich Nicht Mehr an, deux ballades ratées aux mélodies sirupeuses et naïves.
Un disque pas vraiment novateur donc (mais qui d'ailleurs n'avait aucunement l'intention de l'être). Un opus où se côtoient de bonnes choses et d'autres nettement moins. Un manifeste pour lequel il vous faudra apprivoiser un choix linguistique assumé mais peu courant pour cette mouvance. Voilà, en substance, ce que vous réservera ce
Auf die Fresse Ist Umsonst, sixième chapitre de la saga narrée par ces Allemands d'
Ohrenfeindt.
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