Particulièrement prolifique en formations metal symphonique à chant féminin, le Mexique nous gratifie cette fois d'une nouvelle recrue originaire de Puebla et répondant au nom d' Estigia Synti. Après
Anabantha, Elitania,
Fortaleza, Melphomene,
Tetriconia, parmi tant d'autres, c'est au tour de ce fringant combo de se lancer toutes griffes dehors dans l'arène. Aussi, encore peu popularisé dans nos contrées, le groupe aurait-il déjà les armes requises pour pouvoir se démarquer de ses pairs et espérer embrasser une carrière à l'international ?
Conscient des enjeux et des risques encourus de chercher coûte que coûte à se frayer un passage dans ce si concurrentiel registre metal, ce jeune quintet a préféré laisser mûrir son projet, n'accouchant de son premier bébé pas de moins de six longues années suite à sa création, en 2011. A la lumière des 11 pistes de cette auto-production généreuse de ses 56 minutes, la frontwoman Anny et ses musiciens, à savoir, Encs (claviers), Adalan (guitare, chant clair et growls), Akhkkharu (guitare), Jukka
Azrael (batterie) nous plongent dans une œuvre metal mélodico-symphonique et progressif, un brin cinématique, à la fois tonique, épique et énigmatique, inspirée notamment par
Nightwish,
Therion,
Stream Of Passion et consorts.
Si les arrangements instrumentaux ne souffrent que de rares approximations, les enregistrements, en revanche, accusent quelques irrégularités. De plus, un persistant sous-mixage des lignes de chant, parfois calées sur le schéma de la Belle et la Bête, tend à les noyer sous la dense et puissante orchestration impliquée. D'autre part, si les paroles ont été finement ciselées, aussi bien en anglais qu'en espagnol, la structure de la tracklist, quant à elle, demeure éminemment classique. Cette dernière, en effet, démarre par un cinématique et dispensable instrumental de circonstance, simplement dénommé « Intro », alterne up, mid et low tempi, finissant par une fresque symphonico-progressive, comme souvent dans ce registre.
Dans ses passages les plus vitaminés, et même si quelques notes parasites s'invitent à la danse, la troupe recèle quelques moments susceptibles de recueillir l'adhésion. On pensera notamment à l'enjoué et nightwishien «
Genocidio » qui, sous couvert d'une frondeuse rythmique et de riffs crochetés, témoigne d'une grisante énergie. Toutefois, le contraste entre une pléthorique et offensive instrumentation et les graciles patines de la déesse ne pourra être éludé. Dans cette mouvance, on retiendra l'entraînant «
Maldoror » à la fois pour ses refrains catchy et son intarissable force de frappe. Toutefois, là encore, les modulations de l'interprète peinent à convaincre de leur efficacité et atténuent de fait la portée d'un méfait pourtant apte à figurer dans les charts.
Parfois, nos compères nous mènent en des espaces d'expression éminemment progressifs. Ainsi, on sera happé tant par la lente mais épaississante gradation du corps orchestral que par le chatoyant parfum latino émanant des entrailles de « Enc ». A mi-chemin entre
Stream Of Passion et
Forever Slave, cette plantureuse offrande témoigne d'une mélodicité tout en nuances, mise en habits de soie par les douces volutes de la belle qui, dès lors, trouvent leurs points d'accroche.
Soucieux d'élargir le palette de leur offre, nos acolytes orientent également leur propos vers d'amples plages polyrythmiques. Si, dans l'ensemble, l'exercice ne s'avère pas malhabile sur le plan technique, il pêche, toutefois, par de lunaires sillons mélodique. Ainsi, on sera interpellé par un martelant tapping, contrastant avec le délicat cheminement harmonique de «
Materia Oscura » qui, non sans rappeler un
Therion des premiers émois, évolue sur de soyeuses nappes synthétiques. Dans cette étrange atmosphère, on déplorera les timides inflexions de la maîtresse de cérémonie, cette dernière accusant même quelques faussetés.
Quand il nous livre ses sculpturales pièces en actes, et malgré quelques longueurs, le collectif parvient à trouver quelques clés pour nous rallier à sa cause. Ainsi, en dépit d'un cruel manque de profondeur de champ acoustique et de gênants effets de distorsion, l'écoute s'effectue d'un seul tenant sur les sept minutes que compte «
Silver Tree » ; piste symphonico-progressive aux arrangements de bon aloi et qui ne sont pas sans évoquer « Beauty of the
Beast » (in «
Century Child ») de
Nightwish. Si de belles accélérations et de fringants gimmicks nous sont octroyés, on regrettera cependant les impulsions en demi-teinte de la sirène, une ligne mélodique en proie à quelques linéarités et un inopportun pont techniciste à mi-morceau. On ira également jusqu'au terme des hispanisants « Cegado » et « Arn », manifestes dotés d'envoûtantes séries d'accords ; de gracieux arpèges au piano pour l'un, de riffs ondulants pour l'autres. Enrichis de choeurs aux abois et d'insoupçonnées variations rythmiques, ces deux messages musicaux nous aspirent en leur sein.
Enfin, quelques écueils ne sauraient être évités sur notre parcours, qui ne seront pas sans contredire nos espoirs d'aller sereinement jusqu'au terme du voyage. Les poussifs « Pálido
Angel » et « Ahrima » en sont deux illustrations. Sans jamais parvenir à la moindre montée en puissance, doublés d'une soporifique sente mélodique et incessamment sous-tendus par les palotes volutes de la belle, il semble illusoire que l'un ou l'autre de ces efforts puisse trouver grâce aux yeux, ou plutôt aux pavillons, des aficionados du genre. Quant au tempétueux « Story of
Possession », où s'entremêlent, sans réellement s'assortir, d'ombrageux growls et de claires inflexions, ses sempiternelles répétitions auront raison des tympans les plus téméraires.
Pas sûr qu'on y revienne un jour...
A l'aune de cette livraison, on comprend que la route est encore longue pour nos acolytes pour espérer les voir faire partie des valeurs montantes du metal symphonique à chant féminin. Marchant tout comme moult formations locales dans les pas de
Nightwish, le combo éprouve quelques difficultés à s'affranchir de leur empreinte. Il en émane peu d'épaisseur artistique accolée au projet. De plus, affichant pourtant un réel potentiel technique, le groupe ne nous retiendra que rarement plus que de raison, l'émotion requise n'étant pas franchement au rendez-vous de nos attentes. D'autre part, les impulsions de la frontwoman s'avérant mal maîtrisées et trop souvent aspirées par l'instrumentation, elles resteront définitivement en-deçà de ce que l'on serait en droit d'attendre aujourd'hui dans ce registre. Il leur faudra encore davantage soigner la production d'ensemble, varier leur propos sur les plans atmosphérique et vocal, et témoigner d'un zeste d'originalité supplémentaire, pour qu'ils puissent caresser l'espoir de l'emporter. Bref, encore taillé dans la roche, ce lacunaire effort interdit au collectif mexicain l'accès à la cour des grands...
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