Liste des groupes Doom Gothique Anthemon Arcanes

Trois ans ce sont écoulés depuis Talvi, d'une qualité décevante malgré des éléments prometteurs. Le line-up du groupe a bénéficié entre temps de l'arrivée d'un bassiste, d'un guitariste et d'un claviériste ; de plus, le mixage est assuré par les studios finlandais Tico-Tico (Impaled Nazarene, Sentenced).

Trois ans et tout ces nouveaux avantages mis à contribution pour nous préparer une merveille dont il faut absolument que je vous parle.


Premier bon point, le rendu sonore est net et chaque instrument est correctement mis en valeur sans pour autant empiéter sur les autres ; c’était le cas sur Talvi, où le chant était quasi inaudible et masqué par l'instru. On se rend enfin compte du talent de la chanteuse, qui est capable de monter haut sans aucun vibrato, sans oublier que sa voix possède un timbre clair et pourtant mature.
Cependant, on n’a pas cet aspect aseptisé des studios, sans relief. La saturation des guitares est particulière tout comme le son de la batterie légèrement en écho... c’est la fameuse acoustique propre aux groupes gothiques, qui n’est heureusement pas perdue ici.

Deuxième point positif, les arrangements sont encore plus créatifs que sur Talvi. Le côté mélodique est au rendez-vous, au point qu’il n’y a pratiquement aucun passage à vide - et s’il y en a, ils sont toujours utilisés pour obtenir un effet particulier, comme mettre en valeur tel ou tel instrument, entamer un crescendo, etc.

En d’autres termes, la composition est minutieuse, complexe, très riche... sublime. Rien n’est laissé au hasard. C’est une amélioration bienvenue, qui prouve que le groupe a mis la barre très haut.

Troisième chose à retenir, avant que j’entame la plongée dans l’album : même si le groupe s’inspire largement de Theatre of Tragedy et Dream Theater, il a su se forger une identité propre, située dans un doom mélodique sympho/gothique qui surpasse (ou du moins égale) un «Where Lovers Mourn» de Draconian. On a une très bonne répartition des parties au piano qui distille sa claire mélancolie au fil des morceaux sans pour autant être omniprésent, le synthé n’est pas trop étouffant et se contente d’apporter l’atmosphère adéquate, les morceaux ont une longueur suffisante pour leur permettre de bien se développer sans être trop longs non plus, les changements de rythme sont aussi bien exploités que chez ToT ce qui renouvelle sans cesse l’album au sein même des pistes.

Un CD bourré de surprises donc, même s’il n’a pas redéfini le genre.


Tout commence avec une intro au piano accompagné du synthé, «Anthemon Anthem» ou l’hymne d’Anthemon, qui joue le rôle de prélude : Arcanes sera triste et majestueux. Il suffit d’ailleurs de jeter un oeil au front cover, on peut voir une jeune fille vêtue de blanc (symbole flagrant de l’innocence) tenter de fuir une espèce de sorcière vêtue de noir située au premier plan, fuite vaine car la scène se déroule sur le toit d’un château. Seul échappatoire, le saut... Voilà donc les deux parties de ma chronique, l’une «sombre» et l’autre «claire» (je déteste cette vision manichéenne rattachée à la notion d’ombre et de lumière, mais elle ne m’appartient pas).

"No Rest No Peace" suit cette intro. Il apporte le thème de l'album, la dureté de la vie qu’il faut souvent supporter comme un fardeau, qui comme le titre l’indique ne laisse ni paix ni repos. Tout comme Meaningless et Keep Dying, on a des changements de rythme surprenants. C’est à la fois rapide et rentre-dedans puis lent et mélancolique, parfois malsain dans les riffs et les paroles.

"Parody of Man" sonne comme un requiem, avec un chant féminin élégiaque, une partie à l’orgue électronique, une mélodie déchirante très doom funéraire, mais le morceau n’est pas complètement «sombre» (la fin est assez légère).
On va encore plus loin dans l’exploration de la mélancolie avec "Another I" et "Never Born Forever Dead". Le premier est tout simplement le morceau le plus impressionnant de l’album, mélodique, puissant mais maîtrisé, et transporte la sensation d’une vive blessure au coeur et à l’âme ; le deuxième semble léger mais contient en fait des paroles d’une extrême tristesse : c’est à la fois le thème des enfants morts-nés et le déni de sa propre existence, le souhait de revenir en arrière et ne jamais naître, de rester dans le ventre maternel. Il y a un break où il ne reste que la batterie et le synthé, où l’on peut entendre le son d’une échographie. Ca n’a l’air de rien dit comme ça mais c'est apporté d'une manière vraiment efficace. A pleurer.

Mais comme je l’ai dit plus haut, Arcanes est à la fois sombre et clair. Passons à présent du côté «clair».

Nous avons en l’occurrence la troisième piste de l’album, "Semen" (semence) pour illustrer cette seconde face de la galette. C’est un morceau important car léger, au rythme assez soutenu, qui contient de l’espoir dans une mélodie accompagnée de piano, et qui traite en fait de la volupté. Je pense que ce qui a voulu être exprimé est que le sexe n'apporte pas le bonheur.

Dans un registre plus mélodique encore nous avons "Reed", le troisième morceau le plus important de l’album, introduit par l’interlude "Forgotten" (basse et synthé avec des notes de piano qui transmet une impression de magie). 'Reed' signifie roseau. On a au niveau des paroles un message de force de volonté face à la dureté de la vie (en gros, face aux difficultés il faut comme le roseau se plier pour ne pas casser, et une fois qu’on a compris que personne ne viendra nous aider à les surmonter, on est aussi solide qu’un chêne), et les riffs clairs montent - comme mes larmes d’ailleurs - car la mélodie est vraiment majestueuse.

Tout se termine avec "Arcanes", morceau éponyme et le seul dont les paroles sont en Français. Les deux faces, sombres et claires, s’affrontent et fusionnent dans cette ultime ode à la détresse qui, malheureusement, clôt l’album de façon un peu ridicule : c’est une prière pour être sauvé des dieux, qui se termine avec deux vers psalmodié en boucle par le groupe : «explore les Arcanes de l’éternel savoir / pour que des ténèbres surgissent le pouvoir» (eh oui, c’est le risque à prendre quand on choisit de chanter en français, surtout quand on le met autant en avant).



Anthemon a sorti "Arcanes" en 2003, c'est-à-dire après l'apogée de Theatre of Tragedy, de Trail of Tears, des Sins of thy Beloved, des Dreams of Sanity, c'est aussi après la première mort de Tristania et l'énorme "At Sixies and Seven" de Sirenia...
C'était sûrement trop tard pour sortir un album sur la pure scène gothique qui, à cause de "Fallen" d'Evanescence (sorti la même année) et d'autres facteurs, était en pleine mutation irreversible vers l'accessibilité et la banalité qu'on lui connaît de nos jours.

Quoi qu’il en soit, il ne vole pas la bonne note que je lui donne, car pour un premier album complet, c’est de l’excellent travail qui déjà présageait beaucoup. Je jure sur mon honneur qu'il vaut son pesant d'or et que n'importe quel amateur de doom/gothique trouvera son compte en l'achetant.