Formé en 2015 sur l'île de Chypre, le quintet Stonus voue un culte, comme de nombreux groupes de la Grèce voisine, au hard/heavy/doom des années 70, en y injectant une dose de stoner psychédélique. Multipliant les concerts sur les scènes locales et n'hésitant pas à voyager souvent en Angleterre, le groupe acquiert petit à petit une assise solide tout en peaufinant son identité musicale.
Actif sur scène, le groupe l'est également en studio en sortant un E.P., "
Lunar Eclipse" (2018), et finalement ce premier album en édition vinyle sur le label italien Electric Valley Records (
Daredevil Records pour la version cd)
Paru en mars 2020, "
Aphasia" (perte de la capacité à parler ou de comprendre le langage) est un titre trompeur car le groupe a pas mal de choses à dire sur les 6 morceaux présents ici. Si la courte intro "First Breath" joue aussi le contre-pied (avec le bruit d'un électrocardiographe qui annonce plutôt une mort), "
Awake" sied à son appellation par sa fougue, son gros rythme hard-rock, une voix assurée et un riff bien senti. Le groupe se permet à nouveau un petit contre-pied avec un ralentissement en milieu de morceau, faisant place à un gros soli plein de fuzz dans une ambiance psyché. Notons ici que les titres assez longs dans l'ensemble (6 minutes en moyenne) permettent au groupe de travailler avec tact l'agencement interne des titres, évitant ainsi toute lassitude.
Le titre suivant et éponyme de l'album s'enfonce plus dans les terres doom des années 70, avec un hommage vocal évident au Madman Ozzy période
Black Sabbath. À nouveau, place à un riffing de qualité et à des accélérations rythmiques qui font taper du pied. "
Dead End" emprunte aussi cette voie, avec un côté stoner plus renforcé par une rythmique hachée, contrebalancée par une voix planante et une guitare lead inventive.
"Mania" et "
Nadir"vont elles permettre au groupe de dévoiler les facettes plus psychédéliques, sur des guitares gorgées d'effets et des soli mélodiques et planants (très beau travail de Pavlos Demetriou), où rôde quand même le spectre d'un hard/heavy prompt à s'échapper.
Cet état de fait se démarque une dernière fois sur la belle pièce de clôture "
Ghost Town" qui balade d'abord l'auditeur dans un décor de ville du far-west abandonnée, pleine de tumbleweeds et des spectres de desperados morts en duel. Juste avant que la diligence rythmique ne débarque, poursuivie par une horde de peaux-rouges déchaînés, armés de guitares. Un titre qui fleure bon un mix des westerns de John Ford et Clint Eastwood.
Enregistré et mixé par George Leodis, "
Aphasia" propose à chaque instrument une place de choix. La basse bien ronde assied parfaitement l'aspect rythmique, laissant Kotsios Demetriades frapper ses peaux et cymbales avec inventivité et subtilité (l'ombre de
Bill Ward plane sur son jeu). La voix un peu voilée de Kyriacos Frangoulis s'intégre parfaitement à l'ensemble, par son timbre lancinant et sa justesse.
Premier album et première réussite pour ce groupe qui fera surement parler de lui si ses prestations scéniques sont à l'aune de cette qualité discographique. Malgré un nom de groupe assez banal et un artwork moyen de Diogo Soares, Stonus surprend par les qualités évoquées ci-dessus. Certes, le combo chypriote n'invente pas la roue ici mais s'échine à écrire de la bonne musique, ce qui est amplement suffisant pour moi.
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