Encore un énième groupe de metal symphonique à chant féminin, enfanté comme tant de ses pairs par
Nightwish, et sans doute voué à son tour à une disparition précoce des tabloïds, me direz-vous, et qui songerait un instant à vous donner tort ?... A quelques nuances près toutefois ! Un redoutable challenge qu'a souhaité relever tambour battant ce jeune quintet ibérique originaire de Tenerife (la plus grande île de l'archipel espagnol des Canaries), et ce dans un registre metal aujourd'hui agité par une intense, et même graduelle, concurrence.
Conscient de cet état de fait, d'une motivation sans faille mais prudent dans sa démarche, le combo s'est précisément laissé le temps nécessaire pour que mûrissent ses portées, s'affûte sa logistique et s'affine le trait de sa plume. Aussi, sorti de terre en 2017, et aux fins d'un rigoureux et opiniâtre travail en studio, le groupe ne donnera naissance à son premier bébé, «
Anteludium », que trois ans plus tard ; une auto-production modeste de ses 6 titres mais généreuse de ses 32 enveloppantes minutes. Aussi, les
Beyond The Black,
Moonlight Haze,
Tales Of Evening et autres
Walk In Darkness pourraient-ils y voir là un dangereux escadron venu les chasser de leurs propres terres ?
Dans ce dessein, l'équipage d'origine a subi quelques remaniements qui, précisément, ont redéfini le contenu du message musical délivré, la troupe comptant dès lors dans ses rangs : Amy Gutiérrez, frontwoman au chatoyant filet de voix, en remplacement de Noemí Díaz ; Ramón Gorostiza, en lieu et place de Roddie, à la basse ; Rubén Emmanuel Santana, à la batterie ; Alberto Arnay, claviériste, et Lito González, guitariste, tous deux compositeurs du groupe. De cette étroite collaboration émane une œuvre rock'n'metal mélodico-symphonique classique, à chant féminin semi-lyrique, dans le sillage de
Nightwish,
Xandria,
Delain,
Edenbridge et
Diabulus In Musica.
Produit par l'expérimenté guitariste espagnol Yeray López (Ayra, Schwarzwald, ex-
Hybris, guest chez
Anima Barroca), sollicité, entre autres, par
ADN,
Badana et Invisible pour la production de leurs albums, l'opus bénéficie d'un mixage bien équilibré entre lignes de chant et instrumentation et d'un d'enregistrement de bon aloi. Avec le concours, pour l'occasion, du fin coup d'archet de l'émérite violoniste Virginia Iniesta Ramos (directrice de projet à l'école de musique Music Way Tenerife) et des puissantes inflexions en voix de gorge de Marc Quee (Esclavitud,
Attentat Rock). Enfin, le regard se portera-t-il instinctivement sur la pochette, dont l'artwork d'inspiration fantastique et au trait affiné est l'oeuvre du Consuelo Parra Digital Art. Mais entrons sans plus attendre dans la danse...
Si c'est sur une cadence mesurée que s'effectue une bonne moitié de la traversée, le combo n'aura alors pas tari d'armes efficaces pour nous retenir plus que de raison. Ainsi, le pavillon de l'aficionado du genre ne résistera que malaisément aux infiltrants cheminements d'harmoniques jaillissant des entrailles de « Living Like a
Wolf » et «
Kingdom of Souls », deux entraînants mid tempi rock'n'metal symphonique aux riffs émoussés, à mi-chemin entre
Nightwish (première mouture),
Xandria et
Delain. Dévoilant chacun une ligne mélodique aussi exigeante dans leur conception que finement restituée et des plus magnétiques, recelant de sécurisants enchaînements intra pistes et sur lesquels semblent danser les gracieuses modulations de la belle, ces deux propos seraient à classer parmi les hits en puissance, que l'on ne quittera qu'avec l'indicible espoir d'y revenir, histoire de goûter à nouveau à ces rondes aux saveurs exquises. On n'esquivera pas davantage l'enivrant «
Night Is Coming », à la fois pour ses couplets finement ciselés, l'élégance de ses arpèges au piano, ses oscillantes rampes synthétiques et son caressant toucher d'archet.
Quand il lâche un tantinet les chevaux, le collectif nous mène à nouveau en d'invitantes terres d'abondance. Ce qu'atteste, d'une part, «
Eternal Flame », mid/up tempo metal symphonique un brin épique, disséminant ses riffs crochetés adossés à une frétillante rythmique, à la confluence entre
Xandria,
Edenbridge et
Diabulus In Musica. Essaimant de grisants gimmicks guitaristiques tout en faisant volontiers rougeoyer ses fûts et intarissablement vrombir sa basse, se dotant en prime d'un refrain immersif à souhait, mis en habits de lumière par les pénétrantes patines de la déesse, l'impulsif effort aura bien peu de chances de rater sa cible. Dans cette mouvance, on retiendra encore l'engageant et ''nightwishien'' « The Light Shines in the
Darkness » tant pour ses sémillants arpèges d'accords et ses délicates nuances mélodiques que pour la soudaineté de ses accélérations rythmiques, ces dernières contrastant avec les caressantes inflexions de la maîtresse de cérémonie.
Sur un même modus operandi mais répondant à un souci de diversification vocale, la troupe nous octroie, par ailleurs, un duo mixte en voix claires en parfaite symbiose ; un schéma oratoire battu et rebattu, il est vrai, mais relevé de main de maître et opportunément positionné sur son espace d'expression. Ce qu'illustre « Firebird », une piste aussi rayonnante qu'offensive, au refrain d'une efficacité redoutable, et dont la fluidité des enchaînements a pour corollaire des arrangements instrumentaux aux petits oignons. Une solaire offrande à la mélodicité certes convenue mais des plus hypnotiques, dont les corrosives et poignantes attaques de Marc Quee mises en regard des angéliques volutes de sa comparse ne seront pas sans rappeler les premières heures de
Visions Of Atlantis, la touche personnelle en prime. Et la sauce prend, une fois de plus...
A l'issue de l'écoute du skeud, force est d'observer un bel élan d'inspiration mélodique doublé d'un réel potentiel technique de la part du quintet espagnol. Ce faisant, il nous octroie une œuvre à la production d'ensemble assez soignée, au message musical le plus souvent accrocheur, usant d'harmoniques finement esquissés et des plus accessibles, mais ne s'éloignant que peu des poncifs du genre. S'il se suit de bout en bout sans encombres, le modeste et pourtant seyant opus ne nous surprend que rarement, et d'aucuns pourraient même y déceler un relatif manque de pep, de diversité atmosphérique et des exercices de style tendant somme toute à une certaine uniformité. De plus, nombre de schèmes d'enchaînements ne sauraient nous faire oublier la patte de leurs maîtres inspirateurs. Pour l'heure, à l'aune de cet honorable premier mouvement, nos acolytes pourraient d'ores et déjà jouer dans la catégorie des outsiders avec lesquels la concurrence devra composer, pas encore s'en méfier. Bref, un bref et agréable mais classique voyage initiatique...
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