La dimension cathartique que peut prendre la musique est un exutoire qu’un nombre très important de musiciens profitent pour rejeter leur cynisme, leur violence, leur colère ou leurs déceptions vers autre chose qu’un autre être humain. Cette faculté d’extérioriser sa haine, de canaliser sa misanthropie tout en parvenant à créer quelque chose de fondamentalement indispensable à ceux qui, dans leur manière de penser ou de vivre, se veulent marginaux ou simplement radicaux.
Puisant sa force et son inspiration dans cette volonté hautement personnelle et clairement égoïste,
Animus Meminisse Horret est l’œuvre d’un unique homme, d’un personnage fantomatique caché sous le voile d’un pseudonyme aussi inquiétant que peu évocateur puisqu’il s’agit du nombre 87.
Seul musicien et compositeur isolé, il vient de donner naissance à un ep sombre et désespéré, où l’absence de chant semble refléter une volonté de laisser place aux actes plutôt qu’aux mots.
Tirant son inspiration d’un black metal froid et rapide, la musique d’
Animus Meminisse Horret prend parfois des allures ambiantes et clairsemées, dessinant un tableau malsain et cauchemardesque, comme si la créature qui lacérait l’auditeur de ses riffs aiguisés se tassait dans l’obscurité pour observer une proie plus démunie et seule que jamais. "Fugit
Hora" est un exemple parfait des différents visages de ce one-man-band, passant de blast beat sans concession à des passages plus proche du death metal tout en y incorporant des ambiances glaciales et très peu accueillantes.
Il est au départ difficile de se forger une opinion propre sur la création d’
Animus Meminisse Horret dans le sens où l’absence de vocaux, que l’on imagine dérangés, décharnés et à l’agonie, peut rendre l’ensemble générique et lui faire perdre sa personnalité, l’enfermant dans des schémas longs et répétitifs car abandonnés d’une identité vocale. Les compositions se suivent, ne se ressemblent jamais mais manquent pourtant crument d’un caractère propre et unique. L’écoute de "Laudator Temporis Acti" est dans ce sens aussi frustrante qu’enivrante, tant le metal atmosphérique qui y est prodigué est bon et sombre, à la manière d’un
Ava Inferi ou d’un vieux
Therion, mais il demeure une sensation désagréable de n’écouter qu’un extrait, un passage, une introduction et non une œuvre complète. Pourtant, il est clair que lorsque le riff s’intensifie, que le tourbillon hypnotique se referme sur l’auditeur, une émotion passe et traverse l’esprit.
La composition éponyme (redoutable, l’une des meilleures compositions de l’ep avec "Laudator Temporis Acti") ou encore "Ad Uno Disce Omnes" sont taillés dans un metal extrême respectivement rapide ou mid tempo mais dans lequel, cette fois-ci, l’absence de chant se veut vraiment préjudiciable. S’il peut parfois être pallié, il forme un réel manque ici et peine à créer une dynamique à la musique seule (malgré la grande qualité du morceau titre).
Pour le style pratiqué, la production n’est d’ailleurs pas mauvaise, certes roots et raw mais restant claire et cohérente avec la démarche, permettant de distinguer l’ensemble des instruments et de comprendre les partitions de chacun d’eux. L’ep se terminera par une reprise de John Murphy avec "In the House in a Heartbeat" (la bande originale du film "28 Jours
Plus Tard") pour une version très proche de l’original, quoique encore plus apocalyptique et sombre sur le final, où la tension monte progressivement jusqu’à devenir insoutenable, perpétuée par une mélodie simple et annihilatrice, rendant complètement fou dans sa répétition semblant infiniment glauque et désespérément mortuaire. L’ensemble sonne clairement black metal sur la fin, loin de l’univers plus mélancolique de l’original, mais se veut finalement plus sombre et malsaine que le film lui-même.
Difficile d’en dire beaucoup plus autour de cet étrange 87, livrant avec "
Animus Meminisse Horret" un premier ep éponyme des plus intéressants, mais dont l’absence de chant (encore et toujours) pourra être préjudiciable si un avenir devait être évoqué pour ce projet (avenir complètement incertain puisque cet ep n’avait pas pour but initial d’être publié auprès du grand public). Il est cependant probable que les esprits les plus sombres et torturés d’entre vous puissent se reconnaitre dans ce mal-être constant habitant la musique. La suite, si suite il y a, se devra de nous enfoncer encore plus loin dans les limbes de nos tourments…
Tu qualifies aussi d'ambiant, un aspect industriel est mis en avant à l'instar d'un Brighter Death Now, ou on retrouve d'avantage un côté lugubre/horreur?
En revanche, je ne connais pas Brighter Death Now donc je ne peux pas dire sur ce point...le côté horreur/lugubre est probablement un aspect qui se dévoilera à l'avenir car il est encore un peu hésitant ici, hormis sur la reprise très bien faite de John Murphy justement ;)
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