Parfois, les changements de cap se révèlent formateurs, et même constitutifs d'une nouvelle identité musicale, celle qui, pour certains, a permis d'asseoir un projet sur une dynamique encore inédite. C'est précisément dans cette voie que se sont communément engagés le guitariste et claviériste Lars André Larsen, le batteur Morten Færøvig et l'infiltrante frontwoman Trine
Elise Johansen, tous trois ex-membres du groupe power metal norvégien
Highland Glory. Suite à ses quelques dix années d'investissement et trois albums reconnus réalisés au sein de la solide formation nordique, cette dernière s'éloignant toujours un peu plus de ses aspirations profondes, l'expérimenté trio a, légitimement, souhaité voler de ses propres ailes.
Aussitôt quitté le navire, en 2011, qu'ils cofondèrent, quelques mois plus tard, un nouveau combo répondant au nom d'
Angel Heart ; nouvelle aventure à laquelle ont été sollicités les talents du bassiste Øystein Aaseby Pedersen.
Pas à pas, nos quatre mousquetaires ont échafaudé chaque portée de chacune des neuf pistes de leur premier album full length sobrement intitulé «
Angel Heart » ; opus éponyme sorti sept ans plus tard et auquel a misé ses espoirs le puissant label norvégien Mighty Music. Une marque de confiance qui a pour corollaire une production d'ensemble rutilante, à commencer par des enregistrements n'ayant à souffrir que d'infimes sonorités résiduelles. Jouissant d'un mixage bien équilibré et d'une belle profondeur de champ acoustique, les 50 minutes de la galette se parcourent dans d'optimales conditions d'écoute. De quoi assurer une mise en valeur des fines mélodies et des refrains catchy de l'oeuvre et, ce faisant, nous replonger avec délectation dans une grisante ambiance heavy mélodique et hard rock des années 80.
Au regard de ses pistes les plus vivifiantes, le collectif norvégien ne tarde pas à nous aspirer en son sein, réservant quelques hits en puissance susceptibles de marquer durablement les mémoires. Ainsi, on ne saurait résister bien longtemps à la vague de submersion du galvanisant «
Burning Desire ». Doté de refrains certes convenus mais d'une efficacité redoutable, mis en exergue par les saisissantes impulsions de la sirène, et que pourraient bien leur envier
Delain ou
Amberian Dawn, le puissant méfait délivre une frondeuse dynamique rythmique et de sémillantes rampes synthétiques typées '80. Dans cette mouvance, tant les riffs crochetés que l'impulsive rythmique installent l'entraînant « Forever Free » ; les toniques inflexions d'une interprète bien habitée et la fougue d'un convoi instrumental, dont rien ne semble pouvoir stopper la progression, faisant le reste pour nous rallier à sa cause. Enfin, une énergie aisément communicative émane des entrailles de l'offensif « Rock Friends » et du jovial «
Worth the Wait », titres typiquement heavy old school et tous deux dotés de truculents gimmicks guitaristiques et propices à un headbang échevelant.
Quand elle relâche un tantinet la pression, la troupe ne s'avère pas moins fringante, octroyant d'autres savoureux espaces d'expression, aptes à nous retenir plus que de raison. Ainsi, comment ne pas être enivré par l'atmosphère capiteuse et ne pas succomber aux radieuses séries d'accords savamment orchestrées du mid tempo « Run Away with Me » ? Témoignant de stupéfiantes montées en puissance, avec de faux airs d'
Anette Olzon, la belle, pour sa part, nous embarque pour une traversée hautement sécurisée, contribuant ainsi à rendre l'instant privilégié plus inoubliable encore. Mais nos joyeux drilles n'ont pas encore dit leur dernier mot...
Lorsqu'il nous convie à d'intimistes moments, le quartet le fait avec une certaine élégance, nous livrant par là même ses mots bleus les plus sensibles. Ainsi, la ballade romantique «
I Don't Need Love » aux airs d'un slow qui emballe est une irrésistible gourmandise pour nos tympans alanguis. De par sa seyante ligne mélodique, ses couplets taillés au scalpel, sa violoneuse assise, et surtout les magnétiques volutes de la déesse, l'émouvante offrande fera plier l'échine à plus d'une âme rétive en même temps qu'elle ravira les aficionados de l'exercice. De son côté, la somptueuse et un tantinet altière power ballade « She Is Strong », dans la lignée d'
Amberian Dawn (seconde mouture), dissémine une rare aura. Et force est d'observer que la magie opère d'un battement de cils, et ce, dès les premiers arpèges amorcés par un délicat piano. Lorsque les chatoyantes patines de la maîtresse de cérémonie s'éveillent, qu'elles gagnent en intensité au fur et à mesure de leurs gradation, pour inonder l'espace sonore de leur empreinte, on pénètre alors en d'oniriques contrées. Chapeau bas.
Soucieux d'élargir le champ des possibles stylistiques, nos quatre gladiateurs se sont frottés au redoutable exercice des fresques mélodico-progressives, avec deux confondants manifestes au programme. D'une part, le mid tempo progressif « My
Spirit Will Live On » nous installe au cœur d'un corps orchestral bien inspiré, déployant de complexes mais invitants harmoniques, et recelant d'insoupçonnées variations qui, le plus souvent, font mouche. On déambule alors dans un océan de félicité où virevoltent les violons, dansent de soyeuses nappes synthétiques et où ronronne une basse aux abois. Sans oublier la troublante présence vocale de la belle, ici au faîte de son art. Bref, une pièce d'orfèvre à mettre à l'actif de la bande des quatre.
Et que penser du pléthorique « Sailing Against the
Wind » qui, du haut de ses huit vibrantes minutes, vient magistralement clore cette pièce en actes ? Calé sur une sente mélodique difficile à prendre en défaut, abondant en changements de tonalité, évoluant sur un schéma rythmique similaire à celui de son corpulent challenger, le brûlot nous prend à la gorge de bout en bout de notre périple. Dans une énergie résolument vintage, le manifeste se fait tour à tour saillant, séducteur et émouvant, esquivant, en prime, l'écueil d'un sclérosant stéréotype. Un véritable tour de force dans un tel registre.
A l'aune de cet opus, dont on éprouve l'irrépressible envie d'y revenir aussitôt l'ultime mesure évanouie, on ressent toute l'expérience et une symbiose de talents d'un combo qui, d'ailleurs, semble en avoir encore sous le pied. Fait suffisamment rare pour être souligné, pas une fausse note technique ou mélodique n'est à déplorer sur cette goûteuse galette, et ce, quel que soit l'espace rythmique et atmosphérique où le combo norvégien se meut. La qualité de l'ingénierie aidant, et qui n'est pas sans renvoyer à un travail méticuleux et de longue haleine en studio, le set de compositions prend toute sa dimension. Bref, un changement de direction parfaitement assumé, qui sied bien à nos compères, et qui, assurément, aspirera plus d'un amateur du genre dans son sillage...
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