Cette fois, c'est en République Tchèque que
Within Temptation et autres
Delain ou
Xandria sont venus faire des émules, à l'instar de
Ancient Desire. Créé en
2012, ce jeune sextet venu de Kolin s'inscrit dans une mouvance metal symphonique gothique et mélodique des plus enjouées, dans la veine de ses illustres initiateurs. Bien inspiré mais prudent dans sa démarche, le valeureux collectif nous dévoile un EP éponyme auto-produit modestement doté de trois pistes pour un tour d'horizon de seize humbles minutes. Sera-ce suffisant pour tester son auditorat potentiel et, au final, nous rallier à sa cause ?
Premier point non négligeable : le combo a pu compter sur quelques heureuses expériences de la scène locale et de significatives collaborations passées par ses membres pour asseoir son pédigrée musical. Ainsi, ont oeuvré à cette production : la mezzo-soprano Romana Kohoutová (ex-Volna Linka) ; les guitaristes Ladislav Zahradník (Sectesy, ex-Epicardiertomy, ex-Mortura, ex-
Imperial Foeticide) et Jaroslav Šantrůček (
Imperial Foeticide,
Despise, ex-
Heaving Earth) ; le bassiste David Adamec (
Elysium, ex-Blue Bucks, ex-Volna Linka) ; le claviériste, guitariste et vocaliste Ondřej Vejsada et le batteur Josef Spudil (ex-
Elysium). Une convaincante cohésion groupale se dessine alors, ayant pour corollaire d'entraînantes compositions à la mélodicité chatoyante et particulièrement soignée et couplées à des textes finement échafaudés. De plus, une belle technique instrumentale se fait ouïr et les envolées lyriques de Romana souvent font mouche, non sans rappeler Sharon den Adel sur les suites de notes médianes et étirées, avec un zeste de puissance supplémentaire et une touche slave en arrière-fond.
Tout irait donc pour le mieux si la production ne pêchait pas tant par un persistant sous-mixage des lignes vocales et par un enregistrement approximatif, laissant s'échapper quelques indigestes notes parasites. Aussi, si le voyage s'opère sans accrocs majeurs, on le doit davantage aux arpèges et aux gammes éminemment invitants distillés par la troupe que par la logistique encore flottante du propos. Mais, entrons sans plus attendre dans le cœur de la goûteuse galette pour en déceler la substantifique moëlle.
Cet EP propose trois moments rythmiquement différents tout en oeuvrant dans une même obédience stylistique. Pour nous mettre en condition, le groupe lance tout de go son premier obus, forçant ainsi le respect. De somptueux arpèges au piano introduisent et traversent de bout en bout une pièce d'orfèvre à l'aune de « The
Master Andiron from Lucanid ». Titre metal symphonique gothique au tracé mélodique indéfectible, ce gemme progressif laisse entrevoir un aérien riffing, un champ percussif d'une grande souplesse, dans l'esprit de
Delain. A la maîtresse de cérémonie, par ses siréniennes impulsions, de parachever de nous convaincre de ne pas lâcher le cours de la traversée, notamment sur les refrains, catchy à souhait. Sur un petit pont, roulent les tambours avant une sculpturale reprise sur un prégnant couplet, délicatement servi par la déesse. Difficile de résister à ce moment d'une rare intensité émotionnelle, le groupe ayant également veillé à ne pas éluder sa clôture.
Sur des moments plus en retenue, le combo marque aussi ses points. Un sensible piano assisté d'une lead guitare sulfureuse nous invitent à pénétrer « The Margaret
Lazarus », mid tempo aux riffs arrondis et à la rythmique feutrée, dans la lignée d'un
Within Temptation première période. De saisissantes harmoniques, répondant à des accords habilement travaillés, et magnifiées par les claires inflexions au léger vibrato de l'interprète nous enveloppent le tympan. Très sécurisant par sa ligne mélodique, offrant de truculentes variations de tonalité, ce titre nous étreint également, sans jamais nous perdre en chemin. On comprend que la magie ne tarde pas à opérer sur cet instant lévitant, quelque soit le compartiment où l'on évolue. Qui plus est, les finitions sont au rendez-vous, y compris au regard de la césure, la maître instrument à touches fermant la marche, pianissimo.
Une fois n'est pas coutume, le sextet clôt son œuvre avec une once de vivacité qu'on ne soupçonnait pas. Un orgue à la fois magistral et mystique ouvre le bal sur « Adam the One-Handed », titre metal symphonique gothique aux riffs graveleux et à la rythmique sémillante. On n'attend pas longtemps avant de se faire aspirer sur le refrain, même si les couplets se montrent moins accessibles que précédemment. Dispensant une ambiance énigmatique, l'intrigant morceau dissémine quelques effets aptes à le rendre tout aussi immersif que ses voisins de bobine. De son côté, la mezzo-soprano use de puissance pour infiltrer nos pavillons et la sauce prend sur une piste éminemment dynamique, témoignant de diverses aspirations stylistiques.
Le combo a rapidement digéré les gammes de ses sources d'influence et a restitué ses propres partitions avec brio. La recette appliquée est précisément celle qui a permis à ses prédécesseurs de se faire une place dans un registre metal aujourd'hui saturé. S'il s'avère encore prématuré d'établir un pronostic sur sa viabilité, le propos manquant d'allonge à cet effet, on peut dès lors percevoir un potentiel susceptible de voir évoluer le groupe parmi les valeurs montantes du genre. Il lui faudra encore panacher son offre globale et veiller à se laisser le temps de peaufiner les détails de production qui en valoriseraient d'autant son message musical. Pour l'heure, les amateurs de metal symphonique gothique à chant féminin pourront y trouver matière à se laisser sustenter, à condition de ne pas succomber à la tentation de la comparaison avec ses sources d'influence. On n'attend plus qu'une confirmation de son talent par la réalisation d'un album full length...
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