Il y a des groupes qui mettent plus de temps que d'autres à sortir leur premier album. En plus de huit ans, le quatuor français
The Veil ne nous avait en effet gratifié que d'une démo et un EP auto-produits. "An Electrical Sun" arrive donc en ce printemps 2013, concrétisant également la collaboration du groupe avec le label Finisterian
Dead End afin de consolider la distribution de l'oeuvre, par ailleurs auto-financée.
The Veil évolue dans un registre mélangeant métal industriel et métal gothique, un peu à la manière d'un
Gothminister quoique les deux approches soient relativement différentes. Les français jouent en effet sur le contraste passé/futur, comme l'illustre la très réussie pochette de l'album, brumeuse et mystérieuse à souhait.
Créer des ambiances à travers sa musique et les communiquer à l'auditeur n'est pas chose aisée. Le dernier album en date de
Gothminister, malgré ses grands renforts de samplers, n'y avait par exemple guère réussi. On remarque cependant, dès la piste introductive "Ghostship" que
The Veil arrive sans peine à nous embarquer d'abord dans une ambiance "début du XXième siècle" assez sereine puis à retranscrire l'urgence en fin de morceau.
La voix de la chanteuse Jensara Swann, dont la maîtrise est assez bluffante, est un avantage considérable dans la musique du combo et dans les émotions qu'il arrive à véhiculer. Les variations étonnantes qu'elle propose, tour à tour hypnotique (sur les couplets de "Beautifully Broken"), cristalline dans les aigus (les montées du refrain de "1908"), morne (les graves d'un "Call Of Trobador") ou carrément véhémente (jusqu'aux hurlements sur "Swallow
The Black Ink"), créent autant de contrastes et apportent de la richesse à la musique de
The Veil. Dans un certain sens, on pourrait rapprocher cette performance (et cette palette vocale étendue) de celle de Manuel Munoz chez
The Old Dead Tree.
Mais, loin de se reposer sur les atouts certains de sa vocaliste, le groupe fait preuve d'un talent de composition tout aussi étonnant. On a le droit à des titres d'inspiration franchement gothique, presque symphoniques dans l'utilisation des orchestrations ("Clockwork Flowers" ou "
Viva Nokturna"), d'autres résolument plus indus, aux riffs saccadés et mécaniques (l'excellent "Swallow
The Black Ink"), la majorité mélangeant allègrement ces influences pour des rendus splendides (la sublime "Electrogrammaton" ou la synthèse finale "Nikolas
And The Magnetic
Storm"). Soulignons aussi que le groupe garde sur tous ses morceaux un souci pour les refrains entraînants, ne négligeant absolument pas une dimension accrocheuse.
Pour ce premier album,
The Veil a donc tapé dans le mille. La classe avec laquelle le groupe livre "An Electrical Sun" est vraiment surprenante, d'autant plus que le genre serait propice à rapidement tomber dans un aspect cliché voire kitsch. Ajoutez à cela une production impeccable, astucieusement équilibrée entre instruments, voix et orchestrations/samplers et vous obtiendrez un disque excellent. Qu'il soit électrique ou non, le soleil risque de briller fort dans le futur du groupe.
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