Liste des groupes Thrash Technique Ahoora All in Blood with You

Pendant longtemps, la critique Rock a manifesté un certain mépris devant les groupes non-occidentaux. Sepultura n'a pas fait exception à la règle à ses débuts. Aujourd'hui, Internet a un peu changé les choses. Mais l'autre problème est peut-être le contexte socio-politique local : Le groupe concerné par cette chronique vient d'Iran : Ce pays est une république islamique depuis 1979. Depuis, pour faire simple, la musique Pop au sens large du terme (du Ska au Metal et du Hip-Hop au Punk-Hardcore) est pratiquement interdite. Si on joue autre chose que de la musique traditionnelle persane, de la musique classique ou religieuse; être autorisé à donner des concerts, enregistrer ou tout simplement répéter relève du parcours "kafkaïen", sauf pour quelque groupes Pop inoffensifs triés sur le volet. Pour les autres, il ne reste que la clandestinité ou l'émigration. Ceci est bien visible dans le docu-fiction « Les chats Persans » de Bahman Ghobadi, qui permet de visiter la scène musicale underground iranienne.

Mais maintenant que le décor est posé, venons-en au groupe lui-même. Après un premier coup d'essai avec un album éponyme, Ahoora nous propose un second album: "All in Blood with You". La première piste, « Earth of Darkness » annonce déjà la couleur : Le groupe dégaine d'entrée de jeu des riffs Thrash bien tranchants, que n'auraient pas renié Iced Earth, Slayer ou Megadeth à leurs débuts. Cette impression est renforcée par la production brute et crue de l'album, qui a certainement été enregistré avec peu de moyen et dans la clandestinité. Cette production minimaliste rappelle plus les premiers groupes de Black-Metal (en moins sale) qu'un album de Iced Earth. Les parties vocales oscillent entre des chuchotements agressifs et une voix plus claire, planante et lointaine, parfois plaintive qui contraste avec les guitares Thrashy. Un autre détail cloche : le bassiste joue avec un effet "chorus", ou peut-être même avec une basse fretless. Ce genre de jeu est courant chez les jazzmen, mais tient de l’exotisme dans le Metal. Ce bassiste d'ailleurs n'hésite pas à faire en quelques occasions de courtes incursions dans le Jazz-Fusion, mais sans oser aller défier Jaco Pastorius (Weather Report).

Les morceaux suivants mettent les choses au clair : Ahoora est un groupe de Thrash progressif. Après un départ relativement agressif, le groupe se cale sur un Thrash mid-tempo, ponctué de moments plus calmes avec des nappes de synthétiseurs presque psychédéliques, soutenues par une basse ronde qui semble donner les échos d'un autre monde, ou de mélodies en sons clairs voire même acoustiques. Ces passages ne sont pas sans rappeler parfois Muse en plus énergique, ou dans une moindre mesure Hawkwind. La basse chorus, la voix ainsi que les nappes font un contraste permanent aux guitares crues, ce qui donne un équilibre agréable à entendre. De discrètes influences orientales judicieusement placées font également bon effet, surtout sur le morceau de clôture de l'album « Hunger Within ».
La maîtrise des instruments est tout-à-fait satisfaisante. Ahoora n'a rien à envier Aux groupes occidentaux, sans pour autant égaler les plus grand groupes. Mieux : comme Hawkwind, il sait garder de la spontanéité là ou beaucoup de groupes de Metal progressif s'embourbent dans des complications inutiles.

Toutefois l'album souffre d'imperfections dues aux conditions de son enregistrement : La production brute écrase parfois la voix du chanteur sous les riffs de guitare. Les synthétiseurs arrivent parfois à la limite du son d'un clavier "Bontempi", comme lors de l'introduction de « Out of Mind Walls ». Mais il faut se remettre à l'esprit que l'album a été enregistré avec des moyens limités, en toute illégalité.

Pour conclure, cet enregistrement est un bon album de Thrash progressif et technique, a recommander aux fans de ce style à la recherche d'un groupe qui sort des sentiers battus.