Et le dévoreur de rêve frappa une nouvelle fois, esquissant un sourire macabre. De sa vile provocation il s’enorgueillit, une famille venait d'être détruite à jamais.
Blindead pose ici les fondations d'un concept album au propos ambitieux à travers un doom/sludge d'excellente facture. Ainsi, la descente in inferno d'une jeune autiste et le véritable calvaire que va vivre ces parents nous sont contés dans un funeste recueil. Avant de plonger dans les circonvolutions de ce chaos musical, il est de bon aloi de vous présenter l'ordonnateur de tout ceci.
Tout est donc parti de l'esprit dérangé d'un ex-
Behemoth , j'ai nommé le sieur Mateusz «
Havoc » ?mierzchalski . Créant son entité schizophrène en 1999 dans le seul but de se divertir, il attendra de quitter les blackeux polonais avant d'en faire sa principale source d'expressionn.
S'ensuivit un premier rejeton en 2006 («
Devouring Weakness) et un second en 2008 (« Autoscopia/ Murder In Phazes ») qui affichait un groupe à la maturité artistique étonnante. Sorti en
Novembre 2010, « Affliction XXIX II MXMVI » s'articule autour de sept pièces s'imbriquant les unes aux autres et ne constituant finalement qu'un seul pavé monolithique. J'en veux pour preuve également le fait que les sept titres de l'opus ne forment qu'une seule et même phrase. De ce point de vue, on peut dire que la démarche progressive du groupe est clairement voyante et inaugure un certain sens de la réflexion.
Au delà de cette structure progressive c'est l'ambiance dégagée tout au long de l'album qui est assez exceptionnelle. Pesant et lourd à la fois, on suffoque à chaque seconde, on se prend d'affection (d'affliction?) pour cette enfant tiraillée par les dieux et cette famille au bord du supplice. A partir de la découverte de la maladie rien ne sera plus jamais pareil. Chaque étape constitue un rite initiatique de plus, la désocialisation de l'individu se transforme peu à peu en un rejet par son propre organisme du monde extérieur.
Aidé par des riffs distordus et gras, « Affliction... » glisse inlassablement vers les contrées pluvieuses d'un postcore mélancolique. La noirceur discernable dans la voix hurlée de Nick
Wolverine (proche de celle de Scott kelly de
Neurosis) nous ramène vers la prison sonore que s'est constituée la petite fille. Pourtant, ce n'est pas sa faute, elle ne l'a pas voulu. Comment aurait-elle pu le vouloir d'ailleurs ? Si elle a le regard qui fuit ou ne feint aucun geste de tendresse c'est parce qu'elle n'en éprouve pas le besoin ou du moins ne le connaît pas. On ne devient pas autiste, on né autiste. Comment en vouloir également à ces géniteurs ? Peut on les blâmer pour avoir désirer un enfant... normal ? Face à tant de négativité les ténèbres enveloppent la jeune fille dans des draps de velours tachés de suies («
Dark and Gray »), pour finalement la déconnecter totalement du monde réel (le morceau « Affliction » et ses arpèges planantes et éthérées).
Bien sûr, tout le monde monde n'aura pas le même degré de réceptivité face au caractère tourmenté de ce joyau malsain. Le côté alambiqué et trop aérien risque forcément de faire fuir celui qui recherche une décharge d'adrénaline à même de consumer son âme tout entière. Malgré cela,
Blindead se révèle plus intéressant lorsqu'il développe de longues échappées vaporeuses où le coté expérimental prend le dessus (la trompette sur « After 28 Weeks »). Il nous viole dans l'intimité la plus secrète de notre vie, laissant notre jardin secret dans un chambard lamentable. Les ombres deviennent plus détaillées et placent l'auditeur au centre d'un huit clos oppressant. Isolé, trahi, rejeté, il n'a plus qu'à se complaire dans le nouveau terrain de jeu qu'il s'est crée.
Au terme de 46 minutes ébouriffantes les geôliers malades nous invitent à ressentir la douleur de personnes qui se battent pour (contre ?) la vie. Tour à tour cathartique et rageur, le nouvel opus de
Blindead nous offre des moments laconiques du plus bel effet. Vous ne craigniez pas l'enfermement et le noir ? Alors plongez corps et âmes dans ce gouffre profond en espérant ne jamais remonter. N'ayez pas peur, c'est dans l'obscurité d'une nuit sans étoiles que l'âme la plus noire scintille le plus.
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