Aelin - A Story About Destiny

Liste des groupes Heavy Metal Quicksand Dream Aelin - A Story About Destiny
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18/20
Nom du groupe Quicksand Dream
Nom de l'album Aelin - A Story About Destiny
Type Album
Date de parution 2000
Style MusicalHeavy Metal
Membres possèdant cet album12

Tracklist

1. Prologue
2. A Child Was Born
3. House of Wisdom
4. Caress of the Breeze
5. Road Goes Ever on
6. The Lighthouse Dream
7. Aelin's Oath

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Quicksand Dream


Chronique @ Hibernatus

04 Fevrier 2018

Un monument aussi singulier qu'inoubliable

Une œuvre musicale est parfois comme une recette de cuisine. Prenez des ingrédients communs, voire méprisés, pas forcément de la plus extrême fraîcheur de surcroît : là où le commun des mortels concoctera la plus infâme ragougnasse, la vista du grand chef transfigurera cette pauvre matière première en un met ineffable. Miseriez-vous un centime de bolivar vénézuelien sur la réunion tardive de deux musiciens d'un groupe inconnu issu de la Suède profonde, défunt depuis des années sans avoir jamais brillé ? Tenteriez-vous le coup avec le centime d'une devise plus faible en sachant que le chanteur a une voix peu charismatique, un poil nasillarde et officie dans une zone de confort tout sauf spectaculaire ? Et, rognant votre bloutok patazistanais pour récupérer un peu de limaille de plomb, ça peut toujours servir, persisteriez-vous dans votre pari en apprenant que le batteur n'est qu'une boite à rythme ? Bah, non, pas moyen.

Eh bien vous auriez tort. Car l'improbable mixture va se transmuter en chef d’œuvre.

Tout est rêve dans « Aelin, a Story about Destiny ». La musique comblera toute âme avide de se laisser emporter par les voiles de l'imaginaire ; elle est aussi l'achèvement de l'ambitieuse et obstinée vision de son compositeur, Patrick Backlund ; et dans l'histoire du Metal, elle concrétise un véritable conte de fée, qui ne garantit certes pas à ses auteurs une longue vie heureuse avec beaucoup de pépètes, mais laisse à la postérité un monument aussi singulier qu'inoubliable.

Posons les jalons de l'aventure. 1989-93 : Epic Irae, petite formation de lycéens suédois de la provinciale Timrå, enregistre trois démos passées totalement inaperçues et splitte après avoir pris le nom peut-être trop prémonitoire de Quicksand Dream. 1996 : poursuivant un projet musical sur lequel il travaille depuis l'époque d'Epic Irae, Patrick Backlund bat le rappel des troupes et seul le chanteur Göran Jacobson répond à l'appel. 2000 : après 4 ans de galère, de travail artisanal, de fatigue et de temps volé à leur vie professionnelle et familiale, ils sortent du studio avec 30 exemplaires auto-produits du CD d' « Aelin ». Un CD qui n'intéresse aucune des rares maisons de disques contactées et qui finit comme les démos d'Epic Irae, distribué à des amis. 2010 : diffusé pour la gloire sur Bandcamp, il a gagné grâce au net une petite notoriété qui finit par émouvoir suffisamment pour que le vieux master d' « Aelin » soit réellement édité : par Planet Metal en CD et par High Roller en vinyle (format qui magnifie la marine du peintre romantique Thomas Doughty, vierge de tout titre ou logo).

L'album est sobrement dédié aux familles, aux amis, aux fans (les deux dernières catégories devaient se confondre), à Mike Bushur, guitariste de Züül pour l'aide apportée dans les tractations avec Planet Metal, et enfin, pour l'inspiration, à Manilla Road. Officierait-on dans un style épique ? Dans une certaine mesure, oui, mais plus dans le registre de l'Odyssée que de l'Illiade, dans le roman courtois à la Tristan et Iseult que dans la chanson de geste où le preux Roland fend du Sarrasin à tour de bras. Nul gros riff guerrier pour évoquer le fracas des combats, on est dans une ambiance intimiste et introspective, aux tons pastels ; et si les claviers d'Henrik Flyman s'invitent, très ponctuellement pour soutenir les deux musiciens, qu'on n'en attende aucune grandiloquence : quelques touches d'aquarelle sur le prologue et le final, de gros aplats de gouache sur la dernière minute de Road Goes Ever on pour souligner l'intensité dramatique, et c'est tout.

Justement, restons sur ce Road Goes Ever on. Le titre figure dans la toute première démo d'Epic Irae, et ses paroles peu modifiées attestent l'ancienneté du projet de P. Backlund. Mais comme le traitement musical a évolué ! Sur la version primitive, Epic Irae est en plein dans sa période Candlemass/Black Sabbath mâtinés de Hellhammer. L'atmosphère est noire, la rythmique est appuyée, lourde, le riff puissant, les soli acérés, la voix rugueuse et parfois grondante, les lignes musicales heurtées, frisant la discordance. Sur « Aelin », le rythme est joliment enlevé, le riff plein de rondeur et la mélodie lumineuse portée par la voix claire de Göran reste pleine d'optimisme, en dépit de la gravité du propos ; si la V1.1 d'Epic Irae débouche sur la mort et l'oubli, on devine une suite à l'aventure sur la V2.0 de Quicksand Dream, qui n'a pas le même caractère d'inéluctabilité.

En effet, « Aelin » est le concept album type, à la musique entièrement portée par une histoire : celle d'un gamin prédestiné arraché à ses parents dès la naissance par un mystérieux personnage, The Sorcerer, sorte de Gandalf à la recherche d'un successeur à former. Bien sûr, vous connaissez les ados, ça se gâte dès les premiers boutons d'acné : le bougre ne rêve que de la mer (non, même pas de gonzesses) et envoie balader le vieux Sorcier. Ha ! Torchez donc un chiard, inculquez-lui pendant des années les prémices des arcanes magiques, promettez-lui un glorieux avenir de sauveur de l'humanité, craint et respecté. Et ce petit con préfère aller prendre des embruns dans la tronche et s'endormir dans une bannette humide après avoir bouffé son pâté Hénaff... Si j'étais Sorcerer, je rendrais mon tablier, moi j'vous le dis. Bref, Aelin appareille pour un voyage sans retour. Les vivres vinrent à manquer, même pas de p'tit mousse à bouffer, Aelin défaille et se retrouve échoué sur la plage d'une île perdue où il devient de longues années durant gardien de phare. Toujours têtu, le destin le retrouve à travers un songe (The Lighthouse Dream) et lui montre la voie à suivre. Et Aelin se résout à l'inéluctable (Aelin's Oath), reprend la mer pour retrouver son mentor, dire adieu à ses parents et assumer sans espoir de retour en arrière ses hautes responsabilités.

Les paroles nous sont contées en des mots simples et directs, dénués d'emphase et frisant parfois la naïveté. Il en émane une troublante poésie et une paradoxale puissance évocatrice. « I want to be one with the sea. Let my spirit be the tide, and with my breath the waves shall arise. I will sail away and let the laws of nature take my life. You'll have to find another one to be your chosen one » : la révolte d'Aelin m'évoque irrésistiblement « Sea fever », ce poème de John Masefield cher à tout voileux : « I must go down to the seas again, to the lonely sea and the sky / And all I ask is a tall ship and a star to steer her by »...

Tout en prose, alternant dialogues et narrations, le texte impose aux lignes vocales une tournure bien éloignée de la scansion propre au Heavy Metal, habitué à la mise en vers. Notamment, pas de refrain sur « Aelin », sinon un vague embryon sur A Child Was Born. La voix est donc évolutive, sinueuse, changeante. Le titre le plus linéaire est Caress of the Breeeze, mais en dehors, presque aucune répétition de structure, d'incessants changements d'inflexions et de tempo troublent l'auditeur habitué à un déroulé plus classique. Comme signalé plus haut, la voix de Göran, si elle porte subtilement, sans en avoir l'air, une large palette émotive, est peu spectaculaire à la première écoute. Comme un Dio en aurait jeté à sa place ! Oui, mais il aurait cassé un délicat équilibre et écrasé tout le reste.

Et le reste, c'est la basse et la guitare de Backlund. Bassiste avant tout, il offre à son instrument une expression très présente, comme à l'époque d'Epic Irae : les parties de basse sont un pur régal. Mais son traitement de la guitare s'exerce dans une parfaite parité ; si le power chord utilisé avec parcimonie justifie son affiliation avec le Heavy, les soli dominateurs ne sont pas de mise, et arpèges et leads virevoltants viennent en permanence embrasser et étreindre les légères et bondissantes lignes de basse. Sur toute la durée de l'album, on a presque une impression coupable de voyeurisme, tant les deux instruments donnent l'impression de faire l'amour, se titillant, se caressant, ondulant et s'entrelaçant dans une fusion quasi charnelle. Un enchantement auditif vraiment peu commun.

Solidement innervé par une tension bien Heavy Metal, « Aelin » étend les limites du genre aux confins du Hard, du Rock, du Progressif et inclut même quelques pointes de Blues. Imaginative et délicate, l’œuvre s'avère puissante, originale et inimitable ; Quicksand Dream ne s'y est pas trompé en revenant sagement à un Heavy plus classique sur son excellent second album (de 2016, quelle productivité!). Un must absolu, dont la seule chose qui me déplaît est finalement le dénouement de l'histoire : Aelin capitule face au destin et oublie ses rêves de jeunesse. Gageons que devenu grand magicien, il sera parfois pris de nostalgie en repensant à ses errances nautiques et versera une petite larme sur les derniers vers du poème de Masefield :

« And all I ask is a merry yarn from a laughing fellow rover
And quiet sleep and a sweet dream when the long trick's over. »

8 Commentaires

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LeMoustre - 10 Fevrier 2018:

Vous m'avez donné envie de le remettre sur la platine les gars.

Superbe album pour sûr.

Un merci a Jeremy s'il nous lit, pour la decouverte. La pochette evoque Ancient Dreams de Candlemass, c'est marquant. Tout est dit je pense sur cette œuvre a la fois touchante (les lyrics de l'histoire limite niveau scolaire) et prenante.

christslayer - 11 Fevrier 2018:

Merci pour cette chronique de qualité qui rend justice à un album oublié voire méprisé. Une oeuvre complète et équilibrée jouée avec passion. La musique est sensible et singulière ce qui fait de ce disque un objet hors du temps et des modes. Le second album du groupe est plus mature et tout aussi profond bien que trop court il est vrai.

Content qu'il t'ait plu Jérôme et dommage pour Manu qui n'était pas avec nous à ce moment hé hé.

Armel_Avry - 11 Fevrier 2018:

Pour rappel il est toujours disponible chez Cruz del Sur à un prix très modique. Je l'ai choppé là-bas suite à la trouvaille de Jérôme au FoS et aux conseils de Jérémy.

Très belle chronique au passage.

samolice - 21 Fevrier 2018:

Merci JL, super chro. Je ne pensais pas du tout qu'une boite à rythmes était utilisée! Sans être exceptionnelles les parties de batterie s'insèrent parfaitement dans l'ensemble. Du bon travail.

J'ai écouté l'album quelques fois via YT depuis la parution de ton texte. La musique me fait de plus en plus d'effet avec les écoutes, superbe. Un poil moins enthousiaste que pour "Beheading Tyrants" quand même. Je pense que c'est lié au chant que je trouve un peu trop "linéaire" à la longue sur cet album. Effectivement, les progrés sont évidents sur "Beheading Tyrants". Je vais tenter de me trouver un exemplaire de ce skeud très vite. MERCI.

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