D'habitude, il est assez aisé de chroniquer un album de thrash metal. Soit c'est old school, soit c'est Bay-
Area, d'inspiration
Metallica /
Kreator /
Slayer, au choix, moderne ou pas. Bref, assez simple, les codes étant figés depuis fort longtemps, et comme la majorité des thrasheurs se complaisent dans cette zone de confort, (genre, pour faire simple : "c'est quel style ?"), tout va bien. Du simple, du basique, du balisé. Un peu comme quand on va manger de l'entrecôte, en général, on sait à quoi s'attendre.
Pas d'originalité, pas de surprises. Ça contente sa personne, et tout va bien. On mange, on sort et on est content. En général, on ne se rappelle guère de la viande, tout au plus du pinard s'il a été très bon. Dans le thrash, quand on veut un sous-style, c'est un peu pareil : difficile de faire bouffer du
Protector à un fan ultime de Mékong
Delta, ou d'absorber du
Vektor quand on est un adepte de
Toxic Holocaust. Sauf que si c'est possible, le grand écart consistant à apprécier les deux versants de cette montagne que représente le thrash metal.
En l'absence de biographie explicite du groupe
Anger As Art (sachez quand même que des ex-
Abattoir sont de la partie, notamment Danny Oliveiro aux grattes et Steve Gaines - si, si ceux de
Vicious Attack, ça pose quand même, sans compter Rob Alaniz qui a officié aussi chez
Evil Dead, pas des manchots, donc), ce parallèle aura au moins servi à introduire que oui, ce groupe peut réconcilier les inconditionnels d'un thrash metal agressif et rapide avec les adorateurs d'un thrash plus alambiqué (presque barré parfois), tant
Anger As Art marie les deux facettes dans cet album, brillamment illustré par sa pochette. Après une intro aux accents latins soutenus par une guitare en lead majestueuse, "Pissing On Your Grave" ouvre le bal, et le thrash metal d'influence Bay-
Area (forcément) fait son office avec une composition efficace, soutenue par l'organe vocal de Gaines (ce sera une constante tout au long des 47 minutes), tantôt tranchant comme un rasoir, tantôt plus puissant, apportant une dynamique à des compositions fort bien agencées.
Sans sacrifier la rapidité ou l'agressivité (le magnifique "
Aim For The
Heart", ou le court "L.A. State of Mind"),
Anger As Art déroule un savoir-faire indéniable, un peu comme si tout l'alphabet du petit thrasher illustré y passait : Interventions lumineuses en lead (les soli de "Unknowing, Undead"), riff Kreatorien en ouverture ("Tombward" et sa boîte à musique finale bien malsaine), chœurs scandés, breaks parfois inattendus mais jamais démonstratifs, le quatuor fait le boulot. L'implacable "
Hammer, Blade and
Twisted Fire" sur lequel tout le groupe fait des merveilles, et sans doute le meilleur titre du disque, est à tomber avec notamment sa basse Lemmy-esque et son flow vocal jouissif. Ainsi, partant d'une base Bay-
Area (en gros
Forbidden, sans la voix aiguë),
Anger As Art réussit à ne pas sonner typique, un peu à l'image d'un
Tantara et son très bon Based On
Evil de ce côté-ci de l'océan Atlantique. Difficile du coup à cataloguer, le groupe affiche un personnalité certaine, ce qui pourra soit être un gros atout pour les furieux qui en ont marre des ersatz, soit une difficulté pour les autres qui ont besoin de certitudes dans les influences affichées.
Quoiqu'il en soit,
Anger As Art (qui en est à son cinquième album depuis 2004, quand même) livre là un album vicieux, agressif, riche, abrasif, parfois entraînant, et finalement pas si déroutant au fur et à mesure des écoutes successives qui seront toutefois nécessaires pour apprécier vraiment ce
Ad Mortem Festinamus.
Seul bémol finalement. Comme les ingrédients sont de grande qualité, tout ce mélange fort bien agencé (avec une constante générale de rapidité jamais linéaire) fait mouche, et donne envie de prendre le temps d'apprécier ce disque sans titre réellement faible. Le groupe a fignolé les détails (samplers de films sur "
Two Minutes
Hate", l'acoustique quasi-folk du surprenant "Praise Of The Firehead", une production claire et précise délicieuse, l'intro en orgue du titre final "Dim Carcosa" aux harmonies assez inhabituelles dans ce style avec son outro... cléricale) et qu'on recherche de l'agressif ou du soigné, on a les deux dans le même plat. L'entrecôte avec l'émulsion de poireaux au gingembre, pour reprendre la facette culinaire évoquée plus haut. Pour un seul disque, avouons que c'est sans doute une sacrée prouesse. Original et surprenant. C'est assez rare dans le thrash pour être souligné. A découvrir.
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