Nous sommes en présence d’un album spécial, car cet
Accident of Birth est l’histoire d’une aventure musicale, et d’un aventurier :
L’incroyable
Bruce Dickinson, chanteur émérite de la vierge de fer, pilote d’avion, champion d’escrime, écrivain, passionné d’art, de poésie et de philosophie, réalise en cette année 1997 son troisième album solo. Comme pour le précédent
12012 au succès toutefois limité, Roy Z, en provenance du groupe californien Tribe Of Gypsies, officiera au poste de guitariste et produira du reste l’album.
Ensuite, le guitariste soliste n’est autre que le ressuscité
Adrian Smith, débarqué du cargo Maiden en 1989, et qui depuis n’arrivait plus à percer avec ses projets personnels.
Eddie Casillas à la basse et David Ingraham à la batterie viennent compléter le casting de cet album placé sous le sigle de la Naissance, de l’Enfance, et de la
Mort naturellement (soyez rassurés).
On est déjà très excités au premier regard sur la pochette signée de Derek Riggs, à qui l’on doit les illustrations de Iron Maiden,
Gamma Ray,
Stratovarius, Steve « O », Stranglehold et autres ...
Outre la couleur dominante qui est le rouge, le dessin met en scène un clown monstrueux et psychopathe façon «
Joker » qui perfore de l’intérieur le ventre d’un malheureux, à la manière d’un
Alien s’échappant de son hôte dans la quadrilogie à succès. En tout cas, c’est ce à quoi on assiste sur la pochette originelle, car la pochette de la version 2003 du disque est différente. Un petit clin d’œil externe est amusant : En effet, un drapeau de l’
Union Jack (Royaume-Uni) fait office de pantalon pour le clown, puis surtout son bonnet de « bouffon » est aux couleurs du drapeau français. Peut-être est-ce une coïncidence laissée par le graphiste de l’album, ou bien peut-être est-ce un hommage indirect voulu par Dickinson, qui est très attaché aux fans français, et à la France en général, au point de parler la langue de Molières aussi bien voire mieux que certains français eux-mêmes (en concert, c’est bluffant).
Enfin, pour finir ce petit tour de la pochette de l’album, on remarquera un autre clin d’œil évident, soit l’ombre de la silhouette de la
Mort avec sa faux sur la droite du dessin. Etrange, ceci rappelle un détail de l’illustration d’un légendaire single de Iron Maiden datant de 1983 … Etrange.
Rapprochons-nous de la musique. Pour replacer l’album dans son contexte, notons :
_ que le précédent
12012 avaient eu un succès très mitigé.
_ que en 1996 l’ancien groupe de Dickinson (Maiden) avait placé une barre assez haut avec son X Factor.
_ que la même année, le précédent projet de Dickinson avec Roy Z nommé affreusement
Skunkworks avait lamentablement échoué, et avec au final un succès encore plus maigre que pour
12012.
Donc, pour Bruce, le temps était enfin venu de démontrer son talent en solo au monde ; bien qu’un peu dans l’ombre de la vierge de fer, il devait à tout prix renouer avec le succès, car un troisième échec commercial pourrait le condamner à l’oubli (concernant sa carrière solo en tout cas). Le retour de Smith est également là pour donner un coup de pouce, d’autant que des fans de la Vierge seront probablement attirés par ces retrouvailles entre deux enfants terribles du Heavy
Metal, les deux vilains petits canards qui avaient quitté Maiden.
L’album s’ouvre sur – déjà – un premier tube, à savoir FREAK. Dès les premières notes lourdes et épaisses de guitare, on nage entre Rock et Heavy
Metal pur, avec un groove parfait. Groove parfait car les mélodies et notamment le riff dantesque font de Freak une tuerie d’entrée. Pour le chant Dickinson assure, et on se prend naturellement à chanter ce riff mémorable avec lui : « Who leads you to the dark secret ».
TOLTEC 7 ARRIVAL rompt volontairement le rythme pendant quarante secondes d’instrumental familial, avec un peu de guitare, un peu de mellatron (sorte d’instrument mi piano mi accordéon à la Jean-Michel Jarre pour simplifier) et la petite voix de Bruce qui nous conte une courte histoire nous invitant à la réflexion et au recueillement, où le thème de l’enfance est roi. Il demande ainsi à « sa mère de le bénir parce qu’il a pêché ». Qu’il soit pardonné pour ce qui fût et ce qui suit.
Ce petit récital terminé, on enchaine avec une autre chanson sur l’enfance, STARCHILDREN. Comme pour FREAK, le niveau est très élevé. Les guitares sonnent lourdes et le tempo reste toujours aussi agréable.
TAKING THE QUEEN ralentit de nouveau le rythme, du moins en partie, avec notamment une longue et chaleureuse intro à la guitare électro-acoustique forte de nombreuses variations et d’effets. La seconde partie est plus électrifiée au niveau du son, même si le tempo reste très coulé, très détendu, très baladeur. On se détend à vrai dire, comme sur une croisière.
En revanche, sur DARKSIDE OF THE AQUARIUS, après une belle intro mélodique, on retrouve ce précédent son, qui s’inscrit dans un rock agressif, oldschool, percutant, et les guitares y sont encore une fois accrocheuses.
Avec ROAD TO HELL, on fait un petit voyage dans le temps, car la guitare de Smith rappelle aussitôt le style de la vierge de fer. Bruce se retrouve en terrain connu et nous chante sur un rythme assez familier. La chanson dispose d’un groove impeccable, car les couplets mi-endiablés débouchent sur un riff assez émouvant et la mélodie est naturellement mémorisable tant c’est merveilleusement bien exécuté. Les ponts sont réussis eux aussi, et
Adrian Smith nous sert même un solo typique des dizaines qu’il a pu composer pour Iron Maiden.
Man of Sorrows, malgré qu’elle demeure une des plus douces est sans nul doute le tube de cet album. On s’écarte en effet un peu du monde du
Metal pour une magnifique et émouvante chanson, dans laquelle Bruce est seul, dans un style épique, face au Monde. Magnifique le piano joué par Roy Z, de même que ce solo d’Anthologie joué par Smith. Ce solo, pas des plus longs non plus, mériterait de figurer au panthéon des plus beaux solos de toute l’histoire de la musique.
Assurément, car cette belle mélodie respecte tous les codes de la bonne Musique et qui plus est, est très imagée. La chanson justement traite encore une fois de thèmes chers à Bruce sur cet album, comme l’enfance, la religion également.
Accident of Birth, comme FREAK ou le tout frais
Man of Sorrows est l’un des grands moments de l’album. Toujours cette rythmique rapide ; s’y ajoutent des arpèges bien trouvés de Roy Z, et des soli superbes après le refrain, légendaire également.
La chanson a des attraits de tragédie, en touchant de manière assez gore au thème de la naissance, les paroles du refrain faisant effectivement référence à un accident de naissance, soit une tragédie à l’accouchement, un enfant mort-né.
THE MAGICIAN dégivre notre sang avec un état d’esprit résolument plus joyeux, plus positif, plus déclaratif. Peu de folies ici, mais cette tournerie autour des pouvoirs de magicien se digère très bien.
WELCOME TO THE PIT (« bienvenue dans la fosse/faille »), nous replonge quelque peu dans cet état d’esprit très GARAGE ROCK, mi-morbide mi-joyeux. Notons un beau refrain bien exécuté et un joli solo de Smith dans la deuxième partie.
OMEGA est une chanson dans la trempe de TAKING THE QUEEN, où on alterne entre passages doux en acoustique et séquences rock bon enfant, sans grandes folies, mais le tout bien exécuté. Il convient encore de signaler un solo très « amoureux » de Smith, et la voix de Bruce, qui de manière générale, comme dans tous les autres morceaux colle parfaitement à la musique.
L’album se termine en roue libre sur
ARC OF SPACE, une magnifique ballade très douce à la guitare acoustique, sonnant folk par moments, et avec quelques influences hispaniques sur d’autres. Tout cela ajouté à la voix langoureuse de Bruce et un petit synthé ambiant agréable, on termine en douceur ce violent (dans les mots)
Accident of Birth. Ainsi, la morale de ce disque est que
Bruce Dickinson, avant d’être un chanteur de Heavy
Metal est un chanteur tout simplement, et sait nous émouvoir comme sur
Man of Sorrows pour exemple.
Bien avant la bombe que sera l’album suivant
The Chemical Wedding en 1998,
Accident of Birth reste donc un album réussi, avec ses quelques tubes comme FREAK, STARCHILDREN, ROAD TO HELL,
Man of Sorrows ou
Accident of Birth justement, où on nous sert une musique de qualité qui oscille entre le Rock et le Heavy.
C’est un album original, varié, bien mené, susceptible de surprendre, et qui sans pouvoir prétendre à une place dans le hall of frame du
Metal mérite cependant un hommage ; et enfin il me fallait un album d’exception pour mon vingt-septième article qui me tient à cœur en raison de la place et de l’histoire qu’occupe ce nombre spécial chez moi.
15/20.
Si je puis me permettre deux précisions: The X Factor est sorti en 1995 et Roy Z n' accompagnait pas Bruce sur Skunkworks (produit par Jack Endino avec Alex Dickson à la guitare).
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