"Mais cet esprit qui apparaît devant vous, ne vous a-t-il pas déjà possédé ? Ces cendres qui se dispersent dans le vent glacé, ne sont-elles pas celles de votre cœur brûlé ? Au travers d'un rêve sombre, j'aperçois votre âme basculer dans le vide … Serez-vous assez fort pour y échapper ?"
King Triton, décembre 2013.
Voici comment mon collègue et éminent chroniqueur terminait son texte à propos du premier opus du groupe picard
Waverly Lies North. Ces derniers, armés de leur efficace Heavy
Metal, à la fois mélodique et symphonique, ont depuis réussi à se créer une petite place dans le milieu. Ils reçurent chroniques enthousiastes ainsi qu'accueils chaleureux à chaque fois qu'ils montaient sur les planches de France et de Navarre.
En juin 2013 sort le tout premier album, nommé
A Soul in the Void, chez les vétérans du Heavy français Brennus Music, mais quelques mois plus tard, le chanteur Yann Hollier annonce sa défection. Un nouveau chanteur est rapidement trouvé, en la personne d’Éric Pariche, aussi chanteur chez
Superscream (
Metal prog/fusion de Normandie). Le groupe prend alors la décision de ré-enregistrer l'album, avec le nouveau chanteur, tout en retravaillant certains morceaux, en ajoutant un autre, et en modifiant l'ordre des titres. Il s'agit donc presque d'un nouveau disque, le tout réalisé en moins d'un an !
Tout commence sur un magnifique et sombre The
Curse, à qui l'on a rajouté une intro, où sévit la brillante soprano Audrey Escots. Quelques phrases sont déclamées, presque murmurées, accompagnées de lentes orchestrations, juste avant l'arrivée de lourdes guitares sur un mid-tempo. Musicalement, on pourrait penser au fruit de la copulation improbable d'
Evergrey, pour la voix d’Éric qui peut faire penser à Tom Englund, et de
Kamelot, pour sa noirceur élégante. On y rajoute un soupçon de
Metal symphonique, que l'on doit à des orchestrations envoûtantes et à l'ajout sur quelques passages de la voix féminine lyrique d'Audrey, et on obtient bien
Waverly Lies North.
Les huit morceaux (hors outro) se succèdent agréablement, et sont de qualité égale. Les refrains sont travaillés, se retiennent inconsciemment (le mémorable " 'cos darkness is a beautiful dream/like
A Soul in the Void I am !"), et ont l'avantage de ne pas être grossièrement accrocheurs comme on le retrouve parfois dans le Heavy/
Power actuel. De toute façon, et on l'a bien compris, les picards font plus dans la subtilité, à l'instar des délicates et chatoyantes intonations orientales de
Labyrinth. On retiendra un magnifique
Aria Nocturna (voire le clip ci-dessous, très bien fait au passage), plus progressif dans sa structure, et qui joue admirablement sur la dualité voix masculine/féminine. Cherish No
Hope quant à lui se fait plus lourd dans ses riffs, mais toujours aussi entraînant grâce à des mélodies bien placées.
Je n'ai pas écouté la première mouture de
A Soul in the Void, donc je ne peux pas comparer le chant d’Éric avec celui de son prédécesseur, mais je peux au moins assurer que le "nouvel" arrivant se débrouille bien. À part lors de peu nombreux passages, monsieur Pariche ne cherche pas à monter dans des aigus dignes de Rob
Halford, mais se stabilise dans un chant qui s'adapte toujours parfaitement aux ambiances, déchirant, énervé ou majestueux quand il le faut, le tout sur des paroles fines (écrites par leur ami Mat
Wongraven) en adéquation avec l'atmosphère musicale.
Assurément ce nouveau vocaliste n'empêchera pas le groupe de continuer sur sa lancée, et c'est même le contraire. Un seul reproche à lui faire : son accent anglais, qui reste à améliorer. Mais bon,
Blind Guardian connaît une fort belle carrière malgré l'accent allemand prononcé de son leader, alors gageons que cela n'entravera pas plus la brillante destinée à laquelle est promis
Waverly Lies North.
"Brillante destinée", oui, mais. Malgré le remodelage et ré-enregistrement de l'album, certains défauts persistent (où viennent d'apparaître, je ne peux comparer), qui empêchent d'apprécier l’œuvre dans son entièreté, sans toutefois compromettre le potentiel du combo picard. Je souhaite d'abord évoquer la production, qui est de qualité honorable, mais manque un peu de relief et d'aspérités. Un son un poil trop lisse en somme. La section rythmique mériterait aussi un peu plus de place dans le mix pour s'exprimer. Rien de bien trop méchant, mais cela influe probablement sur ma deuxième critique : une légère tendance à la redondance entre les morceaux. Oui il y a un souffle épique, oui il y a un rythme entraînant et enlevé, oui il y a des atmosphères recherchées et esthétiques, mais après des dizaines d'écoutes, un sentiment de lassitude peut s'installer du fait qu'on reste globalement dans les mêmes sonorités, et dans les mêmes atmosphères.
Doit-on considérer cet album comme un premier ou un second essai ? De toute manière, dans les deux cas le bilan reste honorable, puisque le groupe est encore jeune, et sachant le peu de temps mis pour mettre en boîte ce volume. Justement, le réel problème est peut-être celui-ci : prenez votre temps. Vous avez le talent, et le potentiel. Ne prenez pas le risque de le gâcher en agissant trop vite, vos fans attendront le temps qu'il faudra. Continuez sur votre voie, vous êtes bien partis, il n'y a que quelques aspects à perfectionner. De toute façon on se repassera volontiers cette deuxième version de
A Soul in the Void, d'autant plus qu'elle est présentée dans un digipack soigné et élégant.
Notre âme possédée ne peut presque plus lutter … Dans le miroir de cristal, j'aperçois encore quelques raies de lumière, unique espoir d'un avenir loin de Waverly … Pendant que le soleil meurt, je me sens reprendre des forces …
Edit: l'album suivant est superbe aussi.
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