Entre douce mélancolie et atmosphère glacée, le Postcore, initié par
Neurosis ou
Cult Of Luna est un genre en constante évolution. Du Black au
Death, du Punk au Hardcore, les cinq musiciens formant le groupe héraultais
Lessen se sont tous voués une passion pour ce style si particulier, pour son côté froid, ambiant et progressif. «
Dazzling Ashes » avait été une bonne surprise lors de sa sortie l’année passée, si bien que le groupe estime être prêt pour développer son concept sur un premier véritable album : «
A Redemptive Decay ».
« Promised Oblivion » débute comme on pouvait s’y attendre. La batterie est lente, résonnante, métronomique. Les riffs forment un mur d’ambiance, montant crescendo, gardant la même trame mélodique et la répétant en boucle, à la manière des Bordelais de
Year Of No Light. Apposant progressivement son ambiance, le morceau donnera une place prépondérante à ses musiciens. La mélodie est aérée tout autant que parsemé d’instant de subtile lourdeur, relayé à la perfection par de courts instants de silence vaguement percé de quelques arpèges. Cette plage de calme ouvre la voie à Lambert, nous servant un chant criard, violent, écorché, mais surtout empreint d’une mélancolie remarquable. Cette puissance atmosphérique, même si elle ne diffère que très peu de ce que les as du Postcore nous ont habitués, est ici magnifiquement mis en place.
Lessen offre un premier album relativement simple d’accès. Au milieu de cette vague ambiante se voit greffer des parties inspirées du Metalcore, comme sur « Witness », à la trame agressive et lourde plus commune, où les cris stridents se mêlent à des growls des plus menaçants, judicieusement mis en valeur par de courts instants de growls. D’instants violemment ambiancé à des arpèges de douceur en passant par des breakdowns sourds, nous serons en terrain connu. On reste globalement dans le même style d’ambiance avec « Facing ». De démarrage saccadés et hurlés en transition avec des instants mélancolique alourdi par des éclats de voix proche de l’explosion, progressant dans une route des plus sombres, renforcé par d’écrasants cris et d’explosion mélodique, tout est ajusté au millimètre pour offrir une progression balisée dans la noirceur la plus totale, entrecoupé de brefs instants de lumière.
Tout cet ajustement a parfois le défaut de ne pas nous surprendre sur le déroulement de certains morceaux, notamment pour « Walking with You ». D’un démarrage au calme vers un ensemble des plus pesants de riffs et de growls, un calme pesant prend place quand Lambert s’exprime en parlant, puis les structures se répètent en boucle, opposant possiblement une certaine lassitude. Il y a bien évidemment ces somptueux passages mélodico-atmosphériques côtoyant des moments plus grandiloquents, mais le fait d’avoir sur ce titre plus ou moins la même trame que «
Cold Truth » nuit quelque peu à l’émotion. Ce même démarrage lent, puis écrasant, cette même voix vociférant sa haine, ces mêmes parties plombées en voix parlée sur un ton parfois plus implorant, ces mêmes explosions atmosphériques et éprouvantes… (Après, il est un peu vrai que je pinaille comme un gros relou, mais ce n’est pas fait pour ça, un chroniqueur ?)
Car oui, même si ces remarques sont, à mes yeux, justifiés, il est vrai que peu de choses ne bloquent l’immersion que cet album procure, quand bien même certains titres s’imposent comme des machines à headbang. La violente massivité d’ « Inner
Ocean » à titre d’exemple. Un chant transitant avec facilité de vocifération en growls hargneux, un
Doom poisseux (et une basse sortant des petits accords de génie) et une batteuse ne se privant pas par la suite d’envoyer une tornade de double pour nous achever avec la manière. «
Out of Reach » et sa puissante base rythmique basse-batterie à même de nous retourner le cerveau par ces cris vomissant et autres breaks ambiants annonciateurs d’une lourde masse atmosphérique et épique.
Deux titres à l’ambiance plus progressive prennent place, deux titres de huit minutes chacun. « I’ll Be Found » a tout pour devenir l’hymne de ce premier album. Son atmosphère est grandiose, grandement mélodique et servie par l’une des meilleures performances vocales, plus tristes et haineuses que jamais. De passages plus délicats vers des parties coreuse, tout est parfaitement huilé, les différents chapitres de la piste parfaitement mise en musique par un groupe purement complice dans tout son assemblage. « Retrospection » apporte un peu moins d’immersion, apparaissant davantage comme une … rétrospection de tout le contenu de cet album. Durant ce laps de temps, on retrouve donc des parties plus mid-tempo, des passages ambiants et vociférés avec haine, du Metalcore gueulard, des instants syncopés et puissants, d’autres envahis de double et de riffs mélodiques et des moments plus délicats…
Après un premier EP permettant au groupe de faire mijoter les influences du genre,
Lessen nous délivre un surprenant premier album, très complet et mature, permettant de déceler un potentiel évident ne demandant que davantage de temps et d’expérience pour réellement pouvoir s’exprimer. Puissant et chaotiquement atmosphérique, éprouvant et émouvant, «
A Redemptive Decay » est une porte ouverte à un avenir des plus prometteurs.
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