Certains de mes proches ont eu la fâcheuse tendance à dire que si tu veux faire un bon Black, mélancolique, froid et profond, il faut venir d'un pays froid. A ce qui paraît, les neurones sont mieux conservés mais constamment noyés dans l'absence de couleur due à la neige omniprésente.
Je ne sais pas si cette affirmation présentée comme une généralité en est une, mais à bien y réfléchir, la constante se vérifie « assez souvent ».
Finnr's Cane nous vient tout droit de l'Ontario, une province du Canada, et sont signés sur le label
Prophecy Productions, qui a compté dans ses rangs des sommités du Post-Black:
Alcest, Dorneinreich,
Falkenbach ou encore
Germ (de mon favori Tim Yatras) et Lantlôs. Avec une telle écurie, on était en droit de se dire que la musique allait être prenante et providentiellement intéressante, et c'est bien loin d'être faux.
Le groupe propose ici un album bien présenté, et bien amené par leur prédécesseur,
Wanderlust, plutôt acclamé par une critique unanime. La différence avec les nombreux groupes qui jalonnent cette nouvelle scène du Black
Metal, c'est le fait que la manière de composer, ainsi que la formation même du Trio est assez improbable: En effet, outre le fait de porter d'étranges surnoms tel que « The Slave », « The Peasant » ou « The Bard », ils ont décidé de supprimer la basse et de la remplacer uniquement par un violoncelle. Je dois avouer que j'ai du m'y reprendre à plusieurs fois avant de détecter cette subtilité de jeu, étant donné que la production ne la laisse pas facilement deviner, mais en fin de compte, ce choix apporte un plus non négligeable, notamment sur les parties acoustiques, où les longs traits de notes lourdement portées à l'archer donnent un effet de nappe constant et chaleureux.
La chaleur, voilà ce que recherche les êtres venus du froid. Et force est de constater que la mise en place d'un son organique, porté par un grain particulier, pourtant propre au BM, ici donne un aspect très « feu de camp avec des hobbits et
Aragorn ». Les samples de vent qui entourent parfois les morceaux accentuent cet effet et la limite entre cette vision et la musique ne se fait pas aussi flagrante qu'on pourrait espérer.
Chaque morceau, d'une durée moyenne de 5min30 développe une thématique musicale dans la continuité de l'album. Oscillant entre le pagan, le dépressif, un neo-folk un peu teinté de dark folk, on reconnaît parfois une inspiration qui lorgne du côté de FEN par exemple. Les ambiances, les couleurs dégagées par la musique me rappellent fortement le premier album du groupe britannique, où la prédominance du brun dans à la fois la pochette, et la musique – références et associations personnelles de sons, de couleurs notamment par le choix des instruments de musique et certains développement mélodiques – ont eu un effet de lien, à la manière des « Correspondances » Baudelairiennes.
Seulement, il ne suffit pas de lorgner du côté de la forêt et d'y mettre du spirituel pour faire un bon disque, et là où
Finnr's Cane pèche énormément, c'est dans ce choix de miser énormément sur l'originalité de leur formation ainsi que leur thématique, tout en délaissant un peu le côté musical.
Bien sur l'album se laisse écouter de bout en bout, mais il n'y a pas d'accroche. Les structures des morceaux sont linéaires, les accords ne changent pas ou peu. Il n'y a pas, par exemple, comme sur les disques de
Woods Of Desolation, une dualité entre ombre et lumière, violence sombre et visions éthérées et aériennes, lumineuses. Tout est ici brun, riche en idée, mais trop peu exploité.
Alors bien sur, la qualité est présente, et si on se contentait de trois morceaux de la même trame, tout en apportant sur les autres quelque chose de différent, on aurait eu affaire à un des album majeur de l'année. Ce n'est ici pas le cas.
J'ai personnellement du séparer mes écoutes pour véritablement apprécier ce bijou d'ébène car celles-ci sont longues et rigoureusement linéaires.
Bien qu'étant un des points faible de cette production, on peut aussi le voir comme une espèce de concept musical.
Finnr's Cane est un groupe avec un potentiel qui est à peine atténué par le manque de prise de risque, mais ce choix de sécurité offre aussi aux amateurs du genre une création qu'il est bon d'avoir dans sa discothèque tant certains éléments apportent leur lot d'intérêt pour qui sait y trouver son compte.
En définitive, l'album est bon.
Pas assez poussé pour être excellent, mais pas assez chiant pour être mauvais. Les redondances s'oublient assez vite lorsqu'on met du temps entre deux écoutes. Mais le projet gagnerait nettement à dessiner un peu plus de maturité et d'éloignement de ses influences, quitte à oser une nouvelle voie, expérimenter vers d'autres horizons.
A conseiller aux fans de
Fen,
Agalloch,
Falkenbach...
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire