A la lecture de ce titre, j’en vois déjà beaucoup qui grincent des dents et dans un sens, je peux les comprendre. Généralement, la pop et le metal ne font pas bon ménage mais force est de constater que depuis quelques temps maintenant, certaines formations et certains artistes semblent tirer le meilleur des deux genres. Entre les récentes sorties de Poppy et de
Sleep Toekn et, dans une moindre mesure, les débuts de Reliqa et plusieurs travaux de
Bring Me The Horizon, cette tendance pop prend une place de plus en plus conséquente, dans une volonté de rendre le metal intelligible et abordable. Néanmoins, plusieurs groupes réputés échouent lamentablement dans cette quête (qui a cité les dernières parutions d’
Architects ?).
Après cette balle perdue, il est temps de revenir à notre collectif du jour.
Cane Hill a été formé en 2011 et n’a publié à ce jour que trois EPs ainsi que deux petits albums. Rien ne laissait présager le quatuor originaire de la Nouvelle-Orléans de s’aventurer dans une musique alternative car l’ensemble de ses œuvres captait une empreinte neo metal, dans un entre-deux entre
Korn, Slipknot et
Linkin Park. Cependant, l’agressivité des mélodies, leur penchant parfois mélodique ainsi que la présence flottante de breakdowns inscrit également le combo américain dans un style punk et hardcore afin d’imaginer un neo metalcore extravagant. Malheureusement pour nos artistes, ces tentatives et ces expérimentations n’étaient pas des plus concluantes, malgré quelques illuminations.
A Piece of Me I Never Let You Find. est donc un nouveau départ et une aventure périlleuse pour nos Américains à la recherche d’un second souffle et d’un modèle à suivre. Ce commencement passe d’abord par un changement de label avec un engagement chez
Out Of Line Music (Ashen,
Novelists, Vilain Of The Story). Le choix de ces formations n’est nullement le fruit du hasard puisqu’ils témoignent d’un désir de modernité, de compréhensibilité et d’excentricité, ce que fait parfaitement notre quatuor sur son troisième disque. A contrario de ses premières toiles, il n’est presque plus question ici d’inspirations hip-hop, un des attraits principaux du nu metal, qui ont été remplacées par des invitations contemporaines, pop et rock.
Cette conduite ne saute pas tout de suite aux yeux, notamment lorsque l’on découvre le second morceau The
Midnight Sun après l’intro The pain ends when you let go. Le riffing est menaçant et écrasant tandis que la prestation vocale est screamée, emplie de fureur et de rancœur. Ce n’est qu’à l’arrivée tardive du refrain que le groupe américain dévoile une atmosphère davantage cristalline, principalement grâce à un chant clair réconfortant ainsi que des accords étincelants.
Le titre suivant Ectascy
In Grief porte admirablement son nom avec une sensation épileptique et d’énergie sans fin.
Outre un bref passage mélodique, l’ensemble de l’instrumental est fulminant, bagarreur et ne laisse aucune place à l’apaisement. La mélodie tient sa force par des riffs créatifs, par un screaming provocateur et par un breakdown simple en apparence mais diablement efficace.
On admire la capacité des musiciens à se métamorphoser à chaque chanson, de ne pas se limiter à une extrême violence ou à une ambiance vaporeuse. Les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances comme sur un How Could You Lose? où la production ultramoderne dénuée d’émotions et l’absence de progression, alors qu’il s’agit du morceau le plus long de cet opus, nous contrarie et provoque un goût d’insuffisance. La performance vocale n’est guère plus reluisante avec une palette que l’on sent nettement plus limitée qu’à l’accoutumé et nous prive donc d’un instant remarquable.
Seul le (court) solo de guitare procure de timides ondes envoûtantes, sans non plus atteindre la béatitude.
D’autres esquisses qui comportent d’intrigantes curiosités sont en revanche de franches réussites. Dans le haut du panier,
Fade nous gratifie d’une belle harmonie entre sonorités pop caractérisées par des synthétiseurs et tempérament hardcore articulé par un riiffing tranchant et une panne massive. Les refrains sont d’une facilité enfantine mais on est pourtant pris par une étonnante pureté et une puissance émotionnelle vocale. En revanche, son autre version à la toute fin de cette toile n’apporte strictement rien de plus si ce n’est une partie acoustique lors de l’outro.
Dans un contexte similaire, Permanence In
Sleep reprend ces mêmes codes avec davantage d’animosité et de dureté. Cette malveillance atteint une hauteur inédite par le biais d’un breakdown rudimentaire qui nous distrait au moyen d’une suspension qui nous coupe le souffle. Quant à Finding Euphoria, l’esprit pop est plus en retrait pour faire éblouir une hostilité et surtout un grâcieux solo de guitare.
A Piece of Me I Never Let You Find. marque une étape cruciale pour
Cane Hill qui oscille entre audace et légères incertitudes. Si le groupe parvient à se réinventer avec une fusion équilibrée de pop et de metalcore, il trébuche parfois sur des compositions inégales ou des expérimentations qui n’aboutissent pas. Cependant, cet opus illustre leur volonté de sortir des sentiers battus pour explorer une identité plus contemporaine et émotionnellement riche. Si cette soif de modernité possède quelques failles, elle promet cependant de nouvelles perspectives pour une formation en pleine mutation. Le quatuor n’a peut-être pas encore trouvé son modèle parfait, mais il s’affirme comme un collectif prêt à s’aventurer là où peu osent aller.
J'avais bien aimé leur deuxième album, et je trouvais qu'ils tenaient quelque chose dans un néo metal un peu djentifié, pour peu qu'ils arrêtent de singer Korn et Slipknot de manière si voyante. J'avais été très déçu par les EPs suivants, mais celui-là a l'air intéressant, même s'ils tâtonnent encore... A creuser !
Merci pour la chronique !
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