Actif depuis 2016, originaire de Rouen et, après une démo et un split avec
Dakhma ainsi que moults prestations live, (notamment avec
Full Of Hell,
The Body ou
Whoresnation), Pilori décide d’enclencher la deuxième en publiant sa première ogive longue portée, intitulée «
A Nos Morts ».
En préambule, il est à noter que Pilori a changé son logo en optant pour un visuel moins propre et que «
A Nos Morts » a été mixé par Cyrille Gachet (
Fange,
Verdun,
Year Of No Light) et que le mastering est l’œuvre de Brad Boatright (
Nails,
Trap Them,
Pig Destroyer). Ceci étant garant d’une sonorité bien velue et charbonneuse, la chose a du être ardue de s’adjoindre ces personnalités, surtout pour une formation aussi jeune. Il faut aussi y ajouter des guests de choix avec Dylan Walker de
Full Of Hell sur « Que La Bête Meure » et Matthias Jungbluth de
Fange sur « Poursuite Du Vent ».
Un larsen de bienvenue et les hostilités débutent avec « Que La Bête Meure » et, le décor est planté. «
A Nos Morts » respire la négativité par tous les pores, l’auditeur sera trainé sans ménagement dans la tombe qu’il aura lui-même creusé, avec une réelle impression d’être enseveli vivant, survivant en luttant contre une asphyxie certaine. Ce méfait est véhément, brutal, oppressant, sombre, dérangé, haineux et boueux.
Empruntant des ingrédients à différents styles du métal extrême, Pilori s’affranchit de tout étiquetage. Nous pourrons donc être face à du death/grind sur « Lorsque La Nuit Viendra » (avec quelques réminiscences de
Napalm Death), du crust sur « Poursuite Du Vent », du hardcore apocalyptique sur « Apnée », des relents industriels sur « Le Roi Des
Rats », le tout enveloppé d’une atmosphère lugubre et austère, grâce aux nombreuses dissonances qui émanent de «
A Nos Morts ». Les rythmiques frénétiques succèdent donc aux breaks les plus lourds, donnant à cet album une vraie nervosité et une réelle tension (« Divine Comédie », « Sous Mes Mains » ou encore « Que La Bête Meure »). Mais Pilori, tel un psychopathe sadique, sait desserrer son étreinte afin de laisser sa proie respirer, lui assurant une mort lente, pleine de souffrances, en incluant des moments plus aériens ou mélancoliques comme sur le titre éponyme, parfaitement placé sur la tracklist ou sur « A La Recherche Du Temps Perdu ».
La formation livre une interprétation sans faille, le riffing est incisif et cisèle sans aucune compassion, la section rythmique est au diapason avec Gu qui alterne les cadences sans sourciller, décochant de véritables accélérations furibondes et amène une grosse puissance sur les cassures, donnant encore plus de force impactante à l’ensemble. Gr, vociférateur en chef, hurle comme un damné, à s’en arracher les cordes vocales qui ne doivent pas faire les fières. Ses éructations collent parfaitement au propos des rouennais et mettent en avant la facette hardcore du groupe.
Le principal grief que votre serviteur aurait à l’encontre de «
A Nos Morts » serait que les vocaux sont trop mis en retrait. Avoir Dylan Walker comme invité sur « Que La Bête Meure » et être obligé de tendre les cages à miel pour l’entendre, est assez frustrant. Le constat sera le même avec Matthias Jungbluth sur « Poursuite Du Vent » et surtout pour Gr dont la puissance de son organe aurait gagné à être mis un peu plus en avant. Cependant, après quelques écoutes attentives, cet état de fait s’estompera quelque peu, on comprend assez vite que ce parti pris s’intègre dans le concept musical de Pilori. Aussi, et c’est tout à fait normal, et même si Pilori possède une forte personnalité musicale, les influences (
Napalm Death,
Full Of Hell,
Nails ou
Converge) sont encore trop perceptibles. L’expérience et l’intelligence de composition de ses membres atténueront ce petit défaut.
Au final, «
A Nos Morts » de Pilori n’a rien de vraiment révolutionnaire mais son art de la fusion des styles lui donne l’épaisseur et une personnalité suffisante pour attirer l’attention et s’imposer comme sur un sérieux challenger de la scène extrême hexagonale, dans une niche encore peu fournie. Ce premier album va en laisser plus d’un sur le carreau et aussi de nombreuses gencives sanguinolentes édentées mais il est incontestable que le combo en a garder sous la godasse et possède une belle marge de progression. Cependant, son style, qui demande à se débarrasser de ces influences encore trop audibles, laissera sans doute quelques néophytes sur le bord du caveau, «
A Nos Morts » se mérite er demande un peu d’abnégation. Lourdeur, haine, glauque, furie, aliénation et obscurité sont les maîtres mots de cet album bien saignant. «
A Nos Morts » ravira à coup sûr les aficionados de formations comme
Cult Leader,
Trap Them ou
Implore, quant aux autres, la curiosité n’est pas forcément un vilain défaut.
«
A Nos Morts » est le fruit de la passion, cultivé avec les tripes.
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