Tiens, la chronique de Bénézech sur le cas Clermont, pour continuer le débat après:
"Clermont peut-il gagner un jour une finale ? Sous cette forme, la question n'a pas de raison d'être puisque cette équipe a déjà remporté la finale du challenge Européen deux fois (1999 et 2007) et celle du challenge Yves Du Manoir devenu Coupe de la Ligue à quatre reprises (1938-76-86 et 2001). Alors, pourquoi ce qui marche au niveau d'un challenge, quel qu'il soit, ne marche pas au niveau du championnat de France ? A mon avis, tout simplement parce que l'on peut gagner un challenge en jouant seulement au rugby là, où, pour gagner un titre de
Champion de France, il en faut beaucoup plus. La culture d'une ville comme Clermont où les usines Michelin donnent le rythme est ouvrière et laborieuse c'est à dire qu'elle est dominée par une culture du travail bien fait dans un cadre déterminé et bien délimité. Les supporters Clermontois, qui pèsent de tout leur poids dans la vie du club, sont issus de ce mode de vie. Ils attendent principalement de leur équipe qu'elle mouille le maillot et qu'elle fasse le boulot, acceptant la défaite du moment que l'équipe a donné l'impression de tout donner. Le problème c'est que, pour gagner une finale, il faut savoir plus que tout donner. Les Toulousains l'ont appris en 1980, perdant de peu contre Béziers, 10 à 6, et en 1985, gagnant 36 -22 après une prolongation où ils ont su aller chercher au plus profond d'eux mêmes pour surpasser Toulon. Guy Novès a joué ces deux finales et il sait quelle est la différence entre une équipe championne de France et une équipe qui ne l'est pas. Côté Clermont, on est toujours resté, jusqu'à présent, sur une impression mêlant déception d'une finale perdue et satisfaction d'une saison réussie. Il faut savoir haïr la défaite pour pouvoir gagner les matchs décisifs et, apparemment, à Clermont on ne sait pas le faire. Il n'y a pas, à mon avis, de malédiction qui pèse sur l'équipe de Clermont, juste une propension à accepter la défaite là où d'autres équipes la refusent au plus profond d'elles-mêmes. A ce sujet, le fait que pour la première fois après une finale perdue, il n'y ait pas eu de cérémonie Place de Jaude, pour «célébrer» la défaite, est un progrès côté Auvergnat, signe d'espoir.
La question mérite d'être posée au vu du visage décomposé de Vern Cotter, seul au monde, sur la pelouse du Stade de France, au moment de la remise du bouclier. L'entraîneur néo-zélandais, malgré son superbe travail, connaît un énorme coup d'arrêt dont il lui sera difficile de se remettre. En effet, autant la défaite l'an dernier, venait après seulement un an de travail et était, avant tout, le couronnement des progrès de l'équipe, autant, cette année, ce revers, et surtout la manière dont il a été acquis, marquent un véritable échec. Après avoir autant dominé la saison et plus particulièrement des rivaux comme le Stade Toulousain, après avoir fait une démonstration de jeu, Clermont est complètement passé à côté de son match, autant stratégiquement que physiquement. On ne peut pas être l'équipe numéro un tout au long de la saison et autant se faire dominer lors du seul match qui compte (même contre une formidable équipe de Toulouse) sans y laisser beaucoup de son amour propre et, plus important, du respect et de la crainte de la part de ses adversaires. La question que tout le monde va se poser maintenant, et qui va faire rire le monde du rugby, c'est «Qui c'est qui va battre Clermont en finale, l'année prochaine ?». C'est une question d'autant plus cruelle qu' elle est juste. Clermont va, à nouveau, présenter une équipe compétitive qui aura les moyens de revenir en finale mais avec, dans les prochaines saisons, un poids psychologique encore plus important au moment de jouer ce fameux match. Cette équipe a finalement laissé passer sa meilleure chance d'être champion de France l'an dernier contre Paris alors que les Auvergnats menaient encore à la 74ième minute. Ils avaient fait un superbe match et auraient dû « tuer » les espoirs Parisiens s'ils avaient cette haine de la défaite que possèdent les deux Stades notamment. J'ai tendance à penser que cette défaite a eu des répercussions négatives sur la préparation tactique de la finale contre Toulouse. Ainsi le refus des Clermontois de se découvrir et de pratiquer leur jeu habituel vient du danger que représentent les contres Toulousains sur des ballons de récupération, mais aussi du déroulé de la finale précédente où les Auvergnats avaient donné l'impression de s'être épuisé à trop jouer. Quelle erreur, car en ne jouant pas ou peu, les Clermontois n'ont pas éprouvé leurs adversaires et surtout ils leur ont laissé le ballon. Et Toulouse sera toujours plus fort avec le ballon que sans... Concernant la question d'une victoire Clermontoise en finale du championnat de France, je reste persuadé, et je souhaite, que ce club sera Champion de France bientôt. Par contre, je ne pense pas que, malheureusement, cela se fera avec cette génération de joueurs. En effet, au moment d'une prochaine finale, l'équipe actuelle rentrera sur le terrain avec un handicap psychologique qui fera que son adversaire sera persuadé que, quel que soit le déroulé du match, il ne peut pas perdre. Et une équipe de rugby qui se sent invincible, au moment de rentrer sur le terrain, finit généralement par l'être sur la durée d'un match."