Ça faisait un moment que je n'avais posté ici. Beaucoup de livres sont passés entre mes mains cette année... Je ne vais parler que de ceux qui m'ont le plus marquée, que ce soit de manière positive ou négative.
- Splendeurs et Misères d'une Courtisane de Balzac.
Grosse surprise. Pour moi
Balzac, ça se résumait à de longues descriptions, un style lourd et une foule de détails dont on se passerait volontiers. Mais j'ai appris avec ce roman que c'est un auteur qui possède finalement deux facettes. Il y a certes une partie de son œuvre qui est réaliste, voire austère, mais l'autre part dans des intrigues qui feraient presque penser à du roman noir..! Dans
Splendeurs et Misères des Courtisanes, le lecteur se retrouve face au monde des bas-fonds, de la pègre, de la prostitution, de la
Corruption politique et policière. On y retrouve donc des histoires de meurtres, de
Suicide, de viol, de vol, de magouilles financières... Le style peut jongler du réalisme à de la merveille, en passant par du mélodrame dans les règles de l'art. Le tout avec un humour parfois grinçant et des situations cocasses.
- Le Bel Inconnu de Renaud de Beaujeu.
Le titre ne m'attirait pas plus que ça au début, mais c'est un récit que j'ai finalement adoré du début à la fin. C'est donc un roman médiéval, écrit en vers pour l'ancien français et en prose pour le français moderne. Le fait de le lire en édition "bilingue" apporte beaucoup, car l'ancien français est une langue avec pas mal de subtilités qui se sont perdues. Certains vers n'ont d'ailleurs pas pu être traduits en langue moderne. Bref. Écrit à la fin du XIIe siècle, ce roman renverse les codes littéraires établis et son auteur s'amuse avec les stéréotypes présents dans la plupart des écrits (et même de ce qui est issu de la tradition orale) en les détournant, et en y ajoutant un certain nombre d'allusions aux réalités de l'époque, ce qui n'était pas le cas avec les œuvres du siècle précédent. Il y a énormément d'intertextualités avec les romans arthuriens (surtout
Perceval, mais pas que...), les lais féeriques et la Chanson de Geste...
Le Bel Inconnu renverse donc les lieux communs, en mettant en scène un héros sans nom, appelé "le bel inconnu", qui part à la quête de son identité et qui traverse des épreuves qualificatrices, censées le mener à un mariage féodal qui ferait de lui un homme puissant à la tête d'une terre. Sauf qu'il est marqué par la dualité, à ne pas savoir faire de choix, à se rétracter face à certaines épreuves... Le déterminisme se voit bousculer par l'individualisation. C'est franchement une œuvre intéressante, divertissante, amusante pour peu que l'on s'intéresse un peu au monde médiéval...
- Une petite série d'œuvres autour du fameux mythe de Salomé (la princesse de Judée, "responsable" de la décapitation de Saint Jean-Baptiste), avec "Hérodias" de Flaubert dans son recueil
Trois Contes,
Salomé d'Oscar Wilde, "Salomé" dans le recueil des
Moralités Légendaires de Jules Laforgue, et quelques autres pièces comme un poème d'Apollinaire, un autre de Mallarmé et j'en passe...
(Ne pouvait pas tellement mettre une couverture pour illustrer mes propos vu le nombre d’œuvres mentionnées, je vais poster une célèbre peinture de Moreau, intitulée
L'Apparition, qui aura d'ailleurs fait couler un peu d'encre chez Huysmans, dans le cinquième chapitre de son roman
A Rebours).
Le fait est que ce mythe a refait surface au XIXe siècle et a été le fantasme halluciné d'un grand nombre d'artistes et d'écrivains, que ce soit dans le domaine de la poésie, de la nouvelle ou encore du théâtre. L'intérêt de se plonger dans ce mythe réside dans le phénomène d'émulation qu'il a engendré. L'histoire de Salomé prend racine dans les évangiles de Marc et Matthieu, où tous deux content l'histoire d'une princesse qui, sous l'influence de sa mère Hérodiade, fait décapiter le captif Jean-Baptiste, après une danse lascive devant son beau-père, le Tétrarque Hérode-Antipas (elle demande comme récompense après son exhibition la tête du Saint sur un plateau). Ce mythe a traversé les siècles en prenant différentes formes : au Moyen Âge, Salomé est bien évidemment décrite comme la dernière des putains (je reprends certains termes que l'on trouve dans les écrits des Pères de l’Église), véritable symbole du danger que représente la femme. Beaucoup de punitions sont imaginées pour la jeune fille, dont la décapitation comme retour juste face à son acte. Plus tard, à la Renaissance, on assiste à un peu plus d'indulgence et la figure d'un bourreau apparaît peu à peu (en revanche, le phénomène est plus pictural que littéraire). Le XVIIIe siècle efface le personnage sulfureux du tableau, trop sanglant sans doute, mais ce n'est que partie remise puisque la demoiselle resurgit le siècle suivant et remue le monde des arts. A partir de là, les interprétations sont multiples et les auteurs font de Salomé une véritable muse, symbole de l'érotisme et de la féminité à son paroxysme. A force d'utiliser le mythe, il s'use peu à peu. Les sursauts de la fin du siècle et du XXe tournent en dérision le personnage et son histoire, avant de la tuer, comme on peut le lire dans le récit de Laforgue (pas simple à lire, puisque l'auteur joue avec le style décadent de la fin du XIX siècle que l'on retrouve chez Huysmans). Le poème d'Apollinaire est clair dans son poème
La Danseuse : la princesse, sur un lac gelé qui se rompt, se fait décapiter par la glace. Le reste de son corps continue de bouger sous la glace, comme une dernière danse.
Globalement, les œuvres de Flaubert et Wilde restent celles qui marquent le plus les esprits. Le récit de Flaubert est très documenté, rapide à lire et plutôt sobre (on y retrouve par ailleurs quelques liens avec sa
Salammbô). C'est d'ailleurs grâce à lui que Wilde a écrit sa pièce, longtemps censurée à cause du caractère incestueux explicité (le beau-père libidineux qui dévore sa fille du regard lorsqu'elle danse) et de la scène du baiser à la tête coupée (elle embrasse langoureusement la bouche du Saint après sa décapitation).
Sinon, j'ai lu quelques pièces de théâtres mais je n'ai pas grand chose à en dire si ce n'est que la plupart se lisent sans que ce soit désagréable, mais qu'elles ne me laisseront pas un souvenir intarissable. Dans le lot, il y a :
- Les Paravents de Jean Genet.
Auteur assez spécial avec une écriture et un style que je n'ai pas trouvé évidents. Beaucoup d'images jaillissent dans cette pièce et ce n'est pas toujours évident de les comprendre. La mise en scène est étrange, il y a beaucoup de didascalies pas simples à imaginer, avec des paravents dressés de manière surprenante (un peu comme des étages).
Personnellement, l'ensemble m'a paru absurde et complexe. Absurde dans le sens où certains détails sont difficilement compréhensibles, les situations sont incongrues, les personnages sont incohérents... Mais tout ça, c'est voulu par l'auteur. L'intrigue se déroule durant la guerre d'Algérie, et l'armée française est dépeinte de manière peu valorisante. Quant aux algériens, ça ne vaut guère mieux. Tout le monde en prend pour son grade.
- Les Juives de Robert Garnier (auteur de la seconde moitié du XVIe siècle).
Sans doute un des écrits que j'ai le moins aimé dans tout ce que j'ai pu lire cette année. Pour apprécier cette œuvre, il ne faut pas être rebuté par le pathétique excessif. Très proches des
Troyennes de Sénèque, tout réside dans une lamentation sans fin de femmes juives, après l'assaut des assyriens. J'ai trouvé certains passages pas trop mal car on pouvait y voir des références à d'autres auteurs et courants (le Stoïcisme par exemple), mais globalement, c'était assez lourd et pénible à lire.
- J'ai aussi mis le nez dans des pièces de Marivaux, dont les deux
Surprises de l'Amour.
Pas désagréable quand on se met dans l'ambiance en imaginant les lazzis du célèbre Arlequin par exemple, mais les intrigues ne sont pas plus passionnantes que ça. C'est globalement attendu et prévisible. Les retournements de situations sont assez typiques de ce genre d'intrigues qui mêle histoires de cœur et incompréhensions entre les personnages qui engendrent des crises de jalousie ou d'égo blessé. Dans le théâtre du XVIIIe siècle, j'ai clairement préféré les pièces issues des Théâtres de la Foire qui mettaient en scène et se moquaient des contraintes imposées par l'Académie... Pour ceux que ça intéresserait, des documents (quelques pièces assez courtes) sont disponibles ici :
http://cethefi.org/ - Pauvres Diables, d'Arto Paasilinna.
Je n'avais jamais lu un bouquin d'auteur finlandais, il était temps de s'y mettre !
Pauvres Diables regroupe trois romans :
Le meunier hurlant ; Petits suicides entre amis ; La cavale du géomètre. Pour le moment, je n'ai terminé que le premier et viendra bientôt le tour du deuxième ! J'ai beaucoup aimé ce que j'ai pu lire jusqu'à maintenant. Les personnages sont loufoques et les situations assez incongrues (surtout dans
Petits suicides entre amis, où des suicidaires se regroupent dans une association pour mettre fin à leur jour - il leur arrive bien sûr maintes péripéties...). Le style est simple et limpide dans l'ensemble, mais les histoires sont prenantes, assez rigolotes voire touchantes (je pense au
Meunier Hurlant où on éprouve assez vite une sympathie pour le-dit meunier avec son comportement pour le moins spécial). C'est le genre de roman que je trouve parfait pour se relaxer et se relâcher les neurones.
Edit :
- Vathek de William Beckford.
Dans la veine orientaliste, j'ai également lu le roman
Vathek du dandy anglais William Beckford. Petite particularité : l'auteur a décidé d'écrire son œuvre en français, donc il n'y a pas de problèmes de traduction... Avec ce récit, qui prend parfois les traits d'un conte, on entre dans un monde mystique et surnaturel où prônent les excès en tout genre... Proche également du roman gothique, on y retrouve certains éléments phares comme les ténèbres, les mauvais pactes, la religion, la descente aux Enfers... Le tout sur un fond de débauche orientale. C'est sympa à lire et plutôt intéressant.
- Le Roman de la Momie de Théophile Gautier.
Mon grand problème avec Théophile Gautier réside dans son style d'écriture très visuel. Les descriptions semblent interminables... Au début de la lecture de ce roman, j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l'intrigue à cause de ces longueurs qui faisaient barrière. Une fois habituée à ce style très fourni (à la limite de l'
ekphrasis par moment...), j'ai réussi à me mettre dedans. Histoire classique au départ : deux personnages, un dandy et un archéologue (évidemment...) tombent sur un tombeau inviolé lors de leurs fouilles. Contre toute attente, le sarcophage ne conserve pas le corps d'un pharaon, mais celui d'une jeune femme qui, visiblement, n'a pas été abîmé par le temps. A côté de cette dernière se trouve le rouleau contenant son histoire...
Le cœur de la trame est niais : une jeune fille aisée (fille d'un grand prêtre) tombe amoureuse d'un pharaon inflexible, et tente de s'en rapprocher en se déguisant en servante.
En faisant l'impasse sur le côté romantique de l'histoire, qui personnellement m'a un peu ennuyée, on y a trouve de bons éléments et la lecture se fait assez rapidement. Les descriptions qui au départ paraissent sans fin finissent par fournir une ambiance globale plutôt immersive.
- PURE FILTH -