Art(s) et littérature >> Comment écrire une chronique qui tient la route ?
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Mercredi 31 Juillet 2013 - 17:04:44
Pas vraiment de la littérature, plus de la parodie... quoique...
 
Pour certains, les chroniqueurs Metal sont souvent l’âme d’un site et la qualité de leurs écrits sert souvent de baromètre à tel ou tel webzine. Pourtant écrire une chronique n’a rien de bien compliqué en soi. Par Essence, la chronique est subjective et donc son contenu facilement défendable si tant est qu’on applique la bonne formule. Par nécessité, le chroniqueur enchaine la rédaction à la vitesse de l’éclair.
 
Sollicité par les boites de promotion Metal, les labels voire directement les groupes, il n’est pas rare qu’un chroniqueur officiel reçoive plus d’une trentaine d’albums à chroniquer par mois. Faites le calcul : 1 album par jour ou presque. Est-ce fastidieux ? Oui, assurément. Est-ce fatiguant ? Ca dépend. Est-ce du domaine du possible ? Avec un peu de méthode et beaucoup d’esbroufe, oui.
 
Comment donc chroniquer un album par jour tout en trouvant du temps pour écouter ses propres disques ? Tel est donc le postulat de départ.
 
A ceci, je répondrai : rien de plus facile, mon bon monsieur (ou ma p’tite dame, c’est selon). Ou presque. Disséquons le corps d’une chronique en premier lieu. Vous vous devez d’être efficace avant tout donc les pavés de 15 paragraphes de 20 lignes chacun sont à proscrire à moins que, comme certains, vous ayez la gâchette facile. Idéalement, un paragraphe d’introduction, trois paragraphes sur l’album en soi et une conclusion sont parfaitement suffisants. On évitera la chronique confetti qui pour être réussie nécessite bien plus de maitrise que ses cousines bien plus longues : difficile de faire passer un Message simple et exact en peu de mots.
 
Concentrons nous tout d’abord sur le paragraphe d’introduction. Le lecteur a besoin de situer le groupe et le nouvel album dans la discographie du groupe. Informations essentielles : d’où vient le groupe ? quel style musical pratique-t-il ? quelle place a ce nouvel album dans la discographie dudit groupe ? Pour répondre à la première question, rien de plus simple, Spirit of Metal et Metal Archives sont vos amis. Vos nouveaux amis vous aideront à répondre également à la deuxième question mais sachez que les contributeurs de chacun de ces deux sites sont quelquefois à la ramasse et vous ne pourrez donc pas vous dispenser d’une écoute si le groupe avait entretemps décidé de passer du Raw Black Metal au Glam Sympho. Dans le doute – est-ce du Brutal Technical Death Metal ou du Technical Brutal Death Metal ? – moins vous vous éparpillez, moins vous vous exposez à la vindicte populaire. Quand on n’est pas sûr de son coup, on vise large donc, à moins de maitriser le style en question, mieux vaut rester sur les grandes familles : Heavy Metal, Black Metal, etc. Ca situe très bien sans prendre de risques. Pour placer un nouvel album dans une discographie, vos dix doigts sont en général suffisants. On citera volontiers ce qui était considéré comme l’opus magnum du groupe (ou ses deux meilleurs disques pour une discographie plus fournie). Quoi ? Vous n’avez pas toute la discographie du groupe ni même écouté un seul album de ce « grand » groupe jusqu’à aujourd’hui ? Pas grave, direction Metal Archives : sur la fiche de chaque groupe sont listés tous les albums avec leurs notes moyennes. Prenez la plus grande (ou mieux l’une des plus élevées mais avec un grand nombre de chroniques) et voilà, vous avez déterminé le meilleur album du groupe. Une formule toute faite du genre « est-ce que le nouvel album détrônera le meilleur album » et on peut enchainer sur la suite avec un minimum syndical déjà acceptable.
 
Les trois paragraphes qui doivent composer le corps de la chronique doivent parler musique. Mais vous n’avez écouté l’album qu’une fois. Ca va être dur ? Non. Pour la suite lire l’anglais est un plus mais pas forcément une nécessité. Il y a fort à parier que l’album que vous devez chroniquer l’a déjà été. Alors lisez deux trois chroniques, et tentez d’en retirer la substantifique moelle. Les morceaux qui ont impressionné les autres chroniqueurs, les points faibles et/ou forts, etc.
 
On peut toujours noyer le poisson. Certains, évoqués plus haut, tentent de cacher leur manque de connaissances avec des concepts ésotériques de comptoir et des grandes phrases. D’autres, ont des oreilles en mousse et racontent souvent tout et n’importe quoi (alors qu’ils peuvent être sincères, le comble !). Le but est de sonner juste sans prendre de risques !
 
Quand vous écrivez une chronique de ??? Metal, il est de bon ton de citer quelques groupes dont la musique semble similaire. Cela a pour but d’orienter le lecteur dans son achat. Vous avez dès lors un nouvel ami : last.fm. Rendez-vous sur la page last.fm du groupe et notez deux à trois groupes similaires. Voilà c’est fait.
 
La qualité de l’album ? Facile, l’album que vous chroniquez n’est jamais aussi bon que les classiques du genre. En Metal, ce qui est plus vieux est meilleur. Dans le cas d’un groupe de Death Metal, on pourra jeter un peu de poudre de perlimpinpin en écrivant que xxx est un bon/très bon album (en fonction de ce que vous aurez glané comme info à gauche et à droite) mais qu’il n’arrive pas à la cheville d’un [insert first classic] Leprosy ou d’un [insert second classic] Seven Churches. Et même si ledit album est un futur classique, ces derniers ne prennent l’appellation AOC que 10 à 20 ans après, donc pas de risque majeur encouru. Même recette pour les autres genres, on change juste les noms, Leprosy devient Transilvanian Hunger et Seven Churches devient Panzer Division Marduk. En Heavy, Piece of Mind et Master of Reality, etc., etc. Vous voyez c’est facile !
 
Si l’album est plutôt bon, exprimez des regrets quant à sa courte durée et sa production de qualité qui met en valeur les compositions de x ou y. Si l’album est mauvais, une petite formule assassine fait toujours rire et ça ne mange pas de pain. Quelques remarques personnelles peuvent faire mouche aussi mais restez toujours vague. Essayez d’écouter l’album au moins une fois, ou au moins la moitié, des fois ça suffit, et prenez des notes : solo sympa sur le second morceau, riff ok pour le troisième, voix surmixée, où est passée la basse, break d’enfer sur le morceau d’ouverture, etc. Inutile d’avoir fait conservatoire et personne n’ira vous contredire.
 
Si vous connaissez les autres albums du groupe, essayez de comparer ce nouveau jet aux anciens, sinon mettez la en veilleuse.
 
Pour la conclusion, paraphrasez-vous et glissez une petite formule à la Pujadas et le tour est joué.
 
A noter que très souvent, les labels et autres boites de promotion envoient des bios et quelquefois vous mâchent quasiment le travail en décrivant la musique et en fournissant quelques anecdotes. Servez-vous de ces infos ! La majeure partie des gens n’y ont pas accès et en plus vous vous mettez dans les petits papiers du label !
 
Avec ces précieux conseils, on peut chroniquer tout et n’importe quoi. Si en plus, le style est relativement bon, on vous félicitera sur votre belle écriture et la majorité des gens n’y verront que du feu. Sur certains webzine, les chroniques peuvent être commentées et on risque de vouloir vous y jouer de mauvais tours ou d’y déverser son fiel. Rappelez-vous alors que vous êtes une blanche colombe et que votre emploi du temps ne vous permettent pas de vous abaisser à répondre aux gueux. Vous n’écrivez pas des chroniques ! Les chroniques vous écrivent !

Mercredi 31 Juillet 2013 - 17:14:24
This made my day. C 'est tellement vrai en plus!

Mercredi 31 Juillet 2013 - 18:13:42
Excellent. J'en ferais à l'occasion en publipostage :-)

Mercredi 31 Juillet 2013 - 19:29:29
Un post magnifique, Gandhi. J'ai lu Ton coup de gueule avec beaucoup d'attention, et je suis content de l'avoir fait car ça répond à pas mal de questions que je me pose depuis des années...

D'ailleurs, je vais rebondir sur ce passage qui me paraît on ne peut plus éloquent :


citation :
GandhiEgo dit :
 
Sollicité par les boites de promotion Metal, les labels voire directement les groupes, il n’est pas rare qu’un chroniqueur officiel reçoive plus d’une trentaine d’albums à chroniquer par mois. Faites le calcul : 1 album par jour ou presque. Est-ce fastidieux ? Oui, assurément. Est-ce fatiguant ? Ca dépend. Est-ce du domaine du possible ? Avec un peu de méthode et beaucoup d’esbroufe, oui.


Voilà. Une trentaine d'albums par mois, c'est tout sauf humain (à moins que tous les chroniqueurs de Metal ne disposent d'une mémoire eidétique, ce qui m'étonnerait...).

Je fais partie de ces gens qui mettent des plombes à "maîtriser" vraiment un album, alors je me demande souvent comment certains font pour enchaîner 30 albums par mois et y comprendre encore quelque chose (après tout, mieux vaut capter un minimum quand on pond des chroniques...). J'ai maintenant ma réponse qui se résume en un mot : rhétorique. Oui, c'est strictement impossible d'avoir du recul vis-à-vis d'un album avec une seule écoute. Le chroniqueur procède inéluctablement en mode robot, quitte à générer du texte vide. Quelque part, ça me rassure. J'ai maintenant la confirmation que ce n'est pas mon cerveau qui déconne.

On s'est parfois foutu de ma gueule parce que j'ai pour habitude de faire des grandes phrases dans mes chroniques, en plus de partir dans des délires conceptuels parfois ésotériques. Je comprends que le style puisse ennuyer, mais les lecteurs sérieux auront sans doute remarqué le cassage de cul analytique qu'il y a derrière mes écrits, ces derniers redessinant souvent de manière exhaustive les albums. Le travail gigantesque derrière tout cela explique d'ailleurs mon retrait prolongé du monde de la chronique car, si on additionne les heures d'écoute nécessaires au temps d'analyse et au temps de rédaction, ça nous amène à une somme temporelle assez astronomique.

Bien sûr qu'une bonne chronique n'est pas dans la longueur. La concision est aussi une force. Chacun son style. Mais la moindre des choses, c'est de livrer un papier qui soit intègre, et je doute que ce soit possible dans les circonstances décrites ici. Le pire, c'est qu'il s'agit manifestement d'un phénomène de grande envergure, ce qui n'est pas de bon augure pour le monde de la chronique...

Au final, je préfère garder mon rythme de vieux.


Mercredi 31 Juillet 2013 - 20:47:24
30 albums par mois, des fois, c'est la limite basse...

Mercredi 31 Juillet 2013 - 21:27:27
Excellent écrit !

Justement je devais rédiger une chronique pour la première fois ce mois-ci, je vais suivre tes conseils et à coups sûrs elle plaira


Mercredi 31 Juillet 2013 - 22:59:30

citation :
Hellsheimer dit :

30 albums par mois, des fois, c'est la limite basse...


C'est vraiment abusé. Ça peut aller jusqu'à combien ?


Mercredi 31 Juillet 2013 - 23:30:31
Ou sinon le mieux ça reste écrire un texte tout fait avec des trous dedans et tu remplis au fur et à mesure (genre tu laisses le nom, le type, etc...). C'est encore plus facile et c'est juste à 95% .


Jeudi 01 Août 2013 - 00:12:21
Merci, Ghandi, je vais enfin pouvoir chroniquer du Gorgoroth sans même avoir à écouter l'album !



Jeudi 01 Août 2013 - 01:22:36
Excellent...
Et tellement vrai...